2022 : « Je serai au second tour » – et autres blagues de campagne

Quand l’actualité politique et les espoirs d’être au second tour sont dignes d’être des poissons d’avril.

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Poisson d'avril by Beer Bergman (CC BY-NC-ND 2.0)

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2022 : « Je serai au second tour » – et autres blagues de campagne

Publié le 1 avril 2022
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C’est incompréhensible. À dix jours du premier tour de l’élection présidentielle 2022, la campagne électorale ne parviendrait pas à intéresser les Français ! D’après l’institut de sondage Ifop, seulement 56 % d’entre eux ont évoqué le sujet dans leurs conversations de la semaine dernière alors qu’en 2017, ils étaient 80 % à le faire à la même époque ! Ne dirait-on pas que les Français trouvent la campagne mortellement ennuyeuse ?

Alors permettez-moi de m’insurger. C’est trop injuste ! Trop injuste pour nos candidats, trop injuste pour notre classe politique et trop injuste pour tous ces nombreux politiciens dévoués au bien commun qui n’ont jamais ménagé leur peine pour nous amuser et nous faire rire. Non, non et non, la campagne électorale n’est pas ennuyeuse du tout ! Elle est au contraire très drôle et le devient de plus en plus à mesure qu’on avance vers le premier tour.

L’optimisme d’être au second tour

Prenez la candidate des Républicains Valérie Pécresse. Dans les sondages les plus récents, on voit qu’elle a bien du mal à se maintenir aux 10 % où elle est tombée depuis quelques semaines. Mais d’un autre côté, elle l’a toujours dit : dans sa vie politique, on l’a mille fois donnée perdante et finalement, au dernier moment, quand personne n’y croyait plus, elle a gagné ! Dans sa région Île-de-France, par exemple, et face à un candidat socialiste, en plus !

Selon cette philosophie de l’espoir qui n’est pas sans rappeler la méthode Coué, elle aurait tout lieu de s’inquiéter si elle était mieux placée aujourd’hui dans les intentions de vote. Dieu merci, c’est très loin d’être le cas, ce qui lui permettait d’affirmer hier au micro d’Elisabeth Martichoux :

Je peux être la surprise du deuxième tour.
(Pécresse, LCI, 31 mars 2022)

Pour une surprise, ce serait une surprise, incontestablement. Je ne sais pas vous, mais moi, je ris aux éclats. Quel brio, quelle persévérance, quel spectacle ! The show must go on. Une vraie politicienne, en somme.

Mêmes 10 % et même optimisme chez Éric Zemmour. Pas parce que les derniers seront les premiers, mais parce qu’il se voit comme l’homme providentiel de la réconciliation des droites et le sauveur de la France. Les électeurs potentiels de Mmes Le Pen et Pécresse l’ignorent peut-être encore, mais lui seul est capable de bouleverser l’échiquier politique au soir du premier tour.

Et puis tout le monde sait qu’il existe un immense vote Zemmour caché tandis que Le Pen est scandaleusement surévaluée pour activer le réflexe facile du barrage à la droite et l’extrême droite. Et hop ! Cinq points de moins pour elle, cinq points de plus pour lui, on oublie Mélenchon qui, mine de rien, avance dans son « trou de souris », et la conclusion s’impose d’elle-même :

Je vous assure que je serai au second tour.
(Zemmour, BFM TV, 30 mars 2022)

 

La prophétie de la chaussette

Peut-être le candidat de Reconquête! a-t-il eu connaissance de la fameuse « prophétie de la chaussette ».

Il se trouve que début mars, la boutique lilloise « Chaussettes et Cie » s’est lancée dans la confection de chaussettes rouges ou bleues, avec ou sans masque chirurgical, à l’effigie de huit candidats présidentiels sur douze – Hidalgo, Jadot, Lassalle, Le Pen, Macron, Mélenchon, Pécresse et Zemmour. Au départ, Lassalle n’y était pas, mais face à la demande, il a dû être ajouté, de même que Taubira qui n’est pourtant plus candidate :

Or selon cette toute nouvelle méthode de prédiction du résultat du vote, Marine Le Pen ne serait pas au second tour. Après récapitulation statistique des ventes, les préférences des acheteurs de chaussettes siglées au portrait des candidats vont dans l’ordre à Macron, puis Zemmour, puis Mélenchon :

Les trois qui se distinguent vraiment sont Emmanuel Macron,
Eric Zemmour, qui est quand même assez haut,
et Mélenchon qui fait une belle remontada.
(Prophétie de la Chaussette, 20Minutes, 30 mars 2022)

Attention quand même. Si certains acheteurs manifestent ainsi directement leur adhésion politique, d’autres aiment tout particulièrement l’idée de pouvoir fouler aux pieds les candidats qu’ils rejettent le plus, surtout avec un masque sur la bouche, comme pour leur intimer avec dédain de se taire une bonne fois pour toutes.

