L’impôt d’inflation

L’impôt d’inflation n’est en fait qu’une catégorie particulière de ce concept plus général qu’est le seigneuriage. Suite de notre série sur l’impôt par Pascal Salin et Philippe Lacoude.

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L’impôt d’inflation

Publié le 12 septembre 2022
- A +

Par Pascal Salin et Philippe Lacoude.

Première partie de la série ici
Seconde partie de la série ici
Troisième partie de la série ici
Quatrième partie de la série ici
Cinquième partie de la série ici
Sixième partie de la série ici
Septième partie de la série ici
Huitième partie de la série ici
Neuvième partie de la série ici
Dixième partie de la série ici
Onzième partie de la série ici

Douzième partie de la série ici

On peut appeler seigneuriage le profit obtenu dans la production de monnaie. Mais on parle aussi souvent de l’impôt d’inflation, c’est-à-dire du profit obtenu par les producteurs de monnaie du fait que les détenteurs de monnaie sont obligés de reconstituer leurs encaisses en cas d’inflation. Mais cet impôt d’inflation – terme qu’il conviendra éventuellement de discuter – n’est en fait qu’une catégorie particulière de ce concept plus général qu’est le seigneuriage.

 

Vol de richesse

Il y a quelques années, le président de la Réserve Fédérale américaine, Ben Bernanke, apparaissait devant les membres de la Chambre des Représentants donnant lieu à ce dialogue :

Représentant Ron Paul : « M. Bernanke, si cela ne vous dérange pas, pourriez-vous me dire si vous faites ou non vos propres courses à l’épicerie ? »

Président de la Fed, Ben Bernanke : « Oui, je les fais. »

Député Ron Paul : « D’accord, vous êtes donc au courant des prix, mais vous connaissez cet argument selon lequel les prix augmentent d’environ deux pour cent par an ; les gens ne le croient pas. Vous savez que l’ancien indice des prix à la consommation dit que les prix augmentent de neuf pour cent l’an ; ça, ils le croient. Si les gens ont un revenu fixe, ils souffrent vraiment. La classe moyenne souffre vraiment parce que son taux d’inflation est beaucoup plus élevé que ce que le gouvernement essaie de leur dire. Si vous me prêtez cent dollars et que dans deux ans je vous en rends 90, vous seriez assez contrarié. Mais nous remboursons avec de l’argent qui vaut dix ou quinze ou vingt pour cent de moins et personne ne semble être capable de faire quoi que ce soit à ce sujet. C’est très énervant. C’est du vol si je ne vous rends pas vos cent dollars si vous m’avez prêté cent dollars. Mais ici quelqu’un vous vole dix dollars. Alors quelqu’un vole de la richesse. »

 

L’inflation est un impôt

Qui vole de la richesse ? En fait, les banques centrales lorsqu’elle accroissent la quantité de monnaie en circulation. Elles abaissent la valeur de cette dernière. Le changement relatif de cette valeur est ce qu’on appelle le taux d’inflation.

L’inflation est donc un impôt sur les détenteurs d’espèces.

Comme de nombreux autres impôts que nous avons examiné, son incidence est diffuse mais il est évident que l’inflation est en grande partie payée par les classes moyennes.

Comme les autres impôts, les recettes de l’inflation – le seigneuriage – rapporte considérablement moins que les coûts induits par l’usage d’une monnaie qui se déprécie : en effet, l’inflation impose une constante révision des prix, des contrats et des anticipations des agents. En ce sens, l’impôt d’inflation fait partie de ces impôts dont les recettes sont considérablement plus basses que les pertes économiques qu’ils engendrent.

 

L’inflation augmente les autres impôts

De plus, l’inflation augmente artificiellement l’assiette de l’impôt sur les plus-values et pousse les contribuables dans des tranches supérieures des impôts progressifs.

En théorie, avec l’indexation des barèmes, le problème ne se pose pas mais comme le fait remarquer Ron Paul, ceci dépend de la véracité des calculs de l’indice des prix, une construction artificielle.

Il serait évidemment bénéfique d’adopter des monnaies non-inflationnistes : dans une telle économie, le prix des biens en termes de monnaie n’augmenterait pas ou baisserait, c’est-à-dire que la valeur de la monnaie, en termes de biens, serait stable ou augmenterait.

 

Article publié initialement le 12 septembre 2021

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  • Baser son argumentaire sur un discours populiste de Ron Paul, connu pour ses déclarations plus tonitruantes qu’intelligentes, me laisse sur ma faim.

