Inflation : le nouveau combat de Bruno Le Maire est-il perdu d’avance ?

Tout le monde connaît la détermination sans faille de notre ministre de l’Économie et des Finances. Mais est-ce que cette détermination sera suffisante pour lutter contre l’inflation ?

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Bruno Le Maire 2016 by Nigel Dickinson Fondapol (CC BY-NC-ND 2.0)

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Inflation : le nouveau combat de Bruno Le Maire est-il perdu d’avance ?

Publié le 25 mai 2022
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Lors de sa confirmation comme ministre de l’Économie et des Finances du nouveau quinquennat du Président Macron, Bruno Le Maire a déclaré que la priorité du nouveau gouvernement sera la « protection des Français contre l’inflation », proche de 5 % sur un an en avril 2022.

« Dès demain nous allons donc nous atteler à la préparation du projet de loi sur le pouvoir d’achat », a affirmé le ministre de l’Économie et des Finances, reconduit vendredi 20 mai 2022 dans ses fonctions. « Je recevrai dès lundi les acteurs économiques pour étudier avec eux comment ils peuvent aussi participer à la protection des Français contre la hausse des prix », a-t-il ajouté à l’occasion de la passation de pouvoir au ministère des Comptes publics, un portefeuille désormais détenu par Gabriel Attal, qui succède à Olivier Dussopt.

L’ennemi étant désigné, reste à savoir comment le numéro deux du gouvernement compte le combattre. On se rappelle qu’au Bourget un certain François Hollande avait désigné le monde de la finance comme étant son ennemi lors de sa campagne présidentielle. On sait aussi ce qu’il en advint : les banques et les marchés financiers n’ont pas eu vraiment à s’en plaindre pendant son quinquennat.

Combattre l’inflation peut paraître une tâche facile pour certains : il suffit de bloquer les prix du panier de la ménagère pour stopper la montée de la fièvre. C’est ainsi que font florès les propositions de blocage des prix de l’énergie, des produits de consommation, des loyers. Pour soulager les ménages on peut aussi indexer les salaires et les retraites sur l’inflation, distribuer du pouvoir d’achat à l’aide de bons d’essence, etc.

Mais toutes ces mesures techniques à très court terme négociées au plus haut niveau avec les syndicats ouvriers et patronaux sont-elles de nature à enrayer l’inflation qui a repris avec vigueur et dont tous les experts s’accordent à dire qu’elle est là pour durer ? On peut en douter.

 

L’inflation : un phénomène qui était minoré en 2021

Il n’y a pas si longtemps – c’était en septembre 2021, soit il y a moins d’un an – la Banque de France, naturellement citée par le ministre de l’Économie d’alors, estimait que la hausse récente de l’inflation en France était de nature temporaire :

« La hausse récente de l’inflation en France est de nature temporaire mais peut encore durer plusieurs trimestres. Elle est liée à une normalisation après le creux de 2020 et à l’augmentation des prix industriels et de l’énergie. Après un point haut lié à ces effets temporaires, l’inflation reviendrait en dessous de 2 % dans le courant de 2022. »

En prenant en compte différents facteurs, la projection de la Banque de France publiée en septembre 2021 prévoyait un pic d’inflation à 2 3/4 %  fin 2021, suivi d’un contrecoup en 2022. Après avoir reflué, elle devait revenir en 2023 sur une pente ascendante mais plus graduelle, avec une moyenne de 1,3 % sur l’ensemble de l’année 2023. Aujourd’hui elle est proche de 5 % en rythme annuel et nous sommes loin de cette prévision. C’est dire si on peut encore faire confiance à nos instituts d’études économiques.

Bien évidemment en septembre 2021, alors que l’économie se relevait péniblement de la crise sanitaire de la Covid-19, personne n’anticipait que la Russie allait envahir l’Ukraine le 24 février 2022, précipitant ainsi la hausse du prix des énergies fossiles et fragilisant l’approvisionnement de l’Europe de l’Ouest en gaz et en pétrole.

