Petites brèves de législatives en attendant dimanche

Premier tour des législatives 2022 : pas de surprise mais du nouveau – moins de majorité et plus d’opposition en perspective – mais toujours pas le moindre espoir de réforme libérale.

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Petites brèves de législatives en attendant dimanche

Publié le 15 juin 2022
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Guère de surprise dans les résultats du premier tour des élections législatives qui se sont tenues dimanche 12 juin dernier :

On attendait une forte abstention et elle a effectivement atteint 52,49 % des inscrits, décrochant ainsi un nouveau record pour ce type de scrutin ;

On attendait les coalitions Ensemble ! (Macron) et Nupes (Mélenchon) en tête et au coude-à-coude et ce fut exactement le cas, la première obtenant 25,75 % des suffrages exprimés et la seconde 25,66 % – modulo une bisbille entre la Nupes, le ministère de l’Intérieur et le journal Le Monde sur le tenant de la première place.

On attendait une future majorité présidentielle plutôt étriquée et c’est bien ce qui semble se profiler pour dimanche 19 juin prochain, contrairement à l’épisode 2017 qui avait vu Emmanuel Macron obtenir une large majorité absolue avec ses seuls députés En Marche.

D’après les projections réalisées par les instituts de sondage une fois le résultat du premier tour connu, Ensemble ! pourrait tabler sur 255 à 295 sièges, ce qui, même en supposant le dépassement de la majorité absolue de 289 sièges, placera au minimum le gouvernement à la merci de ses alliés Modem (Bayrou), Horizons (Philippe) et Agir (Riester) :

Pas de surprise, donc, mais de la nouveauté : contrairement à ce qui avait été spécialement calculé et espéré par les promoteurs du quinquennat pour éviter tout risque de cohabitation, et contrairement à ce qui s’est effectivement passé en 2002, 2007, 2012 et 2017, le cru législatif 2022 risque bien de ne pas apporter au Président nouvellement élu la vague de députés qui lui permettrait de gouverner à sa guise.

Un résultat non seulement original mais possiblement positif s’il contribue à restaurer les députés dans leur autonomie et leur responsabilité ultime de législateurs, plutôt que d’être les simples mercenaires de la majorité ou de l’opposition sans trop se poser de questions sur l’impact des textes soumis à leur vote sur la prospérité et la liberté des citoyens.

Tout le monde a bien ri en entendant Rachida Dati expliquer lors de la soirée électorale sur TF1 que les vainqueurs du scrutin étaient incontestablement Les Républicains et leurs alliés de l’UDI puisqu’ils avaient réussi à tripler leur score depuis la Présidentielle (de 4,8 % pour Valérie Pécresse à 11,3 % dimanche et même 13,6 % en comptant les divers droite). Dit comme cela, c’est effectivement risible.

Mais l’on se souvient qu’en avril, nombreux furent les électeurs de droite à opter pour Emmanuel Macron au dernier moment dans l’isoloir, dans la crainte de voir un second tour Mélenchon Le Pen sortir des urnes. Aujourd’hui, il n’est pas interdit de penser qu’en plus de l’avantage traditionnellement accordé aux sortants (et les députés sortants LR étaient nombreux), une partie d’entre eux a pu vouloir limiter les pouvoirs du gouvernement en l’obligeant à composer avec d’autres sensibilités politiques.

Autre instigateur de ce résultat mitigé pour le pouvoir, Jean-Luc Mélenchon. Pour lui, le futur exécutif du pays doit sortir de ces élections législatives. S’appuyant sur son score élevé de 22 % à la présidentielle, il s’est déclaré candidat au poste de Premier ministre si la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) formée avec le PCF, le PS et les Verts autour de la France insoumise qu’il dirige obtenait une majorité de sièges à l’Assemblée nationale.

Électoralement, on peut dire qu’il y a mis les moyens. D’abord un rassemblement à gauche garantissant des places de députés aux petits partis PS, PCF et EELV. Puis une plateforme programmatique fabuleusement clientéliste qui n’a pu que réchauffer le cœur des nostalgiques du Manifeste du Parti communiste et ceux de l’éphémère Programme commun de la gauche appliqué pour le pire par François Mitterrand en 1981 : salaire minimum à 1500 euros mensuels nets, 32 heures, retraite à 60 ans, réquisitions, nationalisations, droit de vote à 16 ans, planification écologique, sortie du nucléaire, etc. L’état d’urgence économique permanent, pour ainsi dire.

