Une tribune de Génération Libre.
La Caisse des Dépôts, une conception anachronique de l’économie
Le président de la République, le 12 janvier, a promis une diminution du prélèvement de l’État sur le résultat de la Caisse des Dépôts et Consignation (CDC), un cadeau de 3 milliards d’euros. Il a également confié à la vieille dame de la rue de Lille le monopole de la rénovation des bâtiments publics et l’administration du compte personnel d’activité ; les procédures de mise en concurrence sont sans doute suspendues après deux cents ans d’existence. Le 25 août dernier, le président de la République avait déjà annoncé que l’Agence Française de Développement (AFD) allait rejoindre le groupe CDC.
Ces cadeaux, qui s’ajoutent aux rentes dont disposent déjà la CDC, illustrent une conception anachronique de l’économie et de la société dont les hommes politiques français se font les défenseurs. L’État va diminuer son prélèvement sur la CDC pour lui permettre de distribuer des prêts à taux zéro aux collectivités locales, hôpitaux, universités, etc. Un distributeur unique, une clientèle captive, une subvention automatique ; l’État organise une révolution verte centralisée, financée par l’argent public.
L’échec est assuré. Le développement durable passe par un changement des comportements individuels. En centralisant cette responsabilité, le président de la République en exonère le reste de la société. En confiant le financement de travaux publics à la CDC, dont ses filiales d’ingénierie, de maîtrise d’ouvrage, de services aux collectivités locales, etc. se réjouissent déjà, l’État empêche toute compétition. Alors que la révolution verte est partout décentralisée, promue par des startups innovantes, des appels à projets, et des incitations aux ménages et entreprises, l’État crée un nouveau guichet public.
Une gestion des fonds publics nuisible au contribuable
Il est vrai que la CDC inspire au contraire la confiance. À 200 ans, elle n’est sans doute plus très créative mais au moins est-elle préservée de la cupidité contemporaine, de la course aux profits qui caractérise la finance moderne. Sa devise : Foi publique, et le président de la République d’ajouter, le 12 janvier, que la réussite de la Caisse est « la transformation d’une épargne en investissement, du temps court en temps long ».
L’investissement phare de la CDC au cours de dix dernières années est sans doute Dexia, entreprise qu’elle a créée en 1996. Fin 2007, avant le sauvetage public de Dexia, la CDC détenait 12% du capital et trois des administrateurs de la société belge. Selon la Cour des Comptes, « les coûts cumulés liés à Dexia pour les entités publiques françaises sont estimés à 6,618 milliards d’euros ». Cette opération réussie de transformation d’or en plomb ne doit pas rassurer les Français qui sont contraints réglementairement de confier leur épargne à la CDC.
Dexia est loin d’être le seul exemple du manque de rigueur de la CDC dans la gestion des fonds publics. La Cour des Comptes a récemment dénoncé un plan d’attributions gratuites d’actions au sein du groupe CDC qui « s’est traduit pour les personnels intéressés par un effet d’aubaine difficilement justifiable ». « Les sommes versées à titre individuel, en 2013, à onze dirigeants et cadres de CDC Entreprises au titre de leurs rémunérations, des dividendes et du rachat des actions gratuites ont atteint des montants compris entre 452 000 et 705 000 euros ». Loin de mériter la confiance placée en elle, la CDC s’adonne avec l’argent public aux pratiques les plus prédatrices.
Une concurrence déloyale, avec les moyens de la puissance publique
L’administration du compte personnel d’activité fait dans ce contexte figure de simple anachronisme. À l’heure où des millions d’entre nous confient à des entreprises privées ses informations les plus personnelles, il semble qu’une expertise existe dans ce domaine hors du champ de la CDC. Un tel chantier aurait mérité un appel à projet, une réflexion sur les objectifs de ce compte, et évidemment un peu de concurrence et de créativité.
Las, la CDC va organiser un gigantesque chantier informatique, et sans doute le confier à sa filiale CDC Informatique en manque d’activité. Sans cahier des charges de la part de l’État, la conception sera longue et dispendieuse. Des centaines de consultants se substitueront à la réflexion qu’auraient dû mener l’État et les partenaires sociaux. La mise en œuvre sera ruineuse, la CDC Informatique y veillera.
Comme le président de la République l’a souligné dans son discours le 12 janvier, la CDC est depuis deux cents ans au cœur des enjeux de notre société : « le transport au XIXème siècle, la reconstruction du pays après la seconde guerre mondiale, le plan dans les années 60, le développement territorial dans les années 80 ».
L’enjeu aujourd’hui, c’est la concurrence. Supprimons à la CDC les rentes dont elle bénéficie, à commencer par le monopole sur les dépôts des professions réglementées.
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La CDC est un exemple de dérive étatique. Fondée en 1816 pour en gros gérer la dette de l’Etat puis la grande épargne, elle a commencé au XXe siècle à intervenir dans le champ économique, comme des grands chantiers publics.
Mais depuis une trentaine d’années, la CDC et ses filiales est devenu un acteur économique qui bénéficie de privilèges en se finançant via son monopole des dépôts et opérant dans le secteur privé avec des privilèges injustifiables.
Ce n’est pas du colbertisme, mais de l’affairisme sans concurrence ; tout pour aller à la catastrophe lorsque l’Etat, acculé, ruiné, devra faire son inéluctable purge.
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