Hommage à Desmond Tutu, un homme libre

Desmond Tutu fut à la fois, un homme d’Eglise et un défenseur des libertés et des droits humains en Afrique du Sud.

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Hommage à Desmond Tutu, un homme libre

Publié le 29 décembre 2021
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C’est un combattant infatigable de la liberté et de la dignité des Hommes qui vient de s‘éteindre au Cap en Afrique du Sud. Desmond Tutu a eu deux vies, celle d’un homme d’Église et celle d’un activiste inlassable des droits de l’Homme.

Son nom reste attaché à la lutte contre l’inhumanité et les traumatismes du régime de l’apartheid en Afrique du Sud.

Des expériences formatrices

Né en 1931 à Klerksdop en Afrique du Sud dans une famille modeste mais éduquée, il parlait xhosa à la maison et a été élevé dans la foi anglicane. Il a appris l’anglais et l’afrikaans à l’école et a été un élève studieux à la Bantu High School de Johannesbourg. Il a servi dans l’église du Roi Christ de Sophiatown où il a fait une rencontre capitale, celle de Trevor Huddleston, un missionaire anglican qui était l’un des principaux critiques de l’apartheid naissant.

Desmond Tutu a consacré le début de sa vie active à l’enseignement. Il a été en formation au Bantu Normal College de Pretoria où il a eu l’occasion d’organiser un débat auquel participa Nelson Mandela. Il a été ensuite enseignant d’anglais quelques années.

Desmond Tutu n’a pas accepté l’approfondissement de l’apartheid dans le système éducatif causé par le Bantu Education Act et il a résolu de devenir prêtre anglican en 1956. Il a eu l’opportunité de parfaire sa formation au Royaume-Uni entre 1962 et 1966 où il a été impressionné par la liberté d’expression et l’absence de ségrégation. C’est en 1968 que pour la première fois il s’engage contre la politique de l’apartheid.

En août, il a donné un sermon dans lequel il compare les marches anti-aparttheid en Afrique du Sud au Printemps de Prague en Tchécoslovaquie ; en septembre, il se joint au sit-in des étudiants de Fort Hare. Entre 1972 et 1975 il dirige le Theological Education Fund dont le siège était à Londres et dont le périmètre d’activités était l’Afrique, ce qui lui a donné l’occasion de visiter de nombreux pays du continent noir et de mieux appréhender les problématiques africaines.

 

Un homme de foi en lutte contre l’apartheid

C’est dans les années 1970 que Desmond Tutu s’est intéressé à la fois à la théologie de la libération noire d’inspiration afro-américaine et à la théologie africaine, ce qui l’a doté d’outils conceptuels pour aider les Noirs d’Afrique du Sud à sortir du régime d’oppression de l’apartheid. Desmond Tutu s’est tenu à distance du racialisme du BCM ou Black Consciousness Movement et s’est révéle proche du non-racialisme de l’ANC ou African National Congress. Il devait se révéler un des promoteurs de la rainbow nation, expression dont il a eu la paternité et qui désignait une Afrique du Sud multiraciale.

En 1975, Desmond Tutu est devenu évêque de Johannesbourg. Il n’a pas hésité à s’exprimer sur les questions politiques et sociétales en Afrique du Sud. Il s’associa à la campagne de Winnie Mandela contre les dispositions du Terrorism Act en organisant une veillée pour libérer les activistes détenus dans le cadre de cette loi d’exception.

En 1976, il a adressé une lettre au Premier ministre sud-africain Vorster pour le prévenir que le maintien de l’apartheid causerait violences sur violences. Ces propos alarmistes se révélèrent prophétiques puisque les émeutes de Soweto éclatèrent quelques jours plus tard. L’année suivante, il rend un vibrant hommage au Black Consciousness Movement lors de l’enterrement de son leader Steve Biko tué par la police.

