Est-il pertinent d’affirmer qu’une campagne électorale un peu moins active que d’ordinaire remette en cause la légitimité ultérieure d’un président de la République ? Cette antienne a été colportée par le président du Sénat, Gérard Larcher, relayant les propos de politiciens du parti Les Républicains : « S’il n’y a pas de campagne, la question de la légitimité du gagnant se posera. » Gérard Larcher voulait sans doute venir au secours de Valérie Pécresse. Mais au-delà de la politique politicienne, cette querelle sur la légitimité a-t-elle un sens ?
Le vote, seul facteur de légitimité
L’argument principal consiste à soutenir qu’il existerait une sorte de contrat tacite entre le corps électoral et le président élu. Le programme présenté au cours de la campagne représenterait un engagement devant être respecté. Sinon, la légitimité du président s’en trouverait affaiblie. Les manifestations, les mouvements sociaux du type Gilets jaunes pourraient alors trouver une justification dans l’absence de contrat social entre l’élu et le peuple, si l’on veut reprendre un vocabulaire rousseauiste.
Cette construction intellectuelle se caractérise par son extrême fragilité. Les programmes sont écrits. Il suffit de les lire et de les comparer. Mais surtout, en démocratie, la légitimité provient de l’élection. Lorsqu’elle a lieu au suffrage universel direct et que douze candidats représentant toutes les nuances du spectre politique se présentent en ayant légalement accès, égalitairement, aux grands médias audiovisuels, les électeurs ne peuvent vraiment pas se plaindre de manquer d’informations. La démocratie ne peut pas être mieux respectée, la légitimité de l’élu ne peut pas être meilleure.
La politique spectacle
Ou alors, est-il question d’autre chose ? Faudrait-il par hasard que ce soit l’information qui vienne chercher les électeurs récalcitrants, ceux qui ne s’intéressent pas à la politique ? Faudrait-il amuser un peu pour les tirer de leur léthargie ceux qui prétendent, avec une constance qui s’apparente à un prétexte, qu’ils ne sont représentés par aucun des douze candidats ? Faudrait-il organiser des meetings politiques avec orchestre, danseuses dénudées et boissons open bar ?
La République n’a pas la charge du spectacle politique. Les combats de gladiateurs du verbe et de l’image dans les studios de télévision ne sont pas de sa responsabilité. Encore moins les échanges bas de gamme sur les réseaux sociaux. Quant aux grands meetings destinés à abrutir un public de braillards sélectionnés, ils ne grandissent pas la démocratie. Doux euphémisme. En rêvant un peu, on pourrait imaginer qu’une véritable démocratie consiste à débattre d’idées entre personnes de bonne compagnie. En aucun cas, il ne peut s’agir de manipuler le peuple par des mouvements de foule. La foule n’est pas le peuple.
Certains semblent sous-entendre que si le spectacle n’est pas assez populaire, la légitimité est atteinte. Démagogique et dangereux. Les communicants tirent déjà le spectacle vers le bas depuis des décennies. Les élus devraient comprendre qu’il s’agit désormais de retrouver un peu de rigueur, de remonter de quelques marches dans le dialogue avec le peuple. En aucun cas, il ne saurait être question de transformer la politique-spectacle en un mauvais blockbuster hollywoodien.
Débat à douze candidats : impossible
Un autre sujet est couramment abordé : le débat télévisé entre les douze candidats avant le premier tour. Pourquoi y faire allusion aujourd’hui ? Tout simplement parce qu’un tel débat avait eu lieu en avril 2017 entre les onze candidats de l’époque. Mais le président sortant, François Hollande, ne se représentait pas. Ce type de débat n’est qu’un spectacle au cours duquel la comédie médiatique joue à plein. Ce ne sont pas les candidats que l’on juge mais l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes. Le bon comédien, celui ou celle qui a une forte présence télévisuelle, a toutes les chances de séduire, même si ses propositions sont totalement irréalistes.