Côté Parti socialiste, Anne Hidalgo adore « ses » chaussettes 2022 – ce n’est pas le problème. En plus, elle peut se prévaloir de l’éminent soutien de l’ancien Premier ministre Lionel Jospin – ce n’est pas le problème non plus. Du moins à condition d’oublier que Jospin fut évincé du second tour de 2002 au moment où Jean-Marie Le Pen y accédait. Mais quand on pense à cette pauvre Valérie Pécresse qui n’est même pas arrivée à tirer un seul petit mot aimable de Nicolas Sarkozy, ce n’est pas si mal.

   

En revanche, Hidalgo est à 2 % max dans les sondages – problème existentiel pour le PS. À ce niveau à peine perceptible qui fait du « grand parti de Jaurès, Blum et Mitterrand » un groupuscule de plus au sein d’une gauche de plus en plus Insoumise, difficile de jouer plus longtemps à prétendre être au second tour. Mais l’on peut agréablement s’amuser à faire des prédictions sur les autres :

Jean-Luc Mélenchon ne sera pas au deuxième tour.
(Hidalgo, France 3, 6 février 2022)

Du reste, les déboires présidentiels d’Anne Hidalgo ne font pas que des malheureux. Quoique retiré de la vie politique, l’ex-candidat du PS Benoît Hamon n’est pas fâché de faire savoir à qui veut l’entendre que quand il se compare, il se console. N’avait-il pas réalisé le score appréciable de 6,36 % en 2017 ?

Et dire que tout le monde se foutait de ma gueule avec mes 6 %.
(Hamon, rapporté par ChezPol-Libération, 31 mars 2022)

Ha, ha, la bonne blague ! Petite amnésie passagère, Benoît ? En 2017, Yannick Jadot s’était désisté en faveur du PS avant le premier tour. Donc pour respecter le périmètre de comparaison, il convient d’ajouter le score du Jadot solo d’aujourd’hui, soit environ 5 %, à celui d’Anne Hidalgo. Et là, nous arrivons au fabuleux total de 7 %. C’est toujours mieux que 6,36. Carrramba, Encore rrraté !

Mais le pire dans tout cela, ce sont les élections législatives. Avec les nombreuses défections d’anciennes gloires socialistes au profit d’Emmanuel Macron – les Touraine, Guigou, Valls, Chevènement – qui, hormis Hollande, pour faire entendre la voix de « la gauche de responsabilité » au sein de la République ? Qui, hormis Hollande, pour faire résonner la voix des grands orateurs socialistes d’antan à l’Assemblée nationale ?

Autour de l’ancien Président, on murmure, on intrigue, on s’interroge. On soutient Hidalgo, mais on pense très fort à l’après. On compte les Présidents et les Premiers ministres redevenus députés : Giscard, Barre, Fillon, Valls, Ayrault… et l’on teste, l’air de rien, l’argument-massue :

Cela fait longtemps qu’il n’y a pas eu
de grandes personnalités à l’Assemblée nationale.
(Entourage Hollande, L’Opinion, 31 mars 2022)

Il fallait y penser…

Voilà, voilà. C’était mon article de 1er avril. Aucun canular dans les faits rapportés, que du vrai de vrai. Mais une réalité qui prête tellement à rire et se moquer qu’on se demande s’il ne faudrait pas plutôt en pleurer. On parle quand même de l’élection présidentielle. Ça promet.

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  • Bah on s’en fiche de la campagne.
    Au premier tour on va tous voter pour qui on préfère ou alors voter blanc ou même s’abstenir.
    Puis au second tour, si Macron y est on ira tous voter pour l’autre candidat. Sinon on votera ou on s’abstiendra selon les cas…

    Très simple tout compte fait, et donc pas besoin de se passionner pour ce que les journalistes trouvent ou pas sur les candidats ou même pour ce que les candidats racontent !

  • Ce titre de billet est à la fois drôle, triste, pertinent et parfaitement adapté à un jour de poisson d’avril où l’on n’a plus le cœur à faire des canulars.
    Après deux années à subir des directives et des décisions qui avaient tout du poisson d’avril, à lire des articles expliquant l’inverse de la veille, à découvrir que les complotistes n’étaient pas si éloignés de la réalité, c’est même devenu un exercice périlleux que de rédiger un poisson d’avril : une lapidation sur la place publique numérique des bien-pensants est si vite arrivée !
    Faut-il rire ou pleurer, s’énerver ou se résigner, se réjouir ou déprimer ?
    Faut-il croire tout ce qu’on nous dit, ou arrêter de croire quoi que ce soit ?
    Franchement, je ne sais plus.
    Et ça me fait comprendre tout le sens de ce que disait Hannah Arendt : « Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d’agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. »

  • Nathalie MP Meyer toujours aussi rosse… ça alors !
    Mais, effectivement, on peut se demander si tous ce beau monde ne VEUT pas filer le tournis aux électeurs !
    *P.S. franchir les 5 % et gratter un peu du blé distribué par l’ETAT pour maintenir un peu de républicanisme et de démocratie, c’est louable non ?

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