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Simple outil de communication pour nous, enjeux de puissance pour les États, les réseaux sociaux canalisent les tensions à mesure qu’ils montrent tout leur potentiel.
Médias, guerres et États
La volonté des États de contrôler l’information pour manipuler l’opinion publique ne date pas des réseaux. Et dire qu’ils se servent des médias à cette fin est un pléonasme.
En effet, le mot média est le pluriel du mot latin médium, soit un milieu, un intermédiaire, contrairement à immédiat, qui se fait sans intermédiaire. Le média est donc devenu cet intermédiaire entre nous et la société, entre nous et la réalité.
Chaque nouveau média va devenir un outil de communication pour informer la population. Les guerres servent à dater quand un média arrive à maturité et se retrouve utilisé par l’État.
Les guerres napoléonniennes sont les premières à utiliser massivement la presse pour (dé)informer la population.
De l’aveu même de Napoléon juste après avoir censuré la presse le 18 Brumaire :
« Si je lâche la bride à la presse, je ne resterais pas trois mois au pouvoir. »
La radio comme arme de propagande a été anoblie durant la Seconde Guerre mondiale. Aussi bien par le discours du roi George VI marquant l’entrée en guerre des Anglais en 1939, que l’appel du 18 juin 1940 du Général de Gaulle, ou des nombreux discours de Churchill.
En 1991, la propagande entre dans une autre dimension encore plus efficace. La télévision permet de faire vivre l’invasion de l’Irak en direct, plongeant des millions d’Américains dans la peur permanente d’un conflit se déroulant pourtant à plus de 10 000 km de chez eux.
Aujourd’hui, avec la guerre d’Ukraine, nous sommes devant la première guerre qui se déroule sur Tiktok, Facebook ou Twitter. Les réseaux sociaux sont donc arrivés à maturité pour devenir une véritable arme de propagande convoitée par les États.
Naissance d’un hyper-média
Les réseaux sociaux apportent une double rupture avec les médias traditionnels.
Premièrement, le flux d’information est personnalisable à l’infini. Chaque utilisateur d’un réseau social dispose de son propre flux d’informations.
Rien à voir avec des millions de citoyens qui lisent, écoutent ou regardent ensemble un même discours. Ici, nous pouvons concevoir un discours pour chaque utilisateur. C’est exactement tout ce potentiel qui a été utilisé par Cambridge Analytica pour favoriser Trump en 2016.
Deuxièmement, le flux d’informations est bi-directionnel. En plus d’apporter l’information jusqu’à l’utilisateur, le réseau social repart avec des informations sur celui-ci. Les réseaux sociaux sont le premier média qui est autant un outil d’espionnage que de propagande.
Cet espionnage massif par les réseaux sociaux a été mis en lumière par Edward Snowden à travers les agissements de la NSA.
Récemment Facebook a remis à la police américaine les conversations entre une mère et sa fille. La police a ainsi pu interpeller la fille pour avortement illégal.
Oui, il faut le répéter, le fameux « si ça permet d’arrêter un terroriste, je veux bien que l’État m’espionne » permet maintenant d’arrêter une femme qui avorte. Nous sommes bien loin du terrorisme.
Hé oui, les réseaux sociaux permettent à l’État d’accéder à une conversation aussi privée que celle entre une mère et sa fille.
Cette incroyable versatilité des réseaux sociaux en fait un hyper-média qui attire les gouvernements. La guerre des réseaux sociaux a commencé.
L’objectif pour un État est d’avoir le sien, de l’imposer sur les smartphones des citoyens tout en évitant les réseaux sociaux étrangers.
D’un côté, Facebook a été initialement financé par In-Q-tel, le fonds d’investissement de la CIA. De plus, Mark Zuckerberg, son fondateur, semble au-dessus des lois. À chaque scandale ou procès, il a juste à faire de plates excuses devant les juges pour reprendre de plus belle en totale impunité.
De l’autre, ce même fonds In-Q-tel a racheté le réseau social français Viadéo. Le rachat ne marche pas toujours, ainsi le rachat de la branche américaine de Tiktok par Oracle ne suffit pas. Les législateurs veulent tout simplement l’interdire.
Les réseaux sociaux sont donc une arme d’espionnage et de propagande. Nous en sommes les munitions. Dans un prochain article, nous verrons comment réduire le danger des réseaux sociaux dans nos vies.
“le mot média est le pluriel du mot latin médium”
En latin il n’y a pas d’accents, donc media est le pluriel de medium. Et puisque c’est déjà un pluriel il n’y a pas de raison de lui ajouter un ‘s’.
On doit donc écrire media au lieu de médias.
Après on est libre de se conformer à l’usage, fût-il décadent.
Quand dans le train ou à la terrasse d’un café on surprend la conversation de ses voisins, on est bien en mal de savoir que faire des informations qui en transpirent. Mais les Etats, hyper-intelligents et n’ayant que cela à faire, sauraient comment en tirer parti contre vous ? Soyons raisonnables, ne divulguons pas ce qui doit rester caché, mais sachons faire la différence entre un moyen annexe et une arme.
Sur la guerre, lire l’excellent Vendre la guerre, sous-titré Le complexe militaro-intellectuel, de Pierre Conesa.
Sur l’avortement, l’affaire est plus complexe et plus vicieuse qu’un simple avortement hors des clous, et le déclenchement en serait une dénonciation anonyme. Il faut se méfier de ses voisins plus que des rézosocios.
Une note d’espoir : les Etats ou les empires qui perdent un temps fou à espionner leurs citoyens se délabrent et pourrissent. Dur d’avancer en se regardant le nombril.