Quand Cash investigation s’attaque à McDonald’s

Retour sur l’enquête de Cash investigation d’Élise Lucet sur McDonald.

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Cash Investigation(CC BY-SA 2.0)

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Quand Cash investigation s’attaque à McDonald’s

Publié le 15 avril 2022
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Nous avions déjà constaté lors d’un précédent billet que les reportages de Cash Investigation souffraient de biais idéologiques. Il s’agissait d’égalitarisme dans l’épisode concernant les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Ce nouvel épisode, consacré à l’entreprise McDonald’s, baigne quant à lui dans un anticapitalisme primaire.

Valeurs nutritionnelles d’un Happy Meal

Cash Investigation s’attaque dans un premier temps à la valeur nutritionnelle d’un menu Happy Meal. Le reportage enfonce des portes ouvertes. Il est à peu près certain qu’aucun adulte en pleine disposition de ses facultés intellectuelles n’a jamais emmené son enfant chez McDonald’s en se disant qu’il allait manger quelque chose de diététique.

Pour pouvoir évaluer la qualité des aliments, Élise Lucet interroge une nutritionniste. Cette dernière affirme que le menu présente des carences en fer. Elle soutient qu’il faudrait 11 mg de fer par jour pour un enfant. Un petit détour par le site de l’ANSES permet déjà de comprendre que l’on peut difficilement être aussi catégorique vis-à-vis de cette quantité :

« Les anciennes références nutritionnelles (les apports nutritionnels conseillés ou ANC) variaient de 7 à 14 mg/jour chez les enfants de 3 à 17 ans. Ces données sont en cours de réévaluation. »

Un cheeseburger est analysé en laboratoire par l’équipe journalistique. C’est la stupeur ! il ne contient que 1,2 mg de fer alors que la nutritionniste suggérait qu’il en fallait 5,5 mg pour ce repas. Le fer étant contenu dans la viande rouge, Elise Lucet interroge : mais où est passé le fer de la viande ? La réponse de la nutritionniste est sans appel : nous avons là affaire à des aliments qui sont hyper-transformés, ce qui explique les pertes d’oligo-éléments.

Sauf que la teneur en fer d’un steak haché est de 2,65 mg pour 100g. Si l’on se réfère aux différentes informations que l’on peut trouver sur internet ici ou ici le steak haché du cheese burger chez McDonald ne pèse que 45 grammes.

Si l’on applique une simple règle de trois :

  • 100 g de steak haché = 2,65 mg de fer
  • 45 g de steak haché = 1,19 mg de fer

 

Quelle surprise ! Nous retrouvons à 10µg près la teneur en fer constatée par Cash Investigation. Il n’y avait pas besoin d’analyser le burger en laboratoire, une balance de cuisine aurait suffi.

 

Illégalité de contrat

Dans un second temps l’équipe de Cash investigation tente de comprendre les conditions dans lesquelles travaille un salarié chez McDonald’s. Pour ce faire, l’une de leurs journalistes – prénommée Rebecca pour l’occasion – se fait embaucher en caméra cachée.

Rebecca se voit présenter un contrat de 15 heures par semaine. Elle dit qu’elle souhaiterait travailler davantage mais la manager lui signifie que le besoin de l’établissement est de 15 heures et qu’elle ne peut donc pas satisfaire sa demande.

Pour l’équipe de Cash Investigation c’est tout simplement illégal car, selon eux, le Code du travail prévoit un minimum horaire de 24 heures.

Mais que fait donc la police ? Comment se fait-il que nos brillants organismes de recouvrement, si prompts à infliger 14 000 euros d’amende à un restaurateur pour avoir mangé dans son propre établissement, ne soient pas capables de se rendre compte que McDonald’s embauche illégalement du personnel ?

En appliquant des filtres afin de ne conserver que les offres pour un poste de commis de cuisine à moins de 20 heures par semaine, une consultation rapide du site de Pôle emploi envoie 117 offres. Si certains ignoraient jusqu’alors que Pôle emploi appartenait dorénavant au Dark Web, les voilà prévenus…

Plus sérieusement, si l’on se réfère au site du gouvernement, voici ce qui est dit :

« Le salarié à temps partiel doit respecter une durée minimale de travail.

