Élections 2022 : avec Braun-Pivet, l’Élysée garde le perchoir

Que M. Macron se rassure. Yaël Braun-Pivet semble taillée sur mesure pour être ses yeux, sa bouche et ses oreilles au palais Bourbon.

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Yaël Braun-Pivet une ascension éclair au perchoir de l'Assemblée nationale FRANCE 24 youtube https://www.youtube.com/watch?v=n3pzgFHv05I

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Élections 2022 : avec Braun-Pivet, l’Élysée garde le perchoir

Publié le 2 juillet 2022
- A +

J’ai découvert Mme Braun-Pivet, ou du moins j’ai fait le lien entre le nom et la personne, lors de la soirée électorale du second tour des élections législatives. Le moins que j’en puisse dire, c’est que l’épisode en question (vidéo, à partir de 3 h 41′ 50″) ne fait honneur ni aux femmes en politique ni à la politique elle-même. Attention, mesdames et messieurs, la petite scène que je m’apprête à vous rapporter est absolument insoutenable… de médiocrité :

Nous sommes au soir du 19 juin 2022, sur le plateau spécial de BFM TV pour les élections. Rachida Dati lance son bras en direction du « camembert » des résultats qu’elle est en train de commenter. Il se trouve que c’est aussi en direction de sa voisine de droite, Yaël Braun-Pivet justement, qui s’en déclare incommodée. Et qui lui renvoie la pareille pour l’exemple, accompagnée d’une leçon de morale garantie 100 % sans répartie et sans humour :

C’est très désagréable la main devant le visage. […] Je trouve qu’il y a un espace à peu près vital qui est le mien et qui n’est pas le vôtre, donc chacun de son côté.

Dati, l’air outré, mais secrètement aux anges, achève cette ridicule comédie par la botte archi-classique voire éculée mais néanmoins censée terrasser l’adversaire : « Je comprends votre tension, mais on se détend ! »

Bref, crêpage de chignon en règle et en direct qui réduit à néant l’idée que les femmes auraient des dispositions particulières pour conduire la vie économique et politique mieux que quiconque, et bien évidemment mieux que les hommes. « Si Lehman avait été Sisters au lieu de Brothers, le monde serait peut-être très différent aujourd’hui », aime à dire Christine Lagarde qui cumule les titres de « première femme » à avoir accédé à ceci ou cela sur son CV. Aujourd’hui à la tête de la BCE, peut-elle sérieusement s’enorgueillir de résultats supérieurs à ceux de ses homologues masculins des autres banques centrales ? Ce n’est pas seulement douteux, c’est complètement hors sujet.

Il n’empêche que l’élection au « perchoir » de la députée Renaissance (nouveau nom de LREM) Yaël Braun-Pivet a provoqué un véritable frisson de ravissement au sein de nos élites politiques et médiatiques. Comme pour Christine Lagarde à la BCE en 2019, comme pour Myriam El Khomri au ministère du Travail en 2015, ce ne sont que cris de joie et dithyrambes presque délirants à l’idée que pour la première fois dans l’histoire de France, une femme accède au poste très convoité de présidente de l’Assemblée nationale. Pauvre Élisabeth Borne qui n’est que la seconde femme Premier ministre…

 

 

Mais à regarder les choses de plus près, il est presque heureux pour Yaël Braun-Pivet qu’elle soit une femme car pour le reste, elle déchaîne moins l’enthousiasme. Une fois les motifs féministes de satisfaction exprimés et une fois la jubilation du parti Renaissance remise à sa place, il faut se rendre à l’évidence : le quatrième personnage de l’État qu’elle incarne dorénavant a non seulement le profil type des « marcheurs » de la première heure – ce qui n’est pas un crime – mais également celui d’un trop bon petit soldat du macronisme le plus politicien – ce qui devient nettement problématique.

Née en 1970 à Nancy et issue d’une famille juive arrivée en France dans les années 1930, elle fait des études de droit et devient avocate pénaliste, exerçant d’abord dans le cabinet d’Hervé Temime puis dans son propre cabinet. Elle épouse Vianney Pivet, cadre supérieur chez L’Oréal, puis elle cesse de travailler en 2003 pour s’occuper de ses enfants (cinq au total) et suivre son mari expatrié pour son entreprise à Taïwan, au Japon et au Portugal.

