Réforme constitutionnelle au Chili : la « voix du peuple » contre la gauche

Le dimanche 4 septembre, tous les Chiliens sont allés voter et les résultats sont sans ambiguïté : le texte constitutionnel, porté avec enthousiasme par le président Boric a été rejeté par 61,86 % des voix.

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Réforme constitutionnelle au Chili : la « voix du peuple » contre la gauche

Publié le 6 septembre 2022
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C’est ballot, mais c’est ainsi. Les artisans de la réforme constitutionnelle au Chili, des activistes de gauche, parmi lesquels le jeune président du pays, Gabriel Boric, animés par un agenda d’un politiquement correct rarement atteint auparavant, avaient totalement oublié la majorité silencieuse.

Concentrés sur leurs ambitions d’un renouveau social et politique radical incluant la suppression du Sénat – l’assemblée la plus respectée des Chiliens – et l’annonce d’un État désormais « plurinational », respectant la parité des genres, l’écologie, les organisations sociales et les indigènes, les membres de la Convention ne se souvenaient plus, sembe-t-il, qu’ils vivaient au Chili.

Ce pays, l’une des plus anciennes démocraties d’Amérique latine, est peuplé de citoyens sérieux, éduqués, travailleurs, pragmatiques et modérés politiquement. Ils restent attachés aux traditions, sont généralement catholiques, parfois franc-maçons et toujours patriotes.

Le dimanche 4 septembre, tous les Chiliens sont allés voter – le vote avait été décrété obligatoire – et les résultats sont sans ambiguïté : le texte constitutionnel, porté avec enthousiasme par le président Boric a été rejeté par 61,86 % des voix. L’approbation n’a rassemblé que 38,14 % des Chiliens.

 

Un sacré coup pour la légitimité de la gauche au pouvoir

Les citoyens qui ont voté en faveur du rejet posent de gros problèmes au gouvernement et au président Boric dont la légitimité prend un sacré coup, mais ils ne sont pas opposés à l’élaboration d’une nouvelle Constitution, jugeant baroque de vivre encore sous celle d’une dictature, adoptée en 1980 et qui promettait une « démocratie autoritaire et protégée », programme peu engageant. En sa faveur, rappelons qu’elle a aussi organisé le référendum de 1988 mettant fin au régime de Pinochet.

Dès lors, quand après cet échec cinglant Gabriel Boric a pour première réaction d’appeler les parlementaires à « avancer le plus rapidement possible vers un nouveau processus constitutionnel », il est probablement entendu par de nombreux Chiliens qui ont voté en faveur du rejet.

Va s’ouvrir une période de consultations et de modération des ambitions de l’extrême gauche. « Il faut écouter la voix du peuple », a dit Boric, et ce peuple de la majorité jadis silencieuse dira qu’il ne veut pas de la fermeture du Sénat qui fragiliserait la démocratie, ni d’un État « plurinational » qui risquerait de fracturer le pays. Selon les sondages chiliens, ce sont les deux principales objections des électeurs qui ont refusé ce texte constitutionnel de 388 articles défendant plus souvent des intérêts particuliers que l’intérêt général.

Personne ne sait encore comment va s’articuler cette parenthèse d’une nouvelle négociation. La frustration des peuples indigènes et de la gauche radicale va s’opposer aux sages espérances de la droite et de la gauche modérée qui ne refusent pas une démocratie plus inclusive et plus sociale, mais l’attendent plus ordonnée et mieux maîtrisée face aux groupes de pressions divers et variés. En bons Chiliens sérieux, ils n’ont pas aimé l’agitation de la convention constitutionnelle, ses écarts et ses excès, mais ils ne veulent pas non plus conserver la Constitution de 1980.

On peut craindre de nouvelles agitations de la gauche dans les rues des grandes villes, et une radicalisation avivée par l’échec. On peut également espérer que la majorité dite silencieuse profite de son succès pour faire entendre sa voix, et la sagesse voudrait qu’elle soit, cette fois-ci, écoutée.

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  • Dans «électeurs modérés», il y a une petite frange d’électeurs non orientés idéologiquement. Ce sont réellement les électeurs libres. Je pense qu’ils ne votent pas souvent et de manière sélective. Le vote obligatoire les pousse à se déterminer et parfois ils pourraient jouer les arbitres mais ce n’est pas très libérale.

  • Et dans les médias, on peut quasiment lire entre les lignes : « le peuple est pro-Pinochet », alors qu’ils ont voté majoritairement pour la création d’une nouvelle Constitution… En espérant que le gouvernement Chilien soit plus intelligent que nos médias…

  • Quid d’un vote obligatoire en France?
    Que deviendraient nos nouvelles élites auto proclamées: écolo-bobo, lgbtq+, végan,….?
    Et l’UE?
    Et Macron et son en même temps?

  • J’ai adoré le Méchancon visionnaire qui avait déjà victoire en poche et révait de ce nouveau Venezuela

    • Justement, il paraît qu’une (bonne ?) partie des Chiliens n’appréciait guère l’immigration vénézuélienne – on se demande pourquoi – et que cela aurait pesé dans le vote.
      Comme quoi, Gauchland über alles, c’est pas gagné !

  • L’affaire démarrait mal :
    – 388 articles pour une constitution, ça n’est plus une constitution ; on aura confondu Lafayette avec les Galeries du même nom ;
    – vote obligatoire, ça peut énerver.

  • Un jour, dans longtemps, les historiens se pencheront sur le « cas » Pinochet et mettront en valeur l’extraordinaire contribution de ce dernier à la paix, la démocratie, la liberté et la prospérité de son pays. Les morts et disparus d’extrême gauche sous son régime sont toujours une cause de tristesse mais pèsent vraiment très peu face à ce que cet homme a évité à son pays. Margareth Thatcher, avec sa clairvoyance habituelle, ne s’y était pas trompée.

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