Libérons la culture !

Les subventions sont des moyens politiques de pression et de censure. Plutôt que donner des subventions à la culture, libérons la.

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Libérons la culture !

Publié le 10 décembre 2021
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Par Nathalie MP Meyer.

Souvenir de mon adolescence. Je suis en classe de première. En cet automne 1977, notre ville est en pleine effervescence car la pièce de Victor Hugo Hernani va être créée au Centre d’action culturelle local avant de poursuivre sa carrière à Paris. Effervescence littéraire, bien sûr, pour la plupart des spectateurs, et aussi pour nous, les élèves, car notre géniale et adorable professeur de Français a eu l’heureuse idée de nous faire assister à une représentation.

La censure politique de la culture

Mais effervescence politique également, car très rapidement, de bruyants appels à l’annulation du projet ont commencé à se faire entendre depuis le fin fond de la gauche de l’époque au motif que, comme vous le savez certainement, Hernani est une pièce effroyablement « bourgeoise » et il est incompréhensible qu’elle puisse être donnée dans la salle… publique d’une ville… socialiste avec l’aide d’un metteur en scène… communiste !

La situation a vite tourné au burlesque. Dans mon souvenir, c’est finalement le metteur en scène lui-même qui a sifflé la fin de la récré en disant qu’il adorait Hugo, que la pièce était pour lui un monument du répertoire empreint de modernité, et que rien ne l’empêcherait de la monter, point.

Cela me rappelle la stupeur catastrophée du peintre Hervé Di Rosa quand des militants antiracistes ont dénoncé en 2019 la « banalisation du racisme à l’Assemblée nationale ». En cause, une de ses toiles célébrant la première abolition législative de l’esclavage exposée à l’Assemblée nationale. Cœur de la polémique, les « lèvres surdimensionnées » des esclaves nous ramèneraient honteusement à une « vision humiliante et déshumanisante » des Noirs.

Quand on sait d’une part que le graphisme incriminé est typique du travail de l’artiste depuis des années, et d’autre part que Di Rosa est lui-même un militant antiraciste engagé à gauche, on mesure à quel point la course à la vertu progressiste a touché le point de non-retour du ridicule le plus achevé.

Dans le même ordre d’idée, des catholiques pas très au fait de la notion de liberté d’expression ont empêché cette semaine la tenue d’un concert de musique post-métal nécessitant un orgue qui devait avoir lieu dans une église de Nantes. L’ironie de la chose réside dans l’accord qui avait été donné par l’évêché et dans le fait que la musicienne, accusée de pratiquer une musique sataniste, n’avait pas prévu de paroles dans le spectacle empêché.

Si je repense à tout cela, c’est aussi parce que j’ai lu récemment dans la presse que le contrat de Borja Sitja, directeur du Théâtre de l’Archipel – scène nationale de Perpignan, n’avait pas été renouvelé par le conseil d’administration du lieu.

Le RN à Perpignan et sa relation avec la culture

Vous n’êtes pas sans savoir que la ville de Perpignan était gérée par Les Républicains jusqu’aux dernières élections municipales de juin 2020, date à laquelle Louis Aliot, également vice-Président du Rassemblement national (RN), leur a ravi la mairie. Et vous n’êtes pas sans savoir non plus qu’entre le monde de la culture et le RN, les relations ne sont pas des plus apaisées.

Il était donc « tout naturel » pour Borja Sitja de dénoncer immédiatement une mise à l’écart strictement politique, une cabale orchestrée contre lui sans raison, par pure hostilité d’une mairie clairement engagée dans un processus de censure artistique :

Il s’agit d’une attaque menée par le RN contre le service public et contre la culture.

Le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) n’a pas tardé à renchérir sur le même ton :

C’est la tête de Sitja qui a été coupée par la ville et son maire, Louis Aliot. Nous sommes interloqués par cette décision violente et unilatérale.

Mais vous vous doutez bien que la réalité est beaucoup plus complexe que cela et qu’elle mérite quelques explications et nuances.

Commençons par dire que Louis Aliot a donné les verges pour se faire battre. En juillet 2020, lors de son premier Conseil municipal, il a profité de l’émotion provoquée par la mesure d’augmentation de son salaire de maire de 17 % de plus que son prédécesseur pour nommer sa compagne artiste peintre au conseil d’administration du Théâtre de l’Archipel. Ça commençait mal. Devant le tollé, il a dû faire machine arrière peu de temps après. Mais disons que cela ne risquait pas d’amadouer les milieux culturels en sa faveur.