De retour en France en 2012, elle devient bénévole pour les Restos du Cœur tout en continuant à militer au PS dont elle fut trésorière de section lorsqu’elle vivait à Tokyo. En 2016, l’émergence d’En Marche ! comble son aspiration au dépassement des clivages et à la mise en pratique politique de ses actions associatives. Comptant au nombre des députés novices arrivés en 2017 dans les bagages d’Emmanuel Macron, elle explique son nouvel engagement par son désir de « porter la voix des personnes les plus démunies à l’Assemblée ».

Jusque-là, tout va bien. Mais le profil se trouble lorsqu’on en vient à évoquer son rôle à la tête de la commission des lois. Notons au passage qu’elle fut « la seconde femme » élue à ce poste et « la première » si l’on ajoute le critère de sa totale inexpérience en la matière. Ce dernier point, concrétisé par des débuts émaillés de cafouillages, lui valut quelques solides inimitiés ainsi que des procès en incompétence. Dès juillet 2017, et fort à l’époque de deux législatures passées à la commission des lois, l’actuel ministre du Travail et ancien membre du PS Olivier Dussopt confiait n’avoir « jamais assisté à des commissions aussi désordonnées ». 

Le problème, c’est que Mme Braun-Pivet n’a pas tardé à muscler son expérience dans toutes les martingales permettant de conforter la position de la majorité présidentielle, comme s’en sont rendus compte les membres de la commission des lois constituée en commission d’enquête sur les agissements d’Alexandre Benalla en juillet 2018, peu après le déclenchement de l’affaire par le journal Le Monde. (Benalla étant ce chargé de sécurité de l’Élysée surpris à frapper des manifestants le 1er mai 2018 à Paris, brassard de police au bras et casque à visière sur la tête ; détails de « l’affaire » ici).

Objet du litige entre la majorité et les oppositions : la liste des personnalités à interroger. Parmi elles, l’éminence grise d’Emmanuel Macron, autrement dit Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée. Même le Modem, allié de LREM, est favorable à son audition. Mais Yaël Braun-Pivet s’y oppose et la commission des lois où LREM est majoritaire vote selon la consigne. Conclusion d’un député communiste :

Quand vous avez une affaire qui touche au président de la République et que vous êtes dans la majorité, vous êtes juge et partie !

On ne peut lui donner tort. Difficile de parler d’enquête lorsqu’on limite les auditions et lorsqu’on adopte la conclusion sur les agissements individuels de Benalla dès le début des investigations. Résultat, les députés d’opposition claquent la porte de la commission d’enquête dans la foulée du co-rapporteur Guillaume Larrivé (LR) et Yaël Braun-Pivet, autre co-rapporteur, la dissout quelques jours plus tard (contrairement à celle du Sénat qui poursuit ses travaux), donnant ainsi la furieuse impression qu’on a assisté à une comédie visant à protéger l’Élysée.

Bon petit soldat de la Macronie, Yaël Braun-Pivet l’est également au regard de ses positions changeantes sur l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution. En 2018, plusieurs groupes parlementaires avaient déposé des amendements allant dans ce sens, mais le gouvernement relayé à la chambre par Mme Braun-Pivet s’y était opposé :

Inutile de brandir des peurs relatives à ce qui se passe dans d’autres pays pour estimer que ces droits seraient menacés dans le nôtre. Ce n’est absolument pas le cas aujourd’hui, rien ne permet de l’affirmer.

 

 

Or maintenant qu’Aurore Bergé, une autre « première femme dans l’histoire » (à avoir accédé à la présidence du groupe Renaissance à l’Assemblée 😉 ) a déposé un projet de loi constitutionnelle demandant cette inscription après la décision de la Cour suprême des États-Unis de faire redescendre l’établissement de ce droit au niveau des États, et maintenant que la Première ministre a déclaré soutenir cette proposition, Yaël Braun-Pivet ne voit plus aucun problème « à brandir des peurs relatives à ce qui se passe dans d’autres pays » :

Le droit à l’avortement a été conquis. […] Ma conviction de femme aujourd’hui au regard des circonstances est que nous devrons veiller collectivement à ce qu’il le reste à jamais.

