Pourquoi nous ne sommes pas réactionnaires

On n’est jamais réactionnaire qu’en vaines et stériles paroles.

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Pourquoi nous ne sommes pas réactionnaires

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 12 octobre 2022
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La vision réactionnaire du réel n’est pas plus féconde que les mythes haineux de la gauche contemporaine — néo-racisme, genderisme, écologisme. Voici pourquoi.

 

Le passé des réactionnaires est mort

Sans doute la civilisation réside-t-elle dans ses pérennités, constances et traditions, au sens de Edmund Burke, autant que dans ses novations. Oui, la respiration de la civilisation occidentale est semée d’embruns médiévaux, grecs, romains, chrétiens et juifs (Philippe Nemo). Mais une époque n’est pas l’autre ; elle ne peut l’être et jamais ne le sera. Le passé est mort. S’il survit en nous, comme nous cultivons la mémoire de nos pères, on ne le ressuscite in extenso que par des rêves malsains et stériles, peuplés de zombies.

Car, une époque est traversée par des forces — humaines, climatiques, technologiques — dont le faisceau non seulement lui est propre mais la définit dans sa spécificité.

Ne prenons que l’exemple de la technique. Le grand siècle — comme disaient les Français à l’époque où il se figuraient que leur point de vue était mondial — celui du quatorzième Louis, est aussi défini, au sens ontologique, par l’état de sa médecine.

Comment ! On voudrait expliquer, circonscrire et connaître le siècle doré en faisant abstraction de ses médecins foutraques, de sa médecine chamanique et de leurs humeurs, quand tout se résolvait en abondantes saignées ? Rendra-t-on compte de l’époque en ignorant la mortalité, alors qu’un enfant sur deux trépassait avant quinze ans ? « Plus le bouc pue, plus la chèvre l’aime. » Telle était la conception de l’hygiène que se faisait le siècle aux grands airs.

Dans son caractère unique, froissé de mille spécificités, dont l’idée même de les reproduire ferait sourire un enfant, aucune époque de la grande histoire des hommes n’a jamais été ni ne sera jamais réinventée comme on rouvre le plateau du Monopoly pour une partie. La réaction est un songe-creux.

 

Le passé des réactionnaires n’a jamais existé

Mais le réactionnaire ne veut pas revenir à l’époque entière. Ce qu’il souhaite, c’est renouer avec les succès (ou travers) qui lui conviennent, gommant, effaçant, niant tout ce qui le débecte.

Quand les forces de la réaction célébraient, en France, le siècle du roi lumineux, s’en fabriquant une image grandiose, elles avaient soin d’en chasser le bouc. Quand Hannah Arendt s’enamoure de la conception grecque antique du travail (horreur) et du loisir (bonheur), elle omet soigneusement de rappeler qu’à Athènes comme à Sparte il y avait dix esclaves pour un homme libre. Cette façon qu’avaient les vertueux Spartiates de s’arroger le droit, chaque année, de massacrer des Hilotes (esclaves) pour le plaisir, sans aucun motif, sinon celui de garder la main et leur rappeler leur statut, tout cela vous a pourtant un fumet de banalité du mal, n’est-ce pas ?

On ne peut célébrer le Spartiate et l’Athénien libre, tendre à revenir à leur mode de vie et leur statut, que si l’on englobe dans cette tension, la dégradation de neuf-dixième de nos populations vers l’esclavage le plus abject.

C’est un hommage au temps qui passe — à l’exceptionnalité radicale de chaque époque — que la tendance des réactionnaires, de toutes les époques, de ne jamais célébrer qu’une fraction, un fragment et comme un parfum, des temps révolus. Parce que ces temps, précisément, sont révolus et que la célébration de l’esclavage ou du bouc qui pue, non, vraiment, cela n’est plus possible !

Le passé du réactionnaire est un mirage, une illusion, un fantasme, un mensonge, une réinvention poétique. Y tendre revient à embrasser le néant, comme on cherche à retourner dans un rêve, après s’être éveillé.