Étonnamment, le résultat à gauche après le premier tour législatif n’est pas aussi bon qu’on aurait pu l’imaginer. L’abstention n’y est pas pour rien, mais il faut croire que l’Union, nouée à l’évidence aux extrêmes, a généré plus de perte en ligne qu’un véritable regain d’enthousiasme. Avec 25,66 %, la Nupes fait mieux que les 22 % de Mélenchon à la présidentielle et elle fait jeu égal avec la coalition macroniste, mais quand on additionne les suffrages exprimés pour la LFI, le PS, le PC et EELV lors de la présidentielle, on obtient plus de 30 %.

À croire que de ce côté-là aussi, les Français ont voulu privilégier le coup de semonce donné à Emmanuel Macron sans donner les coudées franches à quiconque. Macron devra composer, Mélenchon devra composer, tout le monde devra composer. La France serait-elle mûre pour un système électoral plus parlementaire, à la britannique ou à l’allemande, et moins fondé sur la personnalité d’un seul homme (ou femme) disposant pratiquement des pleins pouvoirs après son élection ?

Coup dur pour Mélenchon. Il ne sera pas député, puisqu’il ne se représentait pas. Rester au-dessus de la mêlée, s’ancrer dans une stature nationale – voilà ce qu’il voulait absolument préserver. Mais à la lueur des résultats de dimanche dernier, sa perspective de devenir Premier ministre s’éloigne. La Nupes pourrait compter sur 150 à 190 élus. C’est évidemment énorme, et cela ne manquera pas d’avoir une influence considérable sur les travaux parlementaires, mais Mélenchon, celui qui disait « la République, c’est moi ! » risque fort de devenir assez rapidement le fantôme de la République.

Si vous avez écouté sa petite allocution post-scrutin, vous avez certainement été frappé comme moi par la sinistrose qui s’en dégageait. Jamais personne ne s’est félicité d’une grande victoire avec aussi peu d’allant, jamais personne n’a invité ses partisans à déferler dans les bureaux de vote de dimanche prochain avec pareil ton d’enterrement – et pourtant, à ce moment-là, la Nupes était donnée en tête :

 

 

Ton bien différent chez Marine Le Pen. C’est tout sourire et sur un mode oratoire particulièrement joyeux et enlevé qu’elle a invité ses électeurs à poursuivre leurs efforts jusqu’au second tour afin de faire barrage à Macron et permettre à un groupe « national » puissant d’entrer à l’Assemblée nationale. À chaque phrase, on avait l’impression de l’entendre dire : Ouf, je suis toujours dans l’opposition !

Mais l’on parle cette fois d’une opposition qui commence à devenir parlementairement audible. Selon les projections, il pourrait s’agir de 20 à 45 députés, soit une vraie progression par rapport aux législatives précédentes, même si en voix, elle aussi a perdu du terrain depuis le 10 avril (de 23,1 % à 18,7 %), indice supplémentaire que les Français ne veulent décidément pas mettre tous leurs œufs dans le même panier :

 

 

Quant à Emmanuel Macron, quoiqu’en grande difficulté, ne comptez pas sur lui pour abandonner son « en même temps » illisible et ses perpétuels changements de pied racoleurs. Avant le premier tour de l’élection présidentielle qu’il espérait « enjamber » comme si sa réélection allait de soi, il fallait bien sûr faire barrage à la droite et l’extrême droite. Pas de programme, mais posture morale.

Puis Jean-Luc Mélenchon ayant été à deux doigts d’accéder au second tour, il s’est mis ensuite à chasser ouvertement sur les terres de la France insoumise, reprenant sans vergogne des concepts propres à l’extrême gauche. Mais avec la constitution de la Nupes pour les législatives et sa montée inexorable dans les sondages, le programme mélenchonien est devenu soudain épouvantable. Ce ne serait que taxation et interdits, bref, la fin de nos libertés. On rit quand on sait ce que M. Macron pense des libertés, et surtout ce qu’il en fait.