Aujourd’hui et malgré la nomination de Bruno Le Maire, les pressions sur les cours de toutes les matières premières vont persister voire s’amplifier car leurs marchés vont rester durablement déséquilibrés. C’est notamment le cas dans le domaine des énergies fossiles dont la demande reste élevée, celui des matières premières exigées par la transition énergétique, et celui des productions agricoles soumises aux aléas climatiques voire à la guerre en Ukraine.

Et cela sans compter les raretés induites par les embargos, voulus ou subis, liés aux événements géopolitiques. Par ailleurs, le coût du travail va avoir tendance à augmenter du fait des revendications salariales qui risquent d’apparaître du fait même de la perte de pouvoir d’achat induite par l’inflation.

 

Le gouvernement peut-il vraiment lutter contre l’inflation ?

Tout le monde connaît la détermination sans faille de notre ministre de l’Économie et des Finances. Mais est-ce que cette détermination sera suffisante pour lutter contre l’inflation ? On peut en douter, surtout quand on observe ses premières mesures prises dans le précédent gouvernement et qui doivent être votées dans le prochain budget rectificatif qui sera présenté après les élections législatives des 12 et 19 juin 2022. Pour l’essentiel, ces mesures qui s’élèvent à 16 milliards de dépenses supplémentaires concernent la protection du pouvoir d’achat : augmentation générale du salaire des fonctionnaires, chèque alimentaire, revalorisations des retraites et des minimas sociaux notamment.

Citons également parmi les mesures prises par le gouvernement en octobre 2021 le bouclier tarifaire sur l’électricité et le gaz. Évidemment, avec ce bouclier tarifaire, l’inflation due au coût de l’énergie a été contenue, ce dont se félicitait Bruno Le Maire qui était fier de rappeler que la France avait le taux d’inflation le plus faible de la zone euro (près de 5 % en France contre 8 % en Allemagne). Au passage, il oubliait que cette performance toute relative était essentiellement due au mix énergétique différent entre notamment la France avec le nucléaire et l’Allemagne avec les énergies fossiles.

De fait, pour le moment il s’agit davantage de « protéger » les ménages des conséquences de la hausse des prix plutôt que de s’attaquer aux racines du mal. On retrouve ici la chère devise du Président Macron du « Quoiqu’il en coûte ».

On ne peut qu’être pantois d’admiration pour notre ministre qui ose déclarer en même temps que « la maîtrise des comptes publics fait partie de l’ADN de notre majorité ». Pour Bruno Le Maire les dépenses engagées pour le pouvoir d’achat « ne nous empêcheront pas de respecter les engagements du président de la République sur la baisse de la dette publique et la réduction des déficits ».

Quand on sait que le déficit des comptes publics était de 6,5 % du PIB fin 2021 et que la dette publique frisait les 113 % du même PIB, on mesure le défi auquel est confronté notre ministre.

Bien évidemment, bloquer les prix ne peut avoir qu’un temps. Il arrive un moment où la position des producteurs, des entreprises, des bailleurs n’est plus tenable. Alors que fera notre valeureux ministre si les déséquilibres persistent ? Contrairement à l’époque du franc, il n’aura pas à sa disposition l’arme de la dévaluation si souvent utilisée dans le passé.

Par ailleurs, avec la hausse de l’inflation, les banques centrales vont certainement modifier leurs politiques monétaires et augmenter les taux d’intérêts. Quand on connaît le montant de la dette publique française, 2800 milliards d’euros, on ne peut que s’inquiéter de la conséquence de la hausse des taux d’intérêts sur le budget de l’État. Ainsi, selon le gouverneur de la Banque de France, une hausse de 1 % des taux d’intérêt représente au bout de dix ans un coût supplémentaire de près de 40 milliards d’euros par an, soit quasiment le budget actuel de la Défense. Et ce n’est pas avec le rétablissement de l’ISF qui rapportait environ 5 milliards par an que l’État pourra faire face à ces coûts supplémentaires.

