Caisse des dépôts : Lombard se trompe sur les revenus du capital

Le directeur général de la Caisse des dépôts a déclaré récemment que les salaires étaient trop bas par rapport aux revenus du capital. Qu’en est-il ?

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Caisse des dépôts : Lombard se trompe sur les revenus du capital

Publié le 29 mars 2022
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Le directeur général de la Caisse des dépôts, Éric Lombard, a déclaré récemment que les salaires étaient trop bas par rapport aux revenus du capital. Il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir cette opinion pouvant conduire à considérer que le capitalisme contribue à générer une situation critiquable dans un pays. Et bien sûr il en résulte qu’un certain nombre de personnes en France risquent de souhaiter l’adoption d’une politique économique consistant par exemple à imposer une augmentation des salaires ou à augmenter la fiscalité sur les revenus du capital.

Compte tenu de l’importance des faits et des décisions politiques dans ce domaine il convient évidemment de réfléchir aux relations qui peuvent exister entre ces deux catégories de revenus, les salaires et les revenus du capital, ou plus précisément, les salaires et les profits.

 

Revenus du capital : les salaires et les profits

Si un individu possède un immeuble (ou une salle) on peut évidemment considérer qu’il s’agit là d’un élément de son capital. Supposons donc qu’il souhaite éventuellement utiliser ce capital pour obtenir des ressources supplémentaires et par ailleurs qu’il signe pour cela un contrat avec un salarié destiné à l’aider dans la production de biens. Il se peut que les biens ainsi produits servent directement à l’individu et le gain qu’il obtient ainsi sous forme d’une augmentation de son utilité personnelle peut être considéré comme un profit. Mais bien entendu, on aura surtout tendance à parler d’un profit si les biens ainsi produits sont vendus. Les biens ont alors une valeur monétaire comparable au montant du salaire (lui aussi en valeur monétaire). La différence entre la valeur monétaire des biens produits et le montant du salaire monétaire constitue ce qu’on appelle le profit.

Il est clair que le salaire résulte d’un contrat entre les deux personnes concernées dans cet exemple, tandis que le montant du profit ne résulte pas directement d’un contrat, mais il est déterminé par la différence entre deux types de contrats, le contrat du producteur avec le salarié et le contrat de ce producteur avec l’acheteur des biens qu’il a produits avec son salarié.

Or, étant donné que le producteur ne peut pas prévoir parfaitement quelle sera la valeur monétaire des biens qu’il envisage ainsi de vendre, il en résulte que le profit n’est pas un montant décidé parfaitement à l’avance. Il existe donc une différence essentielle entre le salaire et le profit. Le montant d’un salaire à payer dans le futur est déterminé de manière précise par un contrat. En ce qui concerne le profit le producteur essaie évidemment de prévoir quel peut en être le montant, ou tout au moins son montant minimum et son montant maximum. Mais il n’y a pas de certitude sauf dans le cas exceptionnel où il pourrait signer un contrat avec un acheteur pour sa vente de biens dans le futur. Mais le montant du profit n’est pas décidé, il est éventuellement prévu, mais il constitue toujours un reste indécis d’un ensemble de contrats.

 

Le fonctionnement des marchés de biens

Bien évidemment ce que nous venons de dire à propos d’un individu est également vrai si on envisage un ensemble de plusieurs personnes.

Leurs profits dépendent des différences entre les prix de vente de leurs biens et les salaires qu’ils doivent payer. Or on doit envisager qu’un producteur est normalement soumis à une situation de concurrence vis-à-vis d’autres producteurs. On doit donc admettre qu’en général les producteurs ne peuvent pas augmenter leurs profits en augmentant leurs prix de vente, de telle sorte que la variation des profits dépend essentiellement de la variation des salaires : l’augmentation des salaires diminue les profits et la diminution des salaires augmente les profits. Il est donc normal de considérer que les salaires et les profits varient en sens inverse les uns des autres.

La déclaration d’Éric Lombard consistant à dire que les salaires sont trop bas par rapport aux revenus du capital est donc contestable puisqu’il est logique qu’il y ait une grande différenciation entre le niveau des salaires et le niveau des revenus du capital. Ceci implique qu’il ne serait absolument pas justifié – et qu’il serait même nuisible – d’adopter une politique économique consistant à diminuer cette différenciation entre les deux types de revenus.

Par ailleurs on pourrait éventuellement défendre l’idée que l’augmentation des salaires permet d’augmenter les demandes de biens et qu’il en résulterait donc une augmentation des ventes par les producteurs et/ou une augmentation des prix de vente et donc des profits. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe des échanges internationaux de telle sorte que le prix des biens est déterminé davantage par les prix mondiaux que par les situations intérieures à la France (par exemple la variation du niveau des salaires).

Compte tenu de ces caractéristiques du fonctionnement des marchés de biens il est tout à fait contestable de penser qu’il faut décider de politiques économiques destinées à agir sur les prix et sur les revenus. Ce sont les besoins et désirs individuels qui déterminent très normalement les caractéristiques des marchés et il n’est pas justifié de vouloir les modifier de manière autoritaire.

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  • “Dans la période qui s’ouvre, on aura deux raisons de distribuer du pouvoir d’achat: l’inflation et la transition écologique, qui nécessitera de payer plus cher certains services de base”

    “Je pense que le capitalisme est déréglé et que la répartition des richesses est trop divergente par rapport à ce qui revient au capital »

    « Trop de revenus sont allés au capital et pas assez au travail. Il me semble qu’il y a un réglage à faire”

    Il se garde bien de s’aventurer à proposer des moyens de « régler » le capitalisme, sachant que les entreprises dont le rendement sur capital a été boosté par un effet de levier résultant d’un endettement à coût quasi-nul seront les premières impactées par l’augmentation des taux consécutive à l’inflation.

  • Pascal Salin gagnerait à être moins abscons.
    A sa décharge, ce n’est pas facile de répondre à une affirmation sans queue ni tête – « les salaires [sont] trop bas par rapport aux revenus du capital » – dont le seul objectif est en réalité d’alourdir la fiscalité du capital.

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