Les entreprises n’utilisent pas l’inflation contre les consommateurs

La hausse des prix n’est pas liée à l’avarice des entreprises avec l’inflation. Elles font moins de marge qu’avant la crise.

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Les entreprises n’utilisent pas l’inflation contre les consommateurs

Publié le 23 juin 2022
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Au début de 2022, l’humoriste Jon Stewart a mis en ligne une vidéo dans laquelle est affirmée que l’inflation des prix à la consommation est le résultat des hausses de prix mises en place par les entreprises et qui vont au-delà de la hausse des prix des intrants.

Autrement dit, Stewart pense que les entreprises augmentent les prix non seulement pour compenser la hausse de leurs coûts, mais aussi pour faire gonfler leurs profits.

Dans la vidéo, Stewart reçoit comme invitée la sociologue Lindsey Owens, qui a notamment été une conseillère économique de la sénatrice Elizabeth Warren. Celle-ci explique qu’au bout du compte, peu importe ce qu’il advient de la masse monétaire, de la politique monétaire de la Federal Reserve ou encore des déficits fiscaux du gouvernement, l’inflation est le résultat des hausses de prix décidées par les entreprises qui en profitent pour augmenter leurs marges de profit.

Selon elle, la solution est de surtaxer ces profits excessifs gagnés sur le dos de la population et combattre la collusion entre les grandes entreprises.

Maintenant, aucune preuve empirique n’est fournie durant l’entrevue prouvant que les marges de profit des entreprises sont en hausse. Ce que Mme Owens et son équipe ont fait a consisté à éplucher les transcriptions d’appels des conférences trimestrielles que les entreprises tiennent avec leurs actionnaires.

Selon eux, les PDG d’entreprises s’y vantent de pouvoir augmenter les prix de manière plus substantielle que la hausse de leurs coûts. Owens affirme que les entreprises peuvent se permettre ces hausses de prix abusives car il y a moins de concurrence dans l’économie américaine suite à de nombreuses fusions/acquisitions ayant abouti à une plus grande concentration des parts de marchés dans plusieurs industries.

 

Pourquoi ne pas regarder les chiffres ?

Je n’arrive pas à comprendre comment une doctorante peut avoir des opinions aussi arrêtées sur un sujet sans se donner la peine de s’intéresser aux chiffres. Pourquoi se fier à des anecdotes d’appels-conférences lorsqu’on peut tout simplement aller vérifier si les données corroborent son hypothèse ? La réponse est probablement un sérieux biais idéologique…

Pourtant, les chiffres sont publics et accessibles à tous. J’ai vérifié les états financiers des 69 plus grandes entreprises américaines cotées en bourse qui vendent directement au public (et qui ont donc une influence sur l’indice des prix à la consommation).

J’ai calculé leur marge de profit brute pour les 5 derniers trimestres. Cette marge mesure essentiellement la différence entre le prix de vente et le prix des intrants. Elle ne tient pas compte des coûts de marketing, de R&D, d’administration, des immobilisations, des intérêts et des impôts (en déduisant ces autres éléments, nous obtiendrions la marge nette).

Si les entreprises utilisaient vraiment le prétexte de l’inflation pour augmenter leurs prix de manière à faire mousser leurs profits, cela se réflèterait assurément dans la marge brute.

Voici ce que j’ai observé :

La marge brute moyenne des 69 entreprises a diminué à 41,1 % au premier trimestre de 2022 comparativement à 42,1 % au même trimestre de l’année précédente, soit 1 %.

Pour être plus rigoureux, j’ai normalisé les marges en base 100 à partir du premier trimestre de 2021. On constate une baisse flagrante de la rentabilité. En fait, les hausses de prix récentes n’ont pas suffi à rétablir la marge de profit à son niveau précédent.

Si on sépare les données par industrie, on constate que toutes les industries ont subi une diminution de leur marge. Les produits personnels et ménagers ont été le plus affectés, suivi des restaurants et des détaillants. Les épiceries et pharmacies ont mieux fait que la moyenne. Au total, la baisse de marge est équivalente à 2,6 %.

Conclusion

Il ne fallait que consulter les données pour constater, encore une fois, que la rhétorique de la gauche ne tient pas la route. Au contraire, les entreprises ne parviennent pas à contrer les hausses de leurs coûts et se retrouvent avec une baisse de rentabilité. C’est d’ailleurs pour cette raison que la bourse a fortement chuté la première moitié de 2022.

En fait, je n’ai aucunement été surpris du résultat, sachant très bien que les entreprises ont du mal à gérer la hausse des coûts de transport par conteneur, des prix de l’énergie, des salaires, des intrants plus dispendieux parce que la pièce originale est en rupture de stock, etc.

Si les entreprises le pouvaient, elles auraient augmenté leurs prix encore plus, mais contrairement à ce qu’affirme Owens, la concurrence est très sévère dans la grande majorité des industries aux États-Unis, ce qui rend cette tâche risquée et difficile, au bénéfice des consommateurs.

Comme on dit souvent, ne laissez pas les faits gâcher une belle histoire…

Pour ceux qui veulent voir les données brutes, voici un tableau à cet effet. J’essaierai de les mettre à jour au fil des prochains mois.

 

Sur le web

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  • Comme c’est juste, dans un vrai système concurrentiel. (sauf monopole). La question pour nous français, est : quelles lois à venir, promises pour le pouvoir d’achat ? surement encore un truc alambiqué qui aura l’effet inverse, mais qui sera du point de vue des décideurs politiquement génial pour conforter l’état nounou.

    • Avatar
      jacques lemiere
      23 juin 2022 at 19 h 49 min

      elle est sans doute aussi opposée à la concurrence…cette horreur qui met les salariés sous pression..

      ça fait des décennies qu’on nous parle des marges « excessives  » des supermarchés ou autre..

      et en effet ils vont pondre des mesures…sans doute essentiellement anticoncurrentielles.. qui vont aboutir au contraire de l’effet recherché..

  • Les commentaires sont fermés.

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