La réforme de l’AVS (assurance-vieillesse et survivants) passe de justesse
Alors qu’en France on s’interroge sur la procédure à suivre au Parlement – consultations ou passage en force, l’un n’excluant pas l’autre – pour réformer notre système de retraites qui en aurait grand besoin, et qu’on s’achemine vers une confrontation de muscles plutôt que de cerveaux, l’ensemble des Suisses en âge de voter s’est vu conférer le pouvoir de décision en vertu de la Constitution pour un objet et d’une demande de référendum pour l’autre.
(Source)
L’AVS est le premier pilier du système de protection sociale des personnes âgées. Dans ses explications (à télécharger à partir d’ici), le Conseil fédéral a écrit :
La stabilité financière de l’AVS est menacée parce que les baby-boomers arrivent à l’âge de la retraite et que l’espérance de vie augmente. Dans quelques années, les recettes de l’AVS ne suffiront plus à financer toutes les rentes.
Afin de stabiliser l’AVS et de garantir les rentes sur les dix prochaines années environ, il a été proposé de relever le taux réduit de la TVA de 2,5 à 2,6 % et le taux normal de 7,7 à 8,1 %.
Cette proposition a été acceptée avec 55,1 % des voix pour une participation qui s’est montée à 52,2 % (plutôt élevée).
Les cantons romands de Fribourg (bilingue, majoritairement romand), Genève, Jura, Neuchatel et Vaud se sont majoritairement opposés à la réforme. Le Valais l’a acceptée avec une courte majorité de 50,4 %.
Pour entrer en vigueur en 2024, la réforme devait aussi inclure un relèvement progressif de l’âge de la retraite de 64 à 65 ans pour les femmes (65 ans comme pour les hommes). Le paquet proposé inclut des flexibilités comme la possibilité de fixer librement le moment du départ à la retraite entre 63 et 70 ans et de réduire progressivement l’activité lucrative grâce à la possibilité de percevoir une rente partielle.
Ce résultat a été acquis à une courte majorité de 50,6 %.
Mais cela représente un événement dans la mesure où toutes les tentatives précédentes des 25 dernières années avaient échoué.
Les cantons romands, Bâle-Ville et le Tessin (italophone) ont voté majoritairement contre (de 53,2 % à Bâle-Ville à 70,9 % dans le Jura).
Dans son éditorial du 26 septembre 2022, la Tribune de Genève relève que l’argument du sacrifice demandé une nouvelle fois aux femmes n’a pas déployé toute son efficacité. Il est en effet difficile de le faire valoir et de justifier le maintien dans la loi d’une certaine discrimination quand on bataille à longueur d’année pour l’égalité hommes-femmes.
Selon un sondage de la Tribune de Genève, la réforme a été approuvée à 65 % par les hommes et seulement 37 % par les femmes.
Le dossier des retraites est loin d’être clos (pourra-t-il l’être, d’ailleurs). « Il y a de grosses discussions à venir et je me battrai pour l’égalité salariale », a déclaré Mme Céline Amaudruz, conseillère nationale UDC (la droite de la droite), Genève, à Forum.
La modification de la loi fédérale sur l’impôt anticipé sur les revenus des obligations rejetée
Nous n’entrerons pas ici dans le labyrinthe du système fiscal suisse.
Selon les explications officielles, en supprimant l’impôt anticipé, le Conseil fédéral et le Parlement voulaient faire revenir en Suisse des emplois et des recettes fiscales perdus à cause de cet impôt et renforcer le marché obligataire suisse et le tissu économique. Le comité référendaire faisait notamment valoir une hausse de la criminalité fiscale et une baisse des recettes pouvant atteindre 800 millions de francs (contestée par le Conseil fédéral).
La proposition a été rejetée par 52 % de Non.
Géographiquement, il y a eu une division entre l’est (pour) et l’ouest (contre), ce dernier ayant été rejoint par Glaris, Schaffhouse et Zurich (51,7 % de Non pour ce dernier).
Selon le sondage de la Tribune de Genève, les hommes étaient favorables à la réforme à 56 % et les femmes opposées à 59 %. La réforme a aussi échoué en raison du rejet massif par la gauche (Socialistes et Verts) et d’un soutien peu enthousiaste du centre et de la droite de la droite (l’UDC).
La paysannerie suisse confortée par le peuple
La votation portait ici sur une initiative, « Non à l’élevage intensif en Suisse » – ou « Oui à une Suisse sans élevage intensif ») issue de l’organisation anti-spéciste Sentience Politics et soutenue par des entités de la nébuleuse qui avait déjà tenté d’imposer des restrictions drastiques à l’utilisation des pesticides.
