Qwant : il faut débrancher les subventions

Malgré une bonne idée initiale, Qwant montre aussi les lacunes du système français en matière d’innovation.

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Qwant : il faut débrancher les subventions

Publié le 5 février 2022
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Les internautes ont tranché depuis longtemps. Qui utilise aujourd’hui Qwant, le moteur de recherche européen qui fonctionne avec des technologies américaines et des partenaires chinois mais surtout grâce à des subventions 100 % françaises ? Comment en sommes-nous arrivés là ?

Des millions d’euros engloutis

À l’origine les fondateurs ont vendu leur projet comme un produit français (puis européen, sans qu’il ne ne devienne) avec son propre moteur respectueux de la vie privée (sur le papier).

Fleuron de la French tech, pour atteindre la souveraineté technologique, le projet a d’abord été financé par l’État français à travers son principal actionnaire la Caisse des dépôts et consignations et le groupe privé de média allemand Axel Springer.

Mis en ligne en 2013, Qwant annonce ainsi depuis son lancement ne pas tracer ses utilisateurs, ni vendre leurs données personnelles afin de garantir leur vie privée, et se veut neutre dans l’affichage des résultats.

L’entreprise est pourtant au cœur de nombreux paradoxes que j’avais déjà dénoncé par exemple en 2019 :

https://twitter.com/yannmael/status/1130465201977999360

 

Malgré plusieurs dizaines de millions d’euros de subventions pour lui permettre de concurrencer Google, il affiche un déficit chronique et n’a toujours pas rencontré son public alors qu’il est le moteur de recherche par défaut de toutes les administrations.

Les nombreux paradoxes de Qwant

En réalité, bien que surfant sur la vague des scandales relatifs aux atteintes à la vie privée, Qwant n’a jamais réussi son pari et s’appuie majoritairement sur les services de tiers.

Il dépend par exemple à plus de 60 % de Bing, le moteur de recherche de Microsoft, alors qu’il était censé être une alternative souveraine et respectueuse de la vie privée.

Le comble : à l’occasion d’un contôle en 2015, la CNIL avait signifié à Qwant que ses mesures d’anonymisation n’étaient pas suffisantes. Qwant affirme s’être amélioré depuis, mais aucun régulateur ou tiers certificateur n’est en mesure de l’attester. Plus ironique encore, l’entreprise tricolore a demandé en juin 2021 à ses actionnaires d’approuver un prêt d’environ 8 millions d’euros du géant chinois Huawei.

Des zones d’ombre et des pertes considérables répétées

Le 28 janvier, la Lettre A rapportait que l’exécutif corse était décidé à recouvrer la subvention de près de 500 000 euros accordée à Qwant Music en 2017 dans le cadre du fonds européen Feder après la suppression d’une trentaine de postes sur l’Ile de Beauté. Cette filiale était destinée à “créer un index mondial du catalogue musical, un outil pour détecter les talents ». Qwant illustre les lacunes du système d’innovation en Europe et particulièrement en France. Ce système n’est pas adapté au marché numérique. Les institutions publiques qui soutiennent l’innovation ont trop souvent tendance à sur-estimer les business plan au détriment d’une analyse poussée de l’environnement (technologique utilisées, usages, concurrents, cibles…) et des usages en cours.

On finit trop souvent par privilégier une approche normée de l’innovation, de sorte que l’on passera à côté d’une bonne idée, mais qu’on acceptera tous les dossiers biens ficelés. Certaines entreprises en ont même fait leur métier.

À l’heure de la surenchère souverainiste entre les candidats à la présidentielle, il est urgent de s’intéresser sérieusement aux nouvelles grammaires technologiques qui sous-tendent le fonctionnement du monde d’aujourd’hui. Il ne suffit pas de déclarer l’innovation pour qu’elle se produise.

 

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