Il est évident qu’un tel débat avec un président en exercice se transformerait en un pugilat verbal contre le sortant. Tous les autres ont en effet l’ambition de le remplacer. Ils ont tout intérêt à dévaloriser systématiquement son action passée. Pour l’élection de 2022, il y aurait onze attaquants et un défenseur. Serait-ce un nouveau sport ? Au foot, les deux équipes comportent onze joueurs. C’est assez juste…
Les interminables campagnes électorales
Un dernier point : auparavant, les campagnes électorales étaient brèves (1962, 1969, 1974 par exemple) et personne ne s’en plaignait, bien au contraire. Elles duraient quelques semaines mais ne s’étiraient pas sur plus de six mois comme aujourd’hui. Cet interminable abrutissement de la population par le ressassement politique ne sert ni la liberté, ni la démocratie. Il produit de la lassitude et du dégoût. On le voit à la résurgence de l’autoritarisme dans la population.
L a légitimité institutionnelle s’entend. des légitimités il y en a plusieurs..
“douze candidats représentant toutes les nuances du spectre politique”
Toutes … sauf la meilleure, si je peux me permettre.
Avec la garantie d’un débat médiocratique.
“douze candidats représentant toutes les nuances du spectre politique ”
C’est justement cette définition du spectre politique sur un axe unidimensionnel gauche droite qui fait de la politique une mascarade extrêmement hypocrite. On classe à gauche et extrême gauche des candidats qui promettent beaucoup plus d’intervention du gouvernement dans la vie des gens. On classe ensuite à droite et extrême droite des candidats qui promettent quoi? Encore plus d’intervention. Y a-t-il un seul candidat qui promette de réduire la sphère d’influence du gouvernement sur la vie des gens? Pour ma part, je n’en ai repéré aucun. En 2017, il y en avait un, François Fillon, et on a vu comment ça s’est terminé pour lui. Il est là le manque de légitimité: sous des apparences de large choix d’opinions politiques, on a 12 candidats qui présentent tous quasiment la même chose: toujours plus d’intrusion dans la vie des gens.
Il y avait un candidat libéral : Koenig. Mais il n’a eu qu’une centaine de parrainages. Au lieu de critiquer le système – et d’en faire le responsable de la défaite de l’escroc Fillon, qui est libéral comme je suis évêque – interrogeons plutôt de savoir pourquoi nous n’arrivons pas à promouvoir le libéralisme au delà de son petit cercle actuel.
Pierre Ponce je crois que vous avez posé la bonne question en effet.
Je pense que la 1ère raison vient du fait que le courant libéral majoritaire sur CP, que je résumerais par un libéralisme “de droite” ou libéralisme de “propriété et de rentier” (par opposition au courant libéral historiquement de tendance “de gauche” et anarchiste) est excessivement sectaire (il n’y a qu’à regarder les chiens de garde qui sauteront au cou du profane au moindre commentaire sortant de la doxa) et dogmatique (libéralisme = droit naturel de propriété et puis c’est tout !!! ).
La 2ème raison vient du fait que l’unique courant libéral porté sur CP n’est favorable qu’aux détenteurs de patrimoine et aux gens qui ont “réussi” leur vie, d’un point de vue financier et investissements en tout cas. Il ne faut pas s’étonner que ce courant peine à trouver une universalité auprès des moins bien lotis.
Un prérequis pour l’établissement d’une vraie société libérale à laquelle je peux adhérer serait probablement de remettre à zéro tous les compteurs de propriété/richesse/capital pour relancer une partie basée sur le mérite à chances égales au départ ! Et accessoirement, d’anticiper des mécanismes innovants permettant à chaque nouvelle génération une redistribution des cartes au mérite (droits de propriété limités dans le temps, fonte du capital, suppression de l’héritage…?).
Il y a plusieurs choses à dire sur cet article avec lequel je suis en forte contradiction. En réalité je serais totalement d’accord avec si nous étions dans un monde où l’influence des médias était moindre, et où les basses stratégies des agences de communication ne seraient pas aussi omniprésentes. Malheureusement il nous faut tenir compte de certains facteurs essentiels :
– il est prouvé que l’exposition médiatique d’un candidat augmente mécaniquement ses chances de succès à l’élection. C’est même selon certains le critère numéro 1. Une analyse avait d’ailleurs été menée sur la campagne de 2017 qui montrait que Macron avait bénéficié d’une exposition médiatique 3 fois supérieure à celle de ses adversaires (Gala, Paris match, etc…).
