Gloria Alvarez, la passionaria libérale venue d’Amérique latine

Un entretien avec Gloria Alvarez, l’influenceuse libérale la plus connue dans le monde (première partie).

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gloria alvarez (collection personnelle de l'auteur)

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Gloria Alvarez, la passionaria libérale venue d’Amérique latine

Publié le 6 août 2022
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Gloria Alvarez, la passionaria libérale, dit tout et c’est dans Contrepoints ! Elle s’exprime pour la première fois en France, et c’est dans Contrepoints.

Gloria Alvarez est une jeune femme influente. Auteur de trois livres, conférencière très sollicitée, en Amérique Latine en Espagne ou aux USA, hyper active sur les médias sociaux avec 377 000 followers sur Twitter et 242 000 sur Instagram, elle est sans doute l’influenceuse libérale féminine numéro un dans le monde ! Elle prône le libéralisme dans tous les domaines. Liberté, frontières, aide internationale, drogues, féminisme, programme pour une présidentielle, élection française, auteurs préférés… Beaucoup de sujets sont abordés dans sa riche et longue interview réalisée à distance le 2 février 2022.

 

Contrepoints : Pouvez-vous vous présenter en disant quelques mots sur votre parcours universitaire ?

Gloria Alvarez : Je suis originaire du Guatemala et j’ai des racines hongroises et cubaines. J’ai fréquenté une université très particulière, l’Université Francisco Marroquin, qui a accueilli l’an dernier, en novembre, la réunion de la Société du Mont Pellerin, l’une des rencontres les plus prestigieuses entre libéraux classiques, libertaires et capitalistes du monde entier depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Je n’ai pas choisi cette université en connaissant le libéralisme classique, bien sûr, car en Amérique latine, ces idées n’avaient jamais été populaires.

Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai compris à quel point cette université était unique, parce que son fondateur, cet ingénieur guatémaltèque, Manuel Ayau, avait beaucoup de contacts avec la Foundation for Economic Education, avec Leonard E. Read, l’auteur du célèbre essai I’ Pencil. Puis il a rencontré Milton Friedman, Ludwig Von Mises et Hayek. Tous ces efforts se sont transformés en un projet à très long terme, à savoir la création d’une université qui vient de fêter ses cinquante ans. Elle a été très utile pour amener des professionnels de différents horizons – ingénierie, médecine, publicité, affaires internationales et sciences politiques dans mon cas – à ces idées et pour relier le Guatemala au mouvement du libéralisme classique dans le monde entier.

 …Et ensuite vous avez découvert l’aide internationale ?

 Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai commencé à chercher des bourses d’études. Je voulais travailler dans le développement international. J’avais la vision très utopique, que la Banque mondiale, la Fondation monétaire internationale, les Nations unies, Oxfam et toutes ces grandes agences avaient pour mission de mettre fin à la pauvreté, et je voulais y travailler dans ma perspective de marché libre, mais plus j’étudiais en master en développement international, plus j’apprenais à connaître des gens comme William Easterly et son célèbre livre, The White Man’s Burden, Why the West’s efforts to aid the rest have done so much ill and so little good, ou Dambisa Moyo, l’économiste africaine qui a écrit Dead aid: why aid is not working and how there is a better way for Africa.

J’ai compris que toutes ces agences d’aide internationale nuisaient en fait à toute possibilité de mettre fin à la pauvreté. J’ai donc fait du travail de terrain à Rome avec des immigrés sénégalais et j’ai pu les interviewer. J’ai compris que le problème du tiers monde est qu’ils veulent se développer, mais que toutes les routes pour les marchés sont très difficiles. Des immigrés sénégalais de 19 ans, qui travaillaient dans de très mauvaises conditions, en vendant des sacs chinois devant l’Opéra de Rome, m’ont dit :

«Vous voyez l’hypocrisie des Européens parce qu’ils ont l’UNICEF et Oxfam et ils envoient de l’argent en Afrique. Mais tout cet argent va à nos dictateurs et ces dictateurs créent la guerre et cette guerre fait qu’il est difficile pour moi de travailler. Alors que si je viens ici et que j’envoie de l’argent à ma famille directement par Western Union, ils me persécutent. Ils ne me donnent pas de visa, alors je ne comprends pas le marché avec les Européens. Ils disent qu’ils veulent développer l’Afrique, mais ils ne veulent pas utiliser le libre-échange et ils ont mis en place un protectionnisme généralisé, de l’agriculture à l’énergie. » 

J’ai vu exactement le même problème que les latino-américains rencontrent quand ils vont aux États-Unis. De là est née ma passion pour la défense de la liberté absolue et un rejet complet de faire partie de ce récit de l’aide internationale.