    -4
  • Bitcoin a été inventé exactement pour résoudre ce problème.
    Chacun peut vérifier et faire respecter sa limite a 21 millions d’unités.

  • Remarquons que l’usage de la monnaie a un cout. Les billets s’usent, il faut les remplacer. Les comptes en banques doivent être sur des serveurs très sécurisés. Les transactions doivent être vérifiées.
    Le cas du bitcoin est intéressant: il n’y a plus assez d’inflation pour couvrir le cout des transactions, et donc les transactions sont devenues payantes.
    Une façon qui me semble raisonnable d’accepter l’inflation est qu’elle est là pour payer la monnaie, et donc que ce cout soit supporté proportionnellement à la quantité détenue.
    Comme pour tous les impôts, l’inflation produite par la BCE (via les taux négatifs) crée beaucoup plus d’argent que le maintien de la monnaie, et sert donc d’autres desseins…

    • Je ne suis pas convaincu par votre argument, dans le cas de monnaie de fiduciaire, le coût de la monnaie est par définition négligeable. Même remarque pour la monnaie numérique, le coût de l’inflation est très largement supérieur au coût de création de monnaie.
      Quant aux coûts de transactions avec le bitcoin, ils sont surtout la conséquence du fonctionnement de la blockchain qui nécessite de mettre en oeuvre une puissance de calcul importante, mais qui offre en contrepartie une sécurité importante. Ce n’est pas du tout comparable avec la manière dont un paiement s’opère avec une banque, qui se contente de passer des jeux d’écritures comptables (et ne parlons même pas d’un paiement en espèce).

      Il me semble beaucoup plus crédible que la BCE inonde le marché de liquidités pour éviter que la dette des pays comme la France ne deviennent ingérables et pour retarder la crise financière qui nous attend.

      • Je suis bien d’accord avec vous que la BCE ne fonctionne pas ainsi actuellement. C’était juste une remarque que la monnaie a un coût (même s’il est très faible), et ainsi une inflation (extrêmement faible en pratique) peut se justifier. Et rien n’empêche de mettre en place un système plus fiable.

        • @titi
          Le fait que la monnaie ait un coût, ou plutôt des coûts (extraction/création, stockage, échange…) ce qui est indéniable, comme n’importe quel bien ou service produit, entrenu et échangé par l’homme, ne justifie en rien l’inflation, qui est la création de monnaie ex nihilo à coût quasiment nul. Il signifie seulement qu’il faut payer pour les services qu’elle rend, comme pour n’importe quel autre bien ou service. La pseudo gratuité masque toujours des coûts astronomiques.

  • Malgré cela on trouve encore de nombreux politiques favorables à cet impôt indolore ( ??? ) qu’est l’inflation !!! L’art de payer en monnaie de singe !!!!

  • L’inflation n’est pas un impôt. C’est l’application à l’économie du 2ème principe de la thermodynamique.

    -1
  • La création monétaire étatique à coût quasiment nul est un transfert de richesse forcé (car la monnaie étatique a cours légal) de ceux qui n’en reçoivent pas vers ceux qui en reçoivent. C’est bien un impôt. L’inflation, ou augmentation des prix qui en résulte n’est qu’une consequence.
    La création monétaire par des entreprises privées soumises à la concurrence n’est pas un impôt car personne n’est obligé de l’accepter en paiement pour bien et services fournis.

  • L’inflation permet de constituer des plus-values fictives, et de les imposer. Vous achetez un bien qui vaut 5 ans de salaire de votre ménage, et dix ans après, il vaut toujours 5 ans du salaire de votre ménage, mais 50% de plus en euros : le fisc vous prend 30% de ces 50%.
    30% de l’inflation du patrimoine arrive dans les caisses de l’Etat…

  • Si on essaie d’écarter tous les « enfumages » des économistes, on peut revenir à une réalité extraordinairement simple. En effet, quelle que soit la manière dont les états se procurent de la monnaie (par l’impôt, en demandant aux banques centrales d’acheter leur dette ou en tordant le bras d’autres acteurs économiques pour qu’ils détiennent leur dette), le point clef est qu’il vont utiliser la quasi totalité (l’investissement est toujours le parent pauvre) de cette monnaie pour acheter des biens consommables ou pour la redistribuer à des obligés peu (voir pas du tout) productifs. Le résultat est bien évidemment que ces biens seront en moindre grande quantité pour ceux qui les produisent. D’où inflation et baisse du niveau de vie pour les productifs.

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