Ce que la Russie nous apprend sur les dangers de la censure

Les principales lois en vertu desquelles la censure russe a lieu interdisent la « diffusion publique d’informations sciemment fausses sur l’utilisation des forces armées de la Fédération de Russie ».

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Vladimir Putin by Global Panorama(CC BY-SA 2.0)

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Ce que la Russie nous apprend sur les dangers de la censure

Publié le 1 août 2022
- A +

Par Matt Hampton.
Un article de la Foundation of Economic Education

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, le gouvernement russe a imposé une censure sévère à ses citoyens afin de limiter les discussions négatives sur la guerre.

En Russie plusieurs organes de presse indépendants ont fermé leurs portes ou ont censuré la couverture de la guerre. La censure du gouvernement a également touché les reporters étrangers : en mars, la Russie a bloqué l’accès à la BBC, à Voice of America et à d’autres médias occidentaux. La BBC a interrompu ses activités en Russie pour éviter d’être arrêtée.

Le mois dernier, un tribunal de Kaliningrad a jugé que les médias étaient coupables d’un délit pénal pour avoir publié une liste de victimes de l’armée russe parce qu’il s’agissait « d’informations classifiées ».

Selon le New York Times, les lois russes sur la censure de la guerre adoptées en mars « pourraient rendre criminel le simple fait de qualifier la guerre de « guerre » – le Kremlin dit qu’il s’agit d’une « opération militaire spéciale »sur les médias sociaux ou dans un article d’actualité ou une émission. »

Outre l’interdiction de critiquer la guerre, la législation rend également « le fait d’appeler d’autres pays à imposer des sanctions à la Russie ou de protester contre l’invasion de l’Ukraine par la Russie passible d’amendes et d’années d’emprisonnement. »

Le gouvernement russe a arrêté des milliers de personnes lors de manifestations de masse au début de la guerre, et des Russes continuent d’être détenus pour avoir protesté contre le conflit.

Au début du mois, un politicien local de Moscou, Alexei Gorinov, a été condamné à sept ans de prison pour s’être exprimé contre la guerre lors d’une réunion du conseil municipal. Selon la BBC :

Le juge Olesya Mendeleyeva a jugé qu’il avait commis son crime « sur la base de la haine politique » et qu’il avait induit les Russes en erreur, les incitant à « ressentir de l’anxiété et de la peur » au sujet de la campagne militaire.

Les attaques contre la presse et les dissidents en Russie ne sont pas nouvelles. Mais selon le New York Times le pays disposait d’un Internet « pratiquement non censuré »,  c’est-à-dire jusqu’à ce que Moscou bloque Facebook et Instagram.

Ces abus de pouvoir devraient nous montrer les dangers de donner au gouvernement le pouvoir de restreindre la liberté d’expression. Mais la justification déclarée de la censure par le Kremlin devrait également servir d’avertissement plus spécifique.

Les principales lois en vertu desquelles la censure russe a lieu, les lois 31-FZ et 32-FZ, interdisent la « diffusion publique d’informations sciemment fausses sur l’utilisation des forces armées de la Fédération de Russie » et le « discrédit » de l’utilisation de l’armée russe.

C’est la langage officiel de la loi. Et bien qu’aucune démocratie libérale ne s’engage actuellement dans des campagnes de censure d’État comme celle de la Russie, l’idée d’interdire les « informations sciemment fausses » est familière aux citoyens de l’Ouest.

Mais ce que la situation en Russie devrait nous apprendre, c’est que la qualification de faux appartient toujours aux censeurs. Il peut sembler bon de vouloir interdire la désinformation, ou tout autre type de « mauvais » discours, mais décider de ce qui entre dans ces catégories ambiguës donnera aux censeurs de grandes possibilités d’abus.

Pour reprendre les mots de l’économiste Milton Friedman : « La concentration du pouvoir n’est pas rendue inoffensive par les bonnes intentions de ceux qui la créent. »

Traduction Contrepoints

Sur le web

 

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  • Coquille… ?
    C’est la langage officiel de la loi.

    • Dernière ligne de l’article :
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  • Il ne faudrait pas oublier que l’occident ne fait pas mieux sous couvert de lutter contre les fake news (plus glamour que de parler de censure). Par exemple la crise du covid a également beaucoup à nous apprendre sur le sujet avec un professeur Delfraissy qui nous avoue que tout ce qui a été fait fut catastrophique, sans base scientifique sérieuse, quand à l’époque la critique était qualifiée de fake news!

  •  » Et bien qu’aucune démocratie libérale ne s’engage actuellement dans des campagnes de censure d’État comme celle de la Russie »
    Soit l’auteur est neuneu, soit il ne vit plus en France depuis longtemps… à moins qu’il considérè que la France ne fait plus partie des « Démocraties liberales »,…

  • Les commentaires sont fermés.

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