 

Le réactionnaire est un serial loser

Pire qu’un perdant, le réactionnaire est un perdant qui ne prétend pas gagner. Qui n’entre pas dans la partie réelle, se contentant de phraser en marge du real game. J’hésite à citer des noms. J’ose. Quand des auteurs tels Alain Finkielkraut, Éric Zemmour, Alain de Benoist ou, dans un registre plus modeste et people, Natacha Polony, Eugénie Bastié ou Mathieu Bock-Côté serinent à longueur de colonnes répétitives leur détestation du présent, pour célébrer en contrepoint le passé français, plus exactement l’image d’Épinal qu’ils s’en font, comment ne pas percevoir l’extrême stérilité de la démarche ?

Essentiellement plaintif, le réactionnaire n’a rien à proposer. Pensez-vous ! C’est toute l’époque qui doit être remisée, brisée, frappée de caducité. Pour faire renaître (choisir en fonction de vos affinités) le grand siècle/le temps de Charles Peguy/le pays de mon enfance/la France de de Gaulle, mon vieux ! Bref, avant. Parce qu’avant, c’était mieux (cri de ralliement des réactionnaires à travers les âges : déjà, Caton !)

L’œuvre du réactionnaire est un cri, une complainte, un long et interminable feulement.

Même si le réactionnaire était cohérent et consentait à reprendre le bouc, avec le Roi-Soleil, et dix esclaves, en soutien de son Athénien fantasmé, il ne le pourrait pas : on ne recrée pas l’Attique de Thucydide, ni l’ultra-dominance gallique. A fortiori en est-il de sa vision tronquée, hors-sol, d’un monde qui n’a jamais existé.

Le passé du réactionnaire est comme une photo de famille qu’on contemple, les larmes aux yeux, après en avoir soigneusement découpé les ancêtres qu’on déteste.

 

Les réactionnaires ne sont pas réactionnaires

Je ne connais aucun réactionnaire qui, son enfant malade, le confierait aux Diafoirus de Molière plutôt qu’à la science et la technique médicales du XXIe siècle. Peut-être suis-je mal renseigné. Peut-être mes recherches ne sont-elles pas assez poussées. Mais je n’ai jamais rencontré un réactionnaire à qui, taquin, j’ai posé cette question qui m’ait répondu : le Bouc ! A-t-on jamais vu des idéologues écologistes — les plus fervents réactionnaires de notre temps, vouant la technè aux gémonies, préconisant le retour à la nature pure et sans entrave, Gaïa ! — s’empresser à la rencontre d’un ouragan, d’un tsunami, d’un virus, du gel, d’un grizzli ou de l’un ces mille figures et legs par lesquels la nature, des millénaires, des dizaines de millénaires durant, s’est attachée à écraser, déchirer, dissoudre et pulvériser l’espiègle créature humaine ?

On n’est jamais réactionnaire qu’en vaines et stériles paroles.

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  • Et on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Surtout si l’eau en est sale. Même si on a très chaud.

  • Il y a des moteurs à réaction, mais pas de réaction qui soit moteur.

  • Et pour finir, citations de deux célèbres paroliers :
    – les réactionnaires sont des tigres en papier
    – un reactionnaire, c’est quelqu’un qui prend des lanternes pour des vessies.

  • Ce genre d’article caricatural ne fait pas honneur à Contrepoint qui ma habitué à plus de qualité.

