L’urgence est-elle libérale ?

L’urgence peut-elle s’adapter à un régime libéral ? Une politique libérale est-elle compatible avec l’état d’urgence ?

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L’urgence est-elle libérale ?

Publié le 27 octobre 2022
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L’urgence est à la mode. Il y a la désormais traditionnelle urgence climatique. L’urgence face à l’immigration ou l’urgence à défendre nos valeurs. Mais aussi l’urgence à sauver les urgences.

L’urgence est un concept intéressant. Quand vous allez aux urgences c’est que vous n’êtes pas bien. Vous attendez très patiemment votre tour dans un certain niveau d’angoisse. Finalement vous êtes pris en charge et… Vous faites exactement tout ce qu’on vous dit. Pas le moment de discuter avec le médecin, vous faites les examens qu’on vous recommande et vous avalez tout ce qui ressemble vaguement à un médicament.

 

L’urgence est partout

Cette urgence transposée dans une situation plus quotidienne et moins directement liée à votre santé a pourtant le même effet sur votre cerveau.

Elle est même exploitée depuis longtemps par les commerçants pour vous pousser à acheter. Les opérations commerciales sont toujours très limitées dans le temps. Les séries limitées portent l’urgence dans leur nom et les ventes flash se terminent plus rapidement qu’une mission gouvernementale du même nom.

Il est même urgent de se faire plaisir comme vous le conseille un célèbre site de vente en ligne.

L’urgence est aussi une stratégie de négociation : jouer avec la montre est un outil très souvent utilisé dans les négociations collectives. Se mettre d’accord sur un planning long puis exiger soudainement des décisions immédiates rend la partie adverse très nerveuse.

Ce sentiment désagréable ressenti dans les moments d’urgence est associé par certains chercheurs au sentiment ressenti enfant lorsque le sein maternel se faisait attendre au moment de la tétée. Il provoque un sentiment de manque et d’abandon insupportable. L’humain normal sera donc prêt à accepter plus facilement n’importe quelle solution pour faire disparaître cette émotion désagréable.

Devant tant de bénéfices, les politiques se sont vites emparés du concept qui a atteint sont paroxysme avec la crise du covid et l’urgence à vacciner la population. Mais il y a aussi urgence à réformer le système de retraite, à réformer l’école ou la sécurité sociale, urgence à prendre des mesures radicales contre tout et n’importe quoi. Nous vivons d’ailleurs depuis 2015 dans un état d’urgence, terroriste ou sanitaire, mais surtout d’urgence permanente.

La question posée est donc la suivante : l’urgence peut-elle s’adapter à un régime libéral ?

Une politique libérale est-elle compatible avec l’état d’urgence ?

Les libéraux peuvent-ils inverser cette tendance à l’urgence perpétuelle ?

Le principe de base du libéralisme étant la décision individuelle, il parait impossible pour un gouvernement libéral de décider d’une urgence nationale. Chacun jugera du niveau d’urgence que sa situation personnelle exige.

D’ailleurs, puisque l’on parle de décision individuelle, celle-ci doit être réfléchie et motivée après un temps d’analyse et de comparaison des possibilités difficilement compatibles avec l’urgence.

Vous allez me dire qu’en cas d’attentat, l’urgence s’impose au décideur politique par la brutalité de l’acte. L’urgence d’intervenir sur les lieux ne peut être contestée mais elle est de la responsabilité d’unités qui font de l’urgence leur métier.

La décision politique, elle, ne doit pas céder à l’urgence même et surtout quand elle concerne une situation d’urgence.

 

Et s’il y avait une candidature libérale ?

Dans l’hypothèse d’une candidature purement libérale – message aux haters et pour la centième fois : non, Macron n’est pas libéral – ce principe me parait fondamental pour montrer que le libéralisme est bien un état politique différent. Aucun décision politique libérale ne peut être prise dans l’urgence, aucune décision politique ne peut être prise sans débat, aucune décision politique libérale ne peut être prise sans analyse préalable complète et sans confrontation des idées contradictoires.