Entre 1978 et 1985, Desmond Tutu est devenu le premier secrétaire général noir du South African Council of Churches. Il a réussi à la fois à dynamiser les activités religieuses et à défendre les droits humains dans le cadre de cette association chrétienne. Il a adopté une approche réaliste de la lutte contre l’apartheid et condamné la lutte armée, vouée à un probable échec tout en appelant à une lutte non violente à l’intérieur du pays et à des sanctions économiques à l’extérieur du pays.

En 1981 et 1982, ses tournées internationales lui ont permis d’acquérir une renommée mondiale de défenseur des droits des Noirs sud-africains. En 1984, il a été le second Sud- Africain à recevoir le prix Nobel de la paix après Albert Luthuli, chef de l’ANC, en 1960. En 1985, il est devenu le premier évêque noir de Johannesbourg et en 1986 le premier archevêque noir du Cap. En 1987, il a appelé les Églises à défendre les droits humains sur tout le continent au cours de son discours à la Conférence panafricaine des Églises.

 

Un  artisan de la fin apaisée de l’apartheid

Tutu est resté impliqué dans les actions de désobéissance civile à la fin des années 1980 en Afrique du Sud. En septembre 1989 au Cap, il a organisé une marche réunissant plus de 30 000 personnes noires et blanches afin de demander la fin de l’apartheid.

En février 1990, Desmond Tutu a accueilli Nelson Mandela après sa libération dans sa résidence épiscopale où l’ancien prisonnier a passé sa première nuit d’homme libre. Quelques jours après, en présence de son illustre hôte, Desmond Tutu a appelé à la fin des sanctions, à l’abandon de la violence de la part des groupes anti apartheid et à la désaffiliation des hommes d’Église des mouvements politiques au cours du synode des évêques anglicans.

En mars 1990 à Ulundi, puis en novembre 1990 à Bishopscourt, il a joué le rôle d’arbitre entre l’ANC de Mandela et l’Inkatha de Buthelezi afin d’éviter les violences entre les groupes anti apartheid. Son rêve  d’une transition pacifique de l’Afrique du Sud d’une dictature raciale vers une démocratie multiraciale s’est réalisé avec l’élection présidentielle de Nelson Mandela en avril 1994. C’est avec une grande joie qu’il a assisté à sa cérémonie d’investiture.

Desmond Tutu a dirigé les travaux de la Commission Vérité et Réconciliation entre 1996 et 1998. Pour ce faire, il a proposé une procédure en trois étapes :

  1. Reconnaissance de crimes par leurs auteurs
  2. Pardon officiel sous la forme d’une amnistie légale
  3. Mise en œuvre de la justice restauratrice avec la demande de pardon des auteurs de crimes à leurs victimes et à leurs familles

 

Les auditions télévisées ont eu un profond impact sur la société sud-africaine. Tutu a mené les auditions des crimes avoués par les membres du régime de l’apartheid comme par les militants des groupes anti apartheid.

 

La poursuite de combats

Desmond Tutu a consacré les vingt dernières années de sa vie à la défense des droits humains dans le monde entier. Il a mené des combats sociétaux, a été un ardent avocat des droits des homosexuels. C’est ainsi qu’il a appelé l’Église anglicane à reconnaître les mariages de personnes du même sexe.

Il a fait du combat pour les malades du sida une de ses priorités, en abjurant les États occidentaux et les groupes pharmaceutiques à baisser les prix des traitements contre cette maladie. Son ultime engagement a été sa défense du droit à mourir dignement. Il a également continué aussi ses combats politiques à l’échelle de la planète.

Il a été un critique passionné de la soi-disant guerre contre la terreur. En février 2003, il a pris part à une manifestation contre la guerre en Irak voulue par les USA. En 2005, il a condamné les détentions sans procès de prisonniers sur la base américaine de Guantanamo. Il s’est montré aussi partisan des droits de peuples ou communautés tels que les Palestiniens au Proche Orient dès les années 1980, les Tibétains en Asie de l’Est dans les années 2000, ou les Rohingya en Asie du Sud-Est dans les années 2010.