La subvention de la culture : un problème financier et politique

Pour en revenir plus directement à notre affaire, il faut savoir que le conseil d’administration du théâtre comprend seize membres représentant la commune (8), la communauté urbaine de Perpignan (1), la région socialiste Occitanie (3), l’État (3) et le personnel du théâtre (1). Or seules deux voix, appartenant à deux représentants de l’État sur trois, se sont exprimées positivement pour la reconduction du directeur. Les représentants de la ville ont voté contre mais, plus inattendu, ceux de la région ainsi que le représentant du personnel se sont abstenus.

Il s’avère finalement que ce vote négatif n’a pas été motivé le moins du monde par le projet artistique de Borja Sitja, mais par une série de dysfonctionnements en matière financière et en matière de souffrance au travail qui existaient avant l’arrivée de M. Aliot à la mairie et qui avaient donné lieu à des enquêtes diligentées dès 2019.

Pour le Syndeac néanmoins, la région a fait montre en cette occasion d’une détestable collusion culturelle avec le RN :

L’abstention de la région Occitanie lors du Conseil d’administration constitue un renoncement à l’ambition culturelle régionale, par cet appui contre-nature à l’équipe municipale dirigée par le RN.

Et de se lamenter ensuite sur les coupes budgétaires et les entorses à la liberté artistique que certaines collectivités territoriales pratiqueraient de plus en plus à l’encontre de lieux bénéficiant de labels nationaux comme c’est le cas du Théâtre de l’Archipel. Bref, estime le syndicat, la non-reconduction de Borja Sitja est typique des attaques incessantes subies de plus en plus souvent par « le modèle de la décentralisation culturelle ».

Dans une logique qui ne manquera pas de vous faire sourire, le même syndicat s’est empressé ensuite de réclamer « l’intervention et l’arbitrage de Roselyne Bachelot, pour ne pas laisser aux collectivités locales un tout-pouvoir dangereux » ! Il faudrait donc que la puissance étatique représentée par la ministre de la Culture impose la décentralisation culturelle par dirigisme centralisé sur les subventions et les choix artistiques.

Autrement dit, la liberté artistique selon le monde de la culture subventionnée consiste à exiger des enveloppes financières dodues prises dans la poche des contribuables sans avoir à rendre le moindre compte en retour. L’appel à Mme Bachelot est très significatif de l’oreille attentive et compatissante que cette dernière doit sans nul doute prêter aux insistantes revendications des artistes.

Que ceux-ci n’aient pas envie de justifier leur art, je le comprends très bien. Qu’ils veuillent disposer à leur gré de leurs capacités de création, parfait. Qu’ils souhaitent échapper à des décisions politiques concernant leurs œuvres, fort bien – même si certains artistes passent leur temps à politiser leurs travaux et se plaignent ensuite d’être incompris ou censurés.

Mais dans ce cas, qu’ils cessent de penser que la collectivité doit obligatoirement les soutenir via des subventions qui leur seraient dues en vertu de leur seul statut d’artiste et des relations dont ils disposent dans les milieux de la rue de Valois. Qu’ils s’interrogent plutôt sur ce paradoxe de l’exception culturelle française qui fait que l’art déployé sur nos scènes nationales est si subtilement qualitatif qu’il faut le subventionner lourdement pour le faire vivre.

Et qu’ils soient au contraire prêts à accepter que leurs créations puissent plaire… ou pas. Qu’ils soient prêts à trouver des acheteurs, des mécènes, des producteurs, des directeurs de théâtre privés qui leur apporteront leur soutien financier en fonction de l’intérêt de leurs créations.

Car une subvention est une somme d’argent prélevée par l’impôt auprès des entreprises et des particuliers assujettis pour être ensuite dépensée selon des fins sociales et économiques décidées par l’État. Les mêmes sommes pourraient être laissées à la discrétion des contribuables afin qu’ils en disposent selon leurs préférences, mais le système lourdement redistributeur actuel opère une canalisation étroite des fonds disponibles dans l’unique direction des projets validés par l’État.

Et c’est ainsi que les contribuables se retrouvent à financer sans le vouloir des œuvres d’art ou des spectacles (dont certains d’une indigence affligeante) dont rien ne dit qu’ils les auraient achetés si on leur avait laissé le choix.