 

 Comment avez-vous acquis votre notoriété ?

Après Rome, je suis retournée au Guatemala et j’ai refait de la radio. Je faisais de la radio comme travail à temps partiel quand j’étais à l’université. Et j’ai commencé à transmettre ces idées aux jeunes, indépendamment de ce qui se passait politiquement dans mon pays. Mon message a toujours été de dire : « vous ne pouvez pas contrôler qui est votre président, surtout si vous êtes en Amérique latine ». Si vous lisez Atlas Shrugged d’Ayn Rand, vous verrez que les profiteurs, les pillards et leurs copains sont partout, alors il faut se demander ce que vous pouvez faire dans votre sphère individuelle, quelles que soient les conditions, pour sortir du seuil de pauvreté.

Avec ce message, j’ai commencé à acquérir une certaine notoriété dans mon pays. Et j’étais assez satisfaite, car même si mon travail ne payait pas beaucoup, je savais au moins que petit à petit, individuellement, j’aidais des jeunes Guatémaltèques à obtenir une bourse d’études ou à investir dans leur propre éducation, indépendamment de qui était au pouvoir. C’est ainsi que quelques années plus tard, grâce à d’autres métiers que j’ai commencé à exercer (dans les médias sociaux, dans une banque et dans une société de téléphonie mobile), j’ai prononcé un discours en Espagne en 2014 qui est devenu viral.

Depuis, j’ai donné environ 4 000 conférences dans toute l’Amérique latine, aux États-Unis et en Europe ! Internet, qui est le pays le plus libre du monde, offre beaucoup d’opportunités à ceux qui promeuvent le libéralisme classique dans le monde et le capitalisme, des concepts que normalement la télévision, la radio et les journaux ne veulent pas couvrir…

 

Vous citez différents économistes qui étudient les pays non développés, vous connaissez forcément l’économiste péruvien Hernando De Soto et sa théorie sur les droits de propriété ?

Oui, Hernando De Soto livre l’une des leçons les plus importantes sur la propriété privée. Il dit que même un chien, si vous marchez la nuit dans un endroit sans lumière, sait par son aboiement où la propriété commence et où la propriété se termine et il aboie seulement pendant que vous marchez autour de cette propriété. C’est fascinant parce que parfois, le bon sens est le moins commun de tous les sens et des exemples comme celui-ci montrent pourquoi la propriété privée est si fonctionnelle pour la civilisation.

 

Comme vous avez moins de 40 ans, vous n’avez pas pu vous présenter à l’élection présidentielle au Guatemala. Est-ce que votre objectif est toujours de devenir une femme politique ou avez-vous l’intention de rester dans le débat d’idées ?

Pour les prochaines élections, j’aurai 38 ans et je vais relancer ma campagne présidentielle. Cette fois, je vais inclure des nouveaux thèmes comme l’approche du professeur Onkar Ghate (de l’Institut Ayn Rand) sur la pandémie du point de vue de la liberté, qui est un travail fantastique sur la façon d’aborder une pandémie sans perdre la liberté.

Je vais inclure les crypto-monnaies. Je parlerai également de la légalisation des drogues, bien au-delà de la cocaïne, de la marijuana et des cartels de la drogue en Amérique latine. Je l’aborderai davantage sous l’angle de la médecine par les plantes et de la manière dont l’université Johns Hopkins, par exemple, avec la MAPS (Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies), a découvert que des substances comme la psilocybine, la MDMA, la DMT et la CBD peuvent aider à soigner un grand nombre de maladies psychologiques.