Cette durée est fixée par dispositions conventionnelles : Convention collective, accord collectif, accord de branche, d’entreprise ou d’établissement applicables en droit du travail. Elles fixent les obligations et les droits de l’employeur et du salarié.

En l’absence de dispositions conventionnelles, la durée minimale de travail est fixée à :

  • Soit 24 heures par semaine (ou la durée mensuelle équivalente, soit 104 heures)
  • Soit, en cas de répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine, 104 heures par mois

Toutefois, des dispositions conventionnelles peuvent prévoir une durée minimale inférieure à 24 heures par semaine :

  • Soit selon la mise en œuvre d’horaires réguliers dans l’entreprise
  • Soit selon la possibilité du salarié de cumuler plusieurs activités
  • Soit selon les horaires de travail du salarié sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes »

 

La durée minimale de 24 heures ne s’applique donc qu’en l’absence d’accord. Voilà pourquoi il est possible d’entendre l’assistante administrative du restaurant dire à Rebecca « C’est pour ça que je te demandais de faire un courrier manuscrit pour dire que tu souhaites un contrat de 15 heures par semaine. »

En effet, McDonald’s ne fait pas appel à des chasseurs de tête pour recruter ses équipiers. Si Rebecca a postulé pour une offre d’emploi de 15 heures par semaine, il est tout à fait normal que l’assistante administrative tienne ce discours. Elle ajoute d’ailleurs « Si tu es venue, c’est que ça te convient », ce qui sous-entend que Rebecca avait bien connaissance de la durée de travail hebdomadaire avant de venir signer le contrat.

Cash investigation affirme de plus que le contrat de travail ne respecte pas la convention collective de la restauration rapide au niveau des plages de disponibilité. Rebecca travaille 15 heures par semaine et pouvant être réparties du lundi au vendredi, de 8 h 30 à 20 h 30. Selon Cash Investigation, cela signifie que Rebecca doit être à la disposition de McDonald’s 60 heures par semaine. D’après les mots du reportage :

« La convention collective de la restauration rapide interdit à l’employeur de demander comme disponibilité plus de trois fois le nombre d’heures travaillées. »

Le lecteur trouvera ici à sa disposition les 6 articles relatifs à la « Durée de travail, répartition et aménagement des horaires » de la convention collective de la restauration rapide.

L’auteur de ces lignes n’a rien trouvé qui puisse appuyer le propos de Cash Investigation.

Qualité de l’information

La triste ironie réside sûrement dans l’introduction de ce reportage. Tout en reprenant le champ lexical de la restauration, Cash Investigation décrit ses méthodes :

« Lire des rapports indigestes, passer des heures au téléphones avec nos informateurs, […] ajoutez une pointe de tableur Excel, c’est ça les ingrédients d’un bon Cash. »

Cette enquête financée par le contribuable aura pris plus d’un an à toute une équipe journalistique.

France Inter, financée également par le contribuable, la trouve « édifiante ».

Élise Lucet, payée elle aussi par le contribuable, gagne 25 000 euros par mois pour vous fournir une information de cette qualité…

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  • L’important dans une émission de télé n’est pas le contenu mais l’audimat… Et puis macdo n’a qu’à porter plainte…

  • Autre scandale étatique

  • Les disponibilités chez McDonald’s correspondent aux moments de la journée où McDonald’s peut vous coller un horaire de travail car on peut donner des moments où on n’est pas disponible (autre travail, etudes)
    Je n’ai pas vu le « reportage », mais parlait-il des « avenants » au contrat ?

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Quénel est journaliste indépendant. Il travaille principalement sur le développement des organisations terroristes en Asie du Sud-Est, les questions liées au renseignement et les opérations d’influence. Membre du collectif de journalistes Longshot, il collabore régulièrement avec Les Jours, le magazine Marianne, Libération. Son dernier livre, Allô, Paris ? Ici Moscou: Plongée au cœur de la guerre de l'information, est paru aux éditions Denoël en novembre 2023. Grand entretien pour Contrepoints.

 

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