Mais attention, pas question de couper les ponts sur sa gauche. Alors vite, un nouveau machin baptisé Conseil national de la refondation, histoire de donner à nouveau des gages à la gauche CNR – et à la droite providence et gaullisme social au passage. Et puis, à toutes fins utiles, on ne sait jamais, encore faire barrage à la droite et l’extrême droite face à la Nupes, mais en faisant barrage à la Nupes. Bref, ratissage et double langage.

Si l’on peut donc se réjouir de constater que tout se met peu à peu en place pour limiter les pouvoirs de l’exécutif sans donner carte blanche aux oppositions, il est cependant difficile de dire comment tout ceci tournera sur le plan des mesures qui seront effectivement votées dès cet été. Pas sûr que ce soit le moins du monde dans le sens de l’accroissement de l’autonomie et de la responsabilité des personnes.

Dans l’ensemble, toutes les forces en présence s’entendent pour vouloir protéger à tout prix notre modèle social, et même l’élargir à tous les événements de la vie, aussi petits et personnels soient-ils. La différence entre elles tient plus à une question de place du curseur ou à une façon plus ou moins plaisante de présenter les choses dans des projets globalement étatiques. Même le RN, en campant sur la retraite à 60 ans ou en voulant nationaliser les autoroutes, a ses convergences sociales avec la Nupes. Même Emmanuel Macron a ses convergences idéologiques avec la Nupes.

Je pense encore une fois à ce fameux stage vélo de remise en selle institué par Mme Borne avec le financement de nos impôts tellement il est caricatural du rapport d’infantilisation qui se développe de plus en plus entre les citoyens et les gouvernants. On peut ajouter son obsession à vouloir « contrôler les entreprises » dès que le gouvernement se retrouve en difficulté par ses propres décisions ; exemples avec le télétravail à l’époque du covid et maintenant avec les prix en cette période d’inflation.

Attendons les résultats définitifs de dimanche prochain, mais je crains hélas que même s’ils montrent un rééquilibrage du rapport de force entre exécutif et législatif, ils n’empêcheront aucunement la France de s’enfoncer encore un peu plus dans sa grande illusion illibérale. Ça promet.

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  • Je suis oiseau, voyez mes ailes ; vive la gent qui fend les airs ! …
    Je suis souris : vive les rats ! Jupiter confonde les chats…
    Par cette adroite répartie, Macron sauva deux fois sa vie.

  • Il est clair que l’électeur dimanche ne doit pas se tromper, pour permettre a la démocratie d’existait et de s’exprimait pleinement dans ce nouveau quinquennat. L’électeurs doit comprendre que Mr Macron ne doit plus avoir la majorité à l’assembler nationale !! donc !! dimanche levez vous pour aller voter

    • iris,
      Un conseil en vaut un autre, prenez des cours d’orthographe !
      Quand à votre pseudo , j’ai lu des commentaires sur un autre forum avec le même pseudo, mais cette personne savait écrire le Français !

  • Merci pour cette analyse, la plus fine que j’ai pu lire depuis les élections.

    Vous observez notamment que le score Nupes est inférieur à celui de la somme des scores des différents candidats aux présidentielles : pas un journaliste (à ma connaissance) pour souligner ce point. Ce qui montre s’il en était encore besoin) la complaisance ahurissante des médias envers JLM !!!

    Juste un point de complément, vous relever le fait que contrairement à toutes les élections depuis 2002, la majorité risque d’être relative.
    Mais souvenez vous de la réélection de Mitterrand. Il avait conservé son poste par rejet de Chirac qui était présenté comme fasciste (eh oui !). Mais aux législatives, il n’a obtenu qu’une majorité relative. SI Emmanuel Macron n’était pas si imbu de lui même, il aurait pu méditer cet exemple.

    • Et pas un journaliste pour compter en voix plutôt qu’en pourcentages, ce qui ferait ressortir encore plus cruellement le point en question.

  • Les commentaires sont fermés.

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