Comment le Guatemala pourrait-il devenir, grâce à ses ressources naturelles uniques, une sorte de plaque tournante de la médecine psychologique au XXIe siècle ? Pourtant ça va être complètement illégal. Ça ne me dérange pas. Le but de ma participation à la campagne est de mettre en contraste le fait que tous les candidats qui se présentent n’ont jamais de projets. Parce que moins ils s’engagent et plus leur message est ambigu, plus ils obtiennent de voix. Je veux donc créer un contraste et que les gens puissent s’interroger sur cette différence. Nous ne sommes pas condamnés à avoir des politiciens médiocres qui n’ont pas de projets concrets.

 

A propos des drogues, pouvez-vous préciser votre pensée ?

Tout d’abord, nous devons diviser les drogues entre le côté obscur et le côté lumineux, comme dans La Guerre des Etoiles. Si nous parlons des drogues en général, cela va des substances comme les médicaments à base de plantes à celles que nous fabriquons dans les laboratoires et qui détruisent des vies.

Nous devrions les diviser en deux catégories : les substances sombres qui représentent le pire de l’humanité et les substances qui peuvent réellement traiter les maladies mentales.  Et si nous les gardons illégales, nous n’aurons jamais assez de connaissances et de sagesse sur la façon de diviser ces deux catégories et de créer des marchés qui peuvent être bénéfiques. Toute dépendance qui rend les gens plus violents, plus malheureux, n’est pas due à la substance en elle-même, tout comme le contrôle des armes à feu : ce n’est pas que les armes à feu tuent des gens, c’est toujours la main de quelqu’un qui veut tuer.

C’est la même chose avec les drogues. Pour moi, les substances en elles-mêmes ne sont pas destructrices ou constructives. Tout dépend de l’utilisation. Plus nous avons des choses illégales et interdites, moins nous aurons de chances d’utiliser ces substances pour le bien.

 

Mais vous finirez par atteindre 40 ans… Que se passera-t-il alors ?

Le problème au Guatemala est que les candidatures indépendantes sont illégales et je refuse de créer un parti politique. Nous avons eu une guerre civile pendant 36 ans. Lorsque celle-ci s’est enfin terminée et que la guérilla marxiste a été mise hors d’état de nuire, nous avons connu une vague de violence, d’enlèvements et de corruption.

Des partis politiques, nous en avons désormais plus de 50. Aucun d’entre eux n’a d’idéologie. Ils travaillent plus ou moins comme des agences de publicité… Ils se reproduisent, ils se dotent d’un leader, et s’ils n’arrivent pas au pouvoir, ils disparaissent. Donc, créer un parti politique en soi vous oblige à faire partie de ce système obsolète. Même à plus de 40 ans, cela ne servirait à rien de me présenter, car il faudrait alors faire de nombreux compromis avant même d’être au pouvoir, et je ne souhaite pas le pouvoir pour le pouvoir.

Je veux le pouvoir pour faire les réformes qui pourraient aider le Guatemala. Si vous regardez les pays qui s’en sortent bien en matière de droits individuels, de prospérité, de richesse réelle, ce sont les pays qui sont en tête de l’indice de liberté économique, de liberté humaine. Ce sont donc les politiques qui marchent vraiment. Mais si les gens ne sont pas prêts et veulent continuer à vivre dans cette médiocrité, comme c’est le cas de toute l’Amérique latine, eh bien qu’il en soit ainsi.

 

À propos de votre présence sur les médias sociaux, on pourrait vous considérer comme une jeune influenceuse montrant vos meilleurs selfies. Est-ce simplement votre façon de vivre?

La chance que j’ai eue, c’est que je suis devenue virale à l’âge de 29 ans. J’étais donc déjà une personne avec les choses que j’ai toujours aimées. Je n’étais plus une adolescente en devenir. J’ai toujours aimé la nature. J’ai une fascination pour la décennie des années 60. Pas la dimension socialiste, mais cette période de rébellion qui a apporté de nouvelles libertés et d’entreprendre des actions collectives. J’aime la musique.