Selon les explications officielles,
L’initiative veut protéger dans la Constitution la dignité des animaux de rente tels que les bovins, la volaille ou les porcs. Elle entend également interdire l’élevage intensif, qui selon ses auteurs porte systématiquement atteinte au bien-être des animaux. La Confédération devrait fixer des exigences minimales plus strictes pour un hébergement et des soins respectueux des animaux, l’accès à l’extérieur, l’abattage et la taille maximale des groupes par étable. Ces exigences devraient correspondre au moins au Cahier des charges 2018 de Bio Suisse et toutes les exploitations agricoles devraient les respecter pour ce qui est de l’élevage. Elles s’appliqueraient également à l’importation d’animaux, de produits animaux et de denrées alimentaires contenant des ingrédients d’origine animale…
Comme souvent, cette proposition était assortie d’un délai pour les mises aux normes… suffisamment long pour faire passer la pilule.
(Source : document à charger à partir d’ici)
Au cours de la campagne, les appels à l’émotion l’ont emporté au début, pour s’affaiblir par la suite. Le dernier sondage SSR donnait un Non à 52 %, avec 1% d’indécis. Finalement, le Non l’a emporté largement, à 62,9 %, dans tous les cantons, à l’exception du demi-canton de Bâle-Ville.
Le clivage villes-campagne était attendu, mais dans leur ensemble, les villes ont aussi refusé l’initiative (à 52 %), alors que le refus des régions rurales se montait à 71 % et celui des agglomérations à 62 % selon le sondage de la Tribune de Genève. Le Oui l’a toutefois emporté dans de grandes villes comme Bâle, Berne (le record, à 66,1 %), Bienne, Genève (53,3 %, le canton votant Non à 52,7 %), Lausanne (53 %), Winterthour et Zurich.
Le clivage hommes-femmes était aussi anticipé, avec au final 70 % de rejets chez les premiers et 56 % chez les secondes. Le clivage gauche-droite a aussi été net. Les Verts libéraux – en Suisse, la mouvance verte n’est pas vassalisée à une certaine gauche – ont accepté le texte à 56 %.
Ce n’est pas la fin des inquiétudes pour une agriculture suisse qui, à bien des égards, est bien moins intensive que celle des pays voisins.
« Notre but reste de parvenir à un changement dans la consommation et à davantage de durabilité dans la production agricole » a déclaré Mme Meret Schneider, conseillère nationale Verts de Zurich, « héroïne des véganes » selon la Tribune de Genève, et initiatrice de l’initiative dans le cadre de Sentience Politics
Mme Céline Amaudruz répond :
« Il faut arrêter de vouloir expliquer à un paysan comment traiter les animaux. Je crois qu’en Suisse on est assez exemplaire avec des normes très contraignantes […] cette initiative, c’était une dictature des Verts contre les paysans et la sécurité alimentaire. »
Des Verts, non, pas vraiment, mais de milieux gravitant autour de ce parti et avec le soutien de mouvances de la nébuleuse verte et – surprise, surprise – Greenpeace (un des premiers soutiens) et Bio Suisse.
La votation pour l’achat des F35 n’aura pas lieu ou son résultat ne sera pas pris en compte par l’État Suisses.
Dommage, chez nous il n’y a pas de votation. Sinon le Oui l’emporterait systématiquement pour : la retraite à 55ans, le SMIC à 2500€, 28h hebdomadaire de travail par semaine, RSA à 2000€, 10 semaines de congés payés,.. . Et le droit à la paresse.
Mais heureusement, grâce à la gauche, nous avons déjà eu quelques avancées comme les 35 h, 5 semaines de congé, le baccalauréat pour tous…
Votons Rousseau ou Mélenchon et nous aurons tous les acquis manquants qui seront financés par l’emprunt.
Évidemment, le PIB par habitant de la Suisse à été multiplié par 4 depuis la guerre et le notre divisé par 3.
Pas certain que les Suisses avec leur tempérament réfléchi apprécient votre éloge par opposition, si fine et juste. J’ai peur qu’il ne vous classe parmi les médiocres..
qu’ils ne vous classent
Nous sommes plus que médiocres malheureusement. Sinon nous ne serions pas descendus à la 21ième place dans le classement du PIB/habitant.
“Cette proposition a été acceptée avec 55,1 % des voix pour une participation qui s’est montée à 52,2 % (plutôt élevée).”
Ce qui fait une approbation à … 28,76%.
Chez les Suisses aussi les règles sont pipées.
On ne peut pas écrire que les règles sont pipées, elles sont fixées et connues d’avance. 100% de participation est illusoire. C’est un compromis démocratique. Le plus important se situe dans la liberté des échanges sur le sujet du vote.
@indivisible
Bonjour,
Le seul compromis démocratique est que le candidat à une élection ou une votation doive atteindre 51% des voix/d’approbation des citoyens. Débattre des programmes ou de la loi en votation c’est un Droit, celui d’exprimer son opinion. Quand il y a democratie, les citoyens y ont des Droits. Par contre, mettre au pouvoir des gugusses qui ne représentent pas 51% des voix, ou une loi qui n’obtient pas 51% d’approbation et appeler cela “democratie” c’est une escroquerie. Les règles sont pipées pour donner l’illusion d’une crédibilité. Des règles pourries font un jeu pourri.