– D’autre part il n’aura pas échappé à grand monde ici (je l’espère) que les médias grand public (radio, TV, journaux papier), qui façonnent l’opinion de millions de lecteurs, ont l’air, (à peine) partisans de notre tendre et adoré président sortant. J’en veux pour preuve que l’affaire Mc Kinsey n’ait pas encore explosé (même si ça sort doucement), qu’ils lui passent de la brosse à reluire (“un épidémiologiste de haut-vol” d’après le Monde, il “tutoie Poutine”), alors qu’ils se permettent de taquiner à coup de marteau piqueur d’autres candidats (je pense à Zemmour, mas il y en d’autres).
– Que dire sur la “politique spectacle” ? L’émission qui a vu Macron “affronter” une horde de français triés sur le volet avec les questions/réponses me semble en être la digne incarnation. Nous y sommes. Comme un spectacle, tout est monté du début à la fin
– Et pour finir avec ce qui me semble être le plus important, je pense que le débat d’idées ne peut pas être substitué à la lecture d’un programme. J’admets de suite l’argument rhétorique et charismatique, qui permet à un candidat de prendre l’ascendant sur un autre. Mais il faut nuancer cet argument avec l’aspect intellectuel. Je préfère écouter 2 candidats (Zemmour et Mélenchon par exemple) débattre et écouter leurs arguments, plutôt que de me taper la lecture de leur programme. Notamment parce que cela permet de mettre en perspective certaines failles de raisonnement plutôt que d’asséner certains chiffres (par exemple Zemmour qui explose les chiffres de Mélenchon, mais ca pourrait être pareil pour Asselineau qui donnerait un éclairage différent sur la construction européenne). Bref, je pense qu’on gagnerait en dynamisme intellectuel, et qu’en plus la plupart des personnes, qui rechignent à lire, surtout des programmes politiques détaillés, en demanderaient davantage
Les gens des médias subventionnés sont tous juste assez malins pour ne pas mordre la main qui les nourrit. Normal, non? A l’inverse, Zemmour, qui a promis de retirer la gamelle, lui s’en prend plein la tronche. Ne voyez pas dans mon commentaire un quelconque soutien à Zemmour. Je constate simplement que les subventions aux médias deviennent un sujet tabou en France.
“il est prouvé que l’exposition médiatique d’un candidat augmente mécaniquement ses chances de succès à l’élection.”
je doute de cela.
peut être voulez vous reformuler on a observé que les candidats élus avaient eu une plus forte exposition médiatique..
Comme les mouches doivent avoir mal à leur postérieur après votre commentaire…
Il y a pas mal de dictateurs élus et bien élus. Chez eux et peut-être bientôt chez nous, la légitimité vient aussi et surtout de la participation. Et c’est bien pourquoi les députés européens sont transparents.
Et un président actuel élu par coup d etat politico-judiciairo-mediatique vous trouvez cela légitime ?
Je ne vais pas me faire des amis. Ca tombe bien, je ne suis pas là pour ça. J’ai l’impression que pour certains ici, la démocratie, c’est uniquement quand ça va dans le sens de leurs idées.
L’élection c’est un concours, pas un examen. L’élu, quel qu’il soit, quel que soit son programme, quelle que soit la manière dont il l’a présenté aux Francais, sera toujours plus légitime que les perdants.
Si vous estimez qu’aucun programme ne vous convient, allez à la pêche. Ou faites comme Zemmour, lancez-vous dans la course. Mais par pitié arrêtez de vous plaindre qu’on vous a volé l’élection, qu’il y a un complot qui vise précisément votre candidat, ou que vos idées sont combattues par le Système. Ce calimérisme est lassant.
“c’est un concours …”
Oui, un concours de promesses et de démagogie !
(Avec enterrement du dossier scolaire de l’élève et du contrôle continu).
Oui, bof !
De toutes manières, je n’ai pas l’intention d’aller envahir le Capitole : c’est trop loin, trop de taxes sur les transports et je ne fait pas partie de ces apparatchiks qui peuvent compenser leurs déplacements en plantant virtuellement des arbres …
Mais vous n’aurez pas ma liberté de penser et je suis prêt à voter le pire (quel qu’il soit) pour protester et exiger une réforme de la constitution afin de faire barrage à ces politiciens et ces médias d’un autre siècle.