Ayant perdu l’arme de la monnaie, n’ayant que peu de marges de manœuvres pour lutter contre les déséquilibres des marchés, notamment ceux de l’énergie, confronté à des demandes de revalorisation des salaires et des retraites, il semble bien que le combat de notre ministre contre l’inflation relève davantage de la rhétorique que du réel.

Bien sûr, nous ne pouvons que lui souhaiter bonne chance dans ce combat. Les risques à venir sont bien réels car la hausse généralisée des prix des biens et services va longuement impacter le niveau de vie des Français et se traduire par une baisse de leur pouvoir d’achat malgré toutes les promesses. Le pire serait que nous assistions à de nouveaux mouvements de contestation populaire comme celui des Gilets jaunes.

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  • BLM a prouvé depuis longtemps qu’il ne comprend pratiquement rien en économie et en finances. On peut donc s’attendre à ce qu’il continue à faire des déclarations creuses (avec beaucoup d’aplomb) et à prendre des mesures ineptes (comme bloquer les prix, autrement dit casser le thermomètre).
    Ne nous voilons pas la face, il se moque bien de l’économie et des finances. Son seul but est de garder le pouvoir et de préparer la prochaine élection présidentielle.

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  • On pourrait peut-être aussi rappeler qu’une bonne part de l’inflation n’est pas due à l’invasion de l’Ukraine en elle-même mais aux représailles interdisant l’achat de matières premières bon marché à la Russie et décidées par on ne sait quels pompiers pyromanes. Enfin, si, on doit bien savoir lesquels. Un certain Bruno Le Quelque Chose, par exemple…

  • On le remplacerait par l’éboueur de Trifouilli-les-Oies, on aurait d’excellents résultats.
    Et lui au moins saurait ce qu’est un nectar 😉

  • « Tout le monde connaît la détermination sans faille de notre ministre de l’Économie et des Finances. » J’espère que l’auteur fait ici du second degré. Si il y a de la détermination chez le personnage en question, ce ne peut être que celle qui lui permet d’avaler sans sourciller les nombreuses couleuvres qui suivent ses grandes déclarations à l’emporte-pièce.

  • Que le gouvernement remette en route les chaînes logistiques et il verra que l’inflation se résorbera naturellement… 🙂

  • Pour remonter le pouvoir d’achat qui ne va pas se régler par une loi, ou alors pourquoi ne l’avoir pas fait avant,
    il faudrait:
    – remettre les gens au travail
    – refonder tout de système éducatif et de formation
    – mettre fin à des sanctions idiotes qui ne gênent que leurs auteurs et surtout leurs populations
    – arrêter ces projets non moins idiots dits « écologiques » qui ruinent déjà ce qui reste de l’industrie française
    mais que voulez vous nous ne sommes pas gouvernés par la rationalité, mais par la démagogie et les idéologies, et j’oubliais aussi une bonne dose d’incompétence et de cynisme

  • « personne n’anticipait que la Russie allait envahir l’Ukraine le 24 février 2022 », c’était pourtant archi prévisible pour quiconque s’intéressant un poil à la géopolitique.. Gouverner c’est prévoir, et si un responsable politique n’a comme seul argument que « on ne pouvait pas prévoir », et bien cela signifie uniquement qu’il est complètement nul. A ce titre, notre Bruno national est un champion.
    Enfin, si pour notre Bruno Le Maire 2 la priorité est « la lutte contre l’inflation », on peut anticiper que l’inflation a de beaux jours devant elle…

  • Le gouvernement peut très facilement lutter contre l’inflation. Il suffit de remonter les taux d’intérêts à la BCE. Et diminuer le déficit public (chaque nouvel emprunt d’état est en fait de la nouvelle monnaie créée).
    Ce n’est pas que le gouvernement ne peut pas lutter contre l’inflation, c’est qu’il ne veut pas lutter contre l’inflation. Il aime l’inflation, il veut le plus possible d’inflation. Ce qu’il ne veut surtout pas, c’est que les gens s’en rendent compte…

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