    • @Boysander
      Je plussoie ; heureusement que « Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l’auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction. »
      @ l’auteur
      Et quel mal y-a-t-il à tendre à espérer le retour d’une partie -saine- du passé, qui pourrait améliorer le présent ? Trouvez-vous que le présent -tel que nous le vivons- est si beau que « progressiste », que vous semblez vouloir apparaitre, soit enchanteur ?
      Le présent n’est que la conjonction du passé, y perpétuant bonnes et mauvaises variantes du passé ; oui, il reste encore au moins dix « esclaves » pour un « privilégié » et même, une partie en est éliminée périodiquement -pour rien, sinon les caprices de « privilégiés »- à une autre échelle qu’à Sparte).👎🏼

      • Le disclaimer ne sert pas à expliquer que la rédaction n’est pas d’accord avec les opinions de l’auteur, il dit que ce n’est pas forcément le cas et que ses propos n’engagent que lui-même.
        C’est différent me semble t’il, c’est juridique.

    • Ah ah 😂 ce qu’il ne faut pas lire ( on te vois pas souvent @boysander ?, t’es certain d’être au bon endroit ? )

    • Quand on voulait réduire les arguments de son adversaire, on le déclarait réactionnaire. L’injure est toujours d’actualité. Pourtant, il y a beaucoup d’obstinés, ancrés dans des certitudes, qui pourraient être aussi bien des réactionnaires, comme ces progressistes qui patinent sur des utopies et qui illustrent une inutile fuite en avant. Il y a une chose impalpable de l’esprit qui se transmet de générations en générations, qui s’est nourrie à travers les siècles et que l’on se doit défendre, sans quoi la société deviendra cette fourmilière, cette société minérale que décrivait Valéry.

  • Parmi les idéologues écologistes, je pense qu’il y en a pas mal qui, lorsque leur enfant va mal, les emmènent chez Diafoirus. Euh pardon, je veux dire naturopathe, homéopathe, sophrologue, radiesthésistes…

  • « La vision réactionnaire du réel… »
    L’important et de voir le réel, et de savoir l’analyser objectivement.
    La connaissance précise du Passé a toujours eté et restera indispensable, et fondementale c’est ce qui constitue notre aptitude a concevoir le futur.
    Le danger pour l’humanité est le negationisme du réel, qui fait recette a Gauche et ailleurs.
    Trois exemples pour aider a savoir de quoi on cause :
    La terre est plate. Les sexes n’existent pas. Asterix est raciste.
    Le mot réaction ne veut rien dire Il sert aux negationistes a insulter, ils ne savent faire que ça, ceux qui ne pensent pas comme eux.

  • Il semble que l’auteur utilise le mot réactionnaire dans un sens trop politique et péjoratif.
    Etre réactionnaire aujourd’hui, ce n’est pas refuser le progrès et la science mais seulement vouloir conserver les bases de ce qui a permis justement de progresser.
    Ceux que l’auteur veut critiquer sont justement ceux qui s’opposent à une décadence qui nous fait actuellement régresser particulièrement au niveau des libertés individuelles.

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    • Merci Clovis2 de si bien exprimer ma pensée. D’ailleurs, est réactionnaire aussi, pour l’auteur, celui qui veut que nous conservions notre capacité à nous exprimer finement, par la qualité et la quantité du vocabulaire, tandis que ceux qu’il aime ne parlent plus que par phrase-bateau et mot-dièse. Pauvreté du vocabulaire entraîne pauvreté de la réflexion…
      Selon cette définition, je suis donc réactionnaire et fière de l’être. Ce n’est pas pour autant que je veux revenir aux châtiments corporels !
      Un peu de nuance, que diable M. Godefridi !

  • Il est évident que l’on ne va pas renvoyer tous les musulmans dans leur pays d’origine, mais on est en droit de protester contre l’islamisme rampant qui gangrène peu à peu notre société, du moins beaucoup de zones urbaines dites sensibles. N’est-il pas logique de critiquer l’incohérence des « progressistes » et « féministes » qui dénoncent la persistance selon eux du caractère patriarcal de notre société mais s’opposent à l’islamophobie et font le jeu de la mysoginie caractérisée de l’islam ?
    On est en droit aussi de déplorer la dégradation de notre système éducatif qui fait de plus en plus la part belle aux théories douteuses (genre, réchauffement climatique anthropique,…) au détriment d’un enseignement de base traditionnel, cf le niveau gravement déclinant des élèves en orthographe et en mathématiques par exemple.
    Etc…