Si j’ai commencé à faire de la radio, c’est parce que j’aime la musique. Et puis j’ai toujours beaucoup bougé depuis que je suis enfant, parce que mon père travaillait dans toute l’Amérique centrale et j’ai toujours été habituée aux nouveaux départs. Dire au revoir, garder des amitiés… Quand on déménage beaucoup, qu’est ce qui a une vraie valeur dans la vie ? Ce sont les connexions humaines plus que les choses matérielles. Même si je ne suis pas un super capitaliste, je ne crois pas qu’il faille consommer pour consommer. Je ne crois pas que les objets vous rendent heureux.

Selon moi, les marchés devraient être libres afin que nous puissions avoir du temps pour les choses qui ont vraiment de la valeur. Je n’ai pas besoin de passer du temps à chercher une bouteille de lait ou un morceau de pain.  C’est ce que fait le socialisme. Il vous limite à vous consacrer à la sortie de la misère pour que vous n’ayez pas de temps pour autre chose.

Beaucoup de gens ont remis en question ma démarche sur les médias sociaux en me disant : « ne montre pas cette partie de qui tu es. Ne dis pas que tu es athée. Ne dis pas que tu veux légaliser les drogues, contente-toi de haïr le socialisme… ». Au début, la droite latino-américaine voulait m’utiliser comme leur enfant modèle et ensuite ils n’ont pas aimé cette facette non conservatrice de ma personnalité. Donc se battre pour mon identité, c’est quelque chose qui m’est venu naturellement parce que je me suis dit que si je devais aller dans cette voie, je devais préserver qui j’étais.

 

Mais par votre présence sur les médias sociaux, ne cherchez-vous pas à être une influenceuse auprès des jeunes ?

Certainement. Je veux être une source d’inspiration pour les plus jeunes en leur montrant qu’il n’est pas nécessaire de se perdre dans une carrière de politicien. Je suis convaincu que la raison pour laquelle les gens en Amérique latine sont obsédés par ces messies populistes est qu’ils veulent croire que le politicien est pure, qu’il est parfait, qu’il est une sorte d’ange qui ne fait pas d’erreur et qu’avec sa baguette magique, il va les sortir de la pauvreté.

Nous devons montrer que, comme les sportifs, les musiciens, les artistes, les architectes, les médecins, les politiciens restent des personnes de chair et de sang avec leurs bons et leurs mauvais côtés. Au final, cela a été un long chemin qui m’a permis de montrer que l’on peut rester soi-même et avoir des idées très importantes à communiquer.

 

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Une publication partagée par Gloria Alvarez (@glorialvarezc)

Vous ne pouvez satisfaire un public en lui mentant si vous voulez communiquer certains messages et espérer qu’il y ait des gens qui peuvent relier les points et penser comme vous. Et c’est ainsi que je me suis séparée des conservateurs de droite et des socialistes marxistes d’Amérique latine. C’est un peu comme si je créais une nouvelle niche de bannis qui ne sont ni défendus ni soutenus par l’un ou l’autre camp !

 

Où vous situez-vous sur l’échelle du libéralisme classique ?

Je m’identifie plutôt à Ayn Rand. Je ne suis pas une anarcho-capitaliste. Je crois en un gouvernement minarchiste en charge de la justice et de la sécurité où vous avez une chaîne solide, du moment où un crime est commis ou une escroquerie jusqu’au procès et je mettrais en œuvre la Common Law, un concept que nous n’avons pas en Amérique latine. Nous utilisons davantage le système positiviste français… Je crois qu’il faut privatiser autant que possible.

Les prisons par exemple peuvent être mieux gérées par une libre compétition. Hayek doit rencontrer un anarcho-capitaliste qui me convaincra que l’anarcho-capitalisme fonctionne en temps réel. J’ai toujours dit à mes amis anarcho-capitalistes que je serai la première à soutenir leur approche, mais je suis pour l’ouverture des frontières, pour tout ce que les marchés impliquent, y compris pour les personnes qui travaillent et produisent sur ces marchés.

Bryan Caplan est un auteur brillant qui explique pourquoi les frontières ouvertes ont tout leur sens dans le monde. La raison pour laquelle j’utiliserais l’armée au Guatemala est que chaque fois que nous avons des catastrophes naturelles comme des tremblements de terre, des tempêtes tropicales, des éruptions volcaniques, les seuls capables d’aider pendant ces catastrophes naturelles sont les militaires.

 

Cet article est un replay en version française de cette interview

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