Mais ne nous y trompons pas. L’épisode révèle moins son sentiment profond sur le droit à l’avortement que sa complaisance pleine et entière vis-à-vis des petites manœuvres de la Macronie.

Ce que craint cette dernière, ce n’est pas que le précédent des États-Unis donne des idées à des groupes parlementaires français, même si telle est la raison invoquée. Ce qu’elle craint, c’est de perdre la main à l’Assemblée, c’est de ne plus être maîtresse des horloges, c’est de voir d’autres groupes se coaliser et prendre l’ascendant sur le calendrier politique et le contenu des textes de loi dans le contexte compliqué de sa majorité très relative obtenue lors des législatives de juin. D’où assaut de galipettes et poudre aux yeux pour monopoliser l’attention.

Faute de pouvoir garder Richard Ferrand, éliminé sur le fil des législatives par une candidate de la Nupes, Emmanuel Macron aurait préféré voir l’ancien président de la commission des affaires économiques Roland Lescure prendre le perchoir. Il se dit qu’il ne connaît pas très bien la nouvelle élue tandis qu’avec Lescure, il pouvait espérer retrouver une relation de confiance comme celle qu’il avait nouée avec Ferrand et exercer ainsi un contrôle rapproché sur l’Assemblée nationale.

Que M. Macron se rassure. Yaël Braun-Pivet semble taillée sur mesure pour être ses yeux, sa bouche et ses oreilles au palais Bourbon.

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  • Perchoir ou pas, le Pouvoir est cuit… Cuit !

  • 5ème circonscription des Yvelines, Législatives 2022, Yaël Braun-Pivet :
    -19,5% des inscrits au premier tour (abstention de 46,87%) ;
    – 30,84% des inscrits (49,17% d’abstention).

    « porter la voix des personnes les plus démunies à l’Assemblée »
    Bah non ! Elle ne porte la voix de personne vu que près de 7 citoyens sur 10 n’ont pas voté pour elle.

    • Si le problème ne concernait qu’elle, on pourrait s’autoriser à penser que ce n’est pas un problème stratégique. Mais c’est la même chose avec le gamin qui occupe le 55 Rue du Faubourg Saint-Honoré. Rappelons qu’il a été élu grâce aux 17% de français en âge de voter qui ont voté pour lui, regardez les chiffres (résultat du 1er tour, seul vote d’adhésion véritable au candidat).

      • Ah les vieilles badernes qui viennent donner des leçons. Elles n ont qu a se présenter aux élections et nous verrons ce dont elles sont capables…😅😅😅

        -2
      • La Grande Course A L’Echalotte est un concours, pas un examen.

      • Les autres candidats n’ont pas fait mieux. Et on ne voit personne parmi les non-candidats qui aurait pu faire mieux.

    • Comment -a-t-elle pu être élue avec aussi peu de voix, un coup de Macron?

  • Je vois que les femmes présentent les mêmes caractéristiques que les hommes : par conformité, elles sont capables de revenir à 180° sur ce qu’elles ont dit la veille. Le veste se change donc rapidement aussi chez les dames.
    « comme s’en sont rendus compte les membres de la commission… » rendu compte. Rendu quoi? compte, à qui : à eux-mêmes. »
    Merci pour cet article.

  • Mme Braun-Pivet, c’est bien cette dame qui a saboté la commission d’enquéte sur Benalla !
    Elle succéde a l’artiste des mutuelles de Bretagne.
    La décomposition est avancée ….

    • Laissez cette députée prendre son nouveau poste et vous pourrez ensuite juger sur pièce au lieu de jugements lapidaires sans aucune argumentation. Le populisme réactionnaire fait des ravages chez les esprits grégaires et simplets……

      -4
      • La dite commission d’enquête date de 4 ans, donc on juge sur pièce.
        Argumenter en traitant les autres de populistes ne fait non plus pas sérieux.

        • Arrêtez de tout mélanger, vos propos sont bien dans la veine populiste souverainiste qui fait des ravages actuellement…..😝😝😝

          -1
  • Comme me disais un patron : pour réussir il faut savoir louvoyé

  • Les commentaires sont fermés.

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