Le libéralisme doit ralentir la prise de décision pour la rendre plus sûre et permettre aux individus de prendre leurs propres décisions individuelles. Car le biais engendré par la décision rapide est qu’il infantilise. Comme un père manquant de patience, l’État devance la décision individuelle en voulant aller trop vite. Les citoyens finissent donc par s’en remettre à lui pour décider puisqu’ils en ont désappris le processus.

Que cette motivation à aller trop vite vienne d’une bonne intention ou d’un calcul politique, l’effet désastreux reste et ses conséquences sur la population sont catastrophiques.

Pour ralentir la décision il faut redonner son rôle à l’Assemblée, même au prix d’une lenteur politique calculée au nombre de milliers d’amendements déposés. Cest impératif.

On peut d’ailleurs se poser la question de l’usage du 49-3. Je ne suis pas certain qu’il soit un outil libéral.

L’urgence se retrouve dans l’action politique mais aussi dans la communication de cette action. La présence permanente des politiques dans les médias pour délivrer les mêmes éléments de langage, symptôme de cette urgence à communiquer est probablement une des causes de la baisse des intentions de votes et du désintérêt pour les politiques. Quel est l’intérêt et l’efficacité de cette présence médiatique permanente ?

Cette urgence dans la communication n’est pas une pratique libérale. La communication libérale doit s’extraire de l’urgence médiatique. Une conférence de presse mensuelle doit parfaitement suffire à informer la population du travail gouvernemental.

On peut d’ailleurs se questionner sur la clarté de l’action politique quand il devient nécessaire de faire 10 interviews pour l’expliquer.

Finalement l’action politique libérale devra plutôt s’occuper de relativiser les urgences. Les problèmes actuels, tous présentés sous cet angle, sont des problèmes sérieux dont il faut s’occuper mais certainement pas dans l’urgence. Notre communication passera par l’explication, la comparaison et la présentation des différents choix qui s’offrent à nous, plutôt que par le maintient de cet état de tension permanent.

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  • Dans un système libéral, il y a peu d’urgence. D’abord parce que l’intervention de l’état est limitée (le régalien); Ensuite des situations d’urgences peuvent survenir; la guerre ou une catastrophe naturelle (tremblement de terre) par exemple. Mais des structures dédiées sont prévues et elles ne nécessitent peu de décisions immédiates à part l’invasion ennemie.
    Attention, le libéralisme, ce n’est pas le débat. Le débat c’est la démocratie. Et puisque que l’intervention du politique est limitée, ce n’est plus la question.

    • l’urgence comme la culpabilité ou la responsabilité est essentiellement individuelle..plus exactement oserai-je d’essence individualiste
      il y a peu d’urgence “collectiviste”..

      • Bien d’accord.
        Face à un service public, il ne faut pas être pressé.
        Mais dans la solitude de mes propres besoins, quand mes intestins sont impliqués, il y a souvent urgence.

        -1
  • “l’urgence”, c’est peut-être de redonner les bonnes définitions aux mots, pour éviter les maux de notre société.

  • L’urgence active dans le cerveau des processus cognitifs différents. Essentiellement émotionnels, et moins rationnels car ils demandent plus de réflexion. Ils sont plus manipulables, car moins sûrs (mais ils ont l’avantages d’êtres plus rapides). L’important donc pour ces vendeurs, politiques, est d’apporter le sentiment d’urgence, cad que la décision doit se faire rapidement.
    Si on reprend l’affaire covid, le virus est apparu fin 2019, et les mesures ont été prises le 15 mars 2020. Soit 2 mois et demi, ça laisse du temps pour en discuter tout de même! Mais l’affaire n’a été portée que quelques jours avant, car avant l’urgence, ce n’était pas vraiment urgent…
    Je soupçonne que les libéraux sont plus rationnels que la moyenne des gens, ainsi ce n’est pas que l’urgence ne soit pas libérale, c’est que les libéraux n’aiment pas l’urgence…

  • Urgence “alibi” ou urgence crée par l’inconséquence, l’absence d’anticipation des problèmes ( découverts au dernier moment tant on a fermé les yeux pour ne pas les voir) ?

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