Desmond Tutu a été ainsi un infatigable combattant qui, au nom d’une foi universaliste et d’une vision humaniste, a tout mis en œuvre pour démanteler le régime raciste de l’apartheid et préparer l’émergence d’une Afrique du Sud multiraciale, la rainbow nation qu’il appelait de ses vœux de manière visionnaire au début des années 1980. L’Afrique du Sud actuelle n’aurait pas existé sans l’activité inlassable de son promoteur passionné, feu Desmond Tutu.

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  • Un homme libre d’être un antisémite notoire.

    • Quant à vous, vous êtes libre de diffamer une personne décédée sans l’ombre d’une source… Ah pardon, parce qu’il a osé défendre les Palestiniens contre le colonialisme israélien ?

      -1
      • Quant à vous, qui vous permet de me qualifier de diffamateur ?
        J’ai l’habitude de ne rien écrire sans preuve.
        Les déclarations de Desmond Tutu sont nombreuses. Il suffit de regarder sa page Wikipedia en français, qui est fort bien documentée (références en bas), ou de rechercher sur internet.
        La sympathie pour les palestiniens ne saurait justifier le négationnisme.

      • En réalité les 6,7 millions d’individus d’origine juive du seul état de droit prospère et démocratique de la région sont entouré de 140 millions de musulmans qui leur ont fait 3 guerres meurtrières et l’état « palestinien » un des plus aidés et corrompu au monde laisse son peuple mourir de misère pendant que 2 millions de « palestiniens » (surnommés les « Arabes de 58 » par les autres) vivent en Israël où ils ont plus de droits et de libertés que dans n’importe lequel des 34 pays de droit musulmans.
        .
        Les cadastres fin 19ème sont clairs : cette région au climat désertique était quasiment vide et Jérusalem quasi désertée tombait en ruine. Les « palestiniens » sont en réalité des égyptiens, des syriens, des jordaniens attirés par les travaux de valorisation des premiers migrants juifs du début du 20ème siècle, la natalité a fait le reste.
        .
        Pendant que les musulmans maltraitaient et expulsaient tous les juifs ou autres communautés religieuse de leurs pays tout en se faisant des guerres qui ont fait 6170% plus de morts que le « conflit israélien/palestinien », la gauche qui a toujours été antisémite regardait ailleurs pour ne se focaliser que sur ce mensonge de la « colonisation » juive.
        .
        Pire, dans les pays arabes, les « palestiniens » sont traités comme des parias ou ils ont moins de droits et de libertés encore que les autres. Ils ont bombardés leurs camps (Jordanie), les ont expulsés et massacrés (Syrie, Jordanie, Libye, Koweït, Irak), et les enferment dans des camps ou ils leur dénient la citoyenneté du pays depuis 60 ans (décret 1547 de la Ligue arabe de 1959).
        « Pas vu » par la gauche…

  • « L’Afrique du Sud actuelle » s’enfonce dans la violence, la corruption, l’emploi public et une nette dégradation de la situation des plus pauvres dans le silence gêné (ou pas) des « humanistes ».
    .
    C’est aux Africains et à eux seuls de trouver leur équilibre et c’est notre devoir de libéraux de les laisser en paix que ce soit dans les actes ou dans les écrits. Ce n’est pas en faisant semblant de ne pas voir les choses et en exerçant des violences contre un pays qui ne se comporte pas correctement selon une « morale » qui refuse de voir les réalités que la situation des individus va s’améliorer.
    .
    Desmond Tutu était certainement un brave homme, mais c’était aussi un gauchiste exemplaire et un gauchiste c’est quelqu’un qui défend 30% des opprimés du monde et « ignore » superbement les autres, qu’ils soient victimes des politiques de gauche ou pas du « bon » groupe humain.

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