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    • Bien observé ! La Réaction moderne – si on m’autorise cet oxymore – n’a qu’un sujet de discussion. Légitime. D’autant qu’il travaille assez largement la plupart des courants politiques. L’islam(isme). Et son vecteur : l’immigration.
      Nos dirigeants ont excellé dans l’art de mettre la poussière sous le tapis. Du pain béni pour les « islamophobes » de tous bords. Les premiers devraient comprendre que tant que les seconds resteront sur leur faim, un jour où l’autre, Super Nanny débarquera pour remettre tout ça d’équerre.

  • en premier lieu.. très peu de gens sont réactionnaires envers tout…

    donc circonstanciellement être réactionnaire sur un point ne signifie pas être opposé au « progrès ».. c’est ne pas partager parfois la même opinion sur sa definition. ou sur les valeurs et éventuellement la hiérarchie d’icelles

    je me fous d’etre qualifié de réactionnaire de droite de gauche ou d’extreme droite..ou gauche;.. un jour je serai peut être d’accord avec un écolo…

    dialectique… usage du mot capitalisme…

  • Curieux cette sortie sur la réaction. La réaction c est ce qui permet le sursaut ce qui empêche de tomber. Illustration : l avion à réaction. L auteur serait il écolo ? Back to the trees? Pour moi la réaction c est au contraire face à un présent qui sombre , la force intérieure qui relance et permet d avancer contre le courant. L auteur fait l erreur des progressistes il manque de discernement: ce qui se présente comme nouveauté n est pas nécessairement un progrès . Quand une nouveauté se présente ex : éoliennes, lecture globale, euthanasie : est ce une avancée ou au contraire une nouvelle régression ? La réaction consiste pour moi à choisir les progrès réels et refuser les régressions déguisées en progrès. L éducation de nos enfants a été le théâtre de ces faux progrès. Les eradiquer sera une saine réaction et non un néfaste retour en arrière. Les gens de gauche ont réussi à rendre le mot reaction negatif tout comme ils l ont fait du mot libéral . On aurait pensé qu un libéral ne sy serait pas pris….

    • Je n’ai pas souvenir d’une époque où être réactionnaire fût défini comme vertu.
      Ce terme a d’emblée (révolution française ?) servi d’insulte. Et est toujours considéré comme tel. On préfère se dire conservateur.

      [Progressiste est devenue une insulte plus récemment, quelques décennies tout au plus. Mais que vaut une insulte dont le vocable est revendiqué par les héritiers des Lumières ?]

      • @abon effectivement , c’est symptomatique de la perversion des mots . La réaction a été d’emblée étiquetée mauvaise , bien pratique pour tout imposer et vitrifier toute tentative de résistance . On voit bien que le mot libéral est en train de se faire labelliser de la sorte . Attaquer les mots est une tactique très efficace pour disqualifier toute opposition . C’est ce que je reproche à l’auteur qui donne vigoureusement dans ce piège . Faisant cela , il n’aide aucunement le libéralisme lui même victime du même stratagème .

  • Vous donner dans la caricature . Alerter sur les problémes du présent en rappelant ce qu’ il y avait de bon ( pas tout bien bien sur ) , pour vous c’est etre réactionnaire , ça manque de crédibilité .

  • Article caricatural facile.
    En refusant le « changement climatique », l’auteur de l’article s’accroche a un passé idéalisé?(c’était mieux avant, il y avait des cerises a la bonne saison et de la neige en hiver,mais maintenant avec ce déréglement climatique, ma brave dame!)
    Je suis pas jeune, mais si un jour je peux monter au sommet de l’EVEREST, sans crampons, parce qu’il n’y a plus de glaciers, ce sera plutôt bien.
    Si il y a une réaction en ce moment c’est du coté des écologistes qu’il faut la chercher.

  • Les commentaires sont fermés.

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