En réalité, les subventions à la culture – idem pour la presse, les entreprises, les particuliers – ne sont pas des aides. Ce sont d’abord des arguments électoraux, ce sont ensuite des renvois d’ascenseurs et des instruments de servilité, ce sont au bout du compte des moyens politiques de pression et de censure.

Bref, libérons la culture, libérons la création, retrouvons le respect de la liberté d’expression, seule façon de respecter à la fois le génie créatif des artistes et les choix du public.

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  • subjectivité interdite…

    On a le droit fondamental de ne pas apprécier quelque oeuvre que ce soit au point de lui nier ce ridicule statut d’art. Etre traité de rustre ne m’a jamais gêné plus que ça, mais j’en ai assez de payer des gens pour m’insulter.

    j’ai autant de respect pour une personne qui me dit que je n’ai pas le sens du beau que pour un gastronome qui me dit que je ne sais pas ce qui est bon et que « ça doit se manger comme ça »..

    nous sommes des êtres sociaux terrorisés par l’idée de commettre un impair qui nous singularise des autres et dans tous les groupes humains emergent des « cultures ».. beaucoup apprécient la servitude et l’existence de hiérarchies qui défient le sens commun…le beau le bon sorte sont subjectifs.

    en soi rien de mal ..mais la culture devient alors un facteur d’immobilité et une terrible force réactionnaire..

  • Ben moi aussi ça me gonfle de voir une troupe en calbutte se tortiller sur scène devant un parterre d’invités venus pour les petits fours à l’entracte, tout cela payé par mes impôts (hé oui, on peut en payer, des RSA avec mes contributions).

    J’aimerai préciser que tous les aménagements faits dans ma maison pour mon épouse handicapée sur 30 ans ont été ENTIEREMENT payés de ma poche;
     » vous comprenez mon bon monsieur, vous gagnez plus que le ‘plafond de la sécu’… »

  • Une énorme partie des activités culturelles disparaîtrait s’il n’y avait plus de subventions. Car ces « oeuvres culturelles » ne sont là que pour nourrir des pseudo artistes gauchistes. Et selon nos élus, la culture, c’est comme l’écologie, ça doit être de gauche ou ce n’est pas de la culture.
    Les artistes adorent la France. Sans le sous, ils sont largement subventionnés. Dès qu’ils deviennent célèbres, ils se dépêchent d’aller s’installer en Suisse. Pas fous, il est hors de question qu’ils remboursent ce que l’État (nos impôts) a investi sur eux ou même aider les autres artistes en devenir. Même chose chez les sportifs.
    Ne parlons pas du système de chômage des intermittents du spectacle. Vivement que ce régime soit appliqué à l’industrie, ça va tripler les vocations pour l’industrie ! Même les fonctionnaires vont démissionner pour y « travailler » !
    Les subventions, quel que soient les domaines où elles sont attribuées sont une plaie car elles sont uniquement politiques. Et coûtent une fortune en Impôt.

  • Du pain du vin des jeux et du sexe, c’est une vieille histoire pour maintenir la paix du peuple. Et cela a marché très fort. Revenons un peu sur les besoins fondamentaux tels que si bien décrits par Maslow et sa pyramide. La grande société de consommation a fait croire au peuple que la culture c’était la consommation, alors que ce ne sont que des pratiques culturelles commerçantes. Un petit recul de consommation induit ainsi des coûts et faillites avec des conséquences humaines qu’il faut réduire à acceptables. L’histoire de l’homme nous apprends que l’homme n’a rien appris de son histoire. Il serait temps de pensez à se satisfaire du beaucoup que l’on a. Pour ceux qui ont voyagé dans le monde, et ils sont nombreux !, ont-ils eu les yeux ouverts sur les conditions de vie dans d’autres pays. Stop aux choses inutiles et aux revendications et aux privilèges des fonctionnaires qui veulent encore plus. Stop aux constructions inutiles ou d’utilité éphémère, surtout payées par l’impôt. La solidarité est de rigueur, surtout en temps difficile. Une de plus est demandée, soutien à la culture entre autres. Aux uns on veut supprimer les ressources, paysans pollueurs, les autres confondent les produits de l’industrie du divertissement en nommant CULTURE ces pratiques sociales et culturelles, la grande société de consommation, comme se saouler au bistrot ! Après tout il s’agit bien de cela, culture de patates et attraper les mouches dans les concerts. Ces gens qui demandent la solidarité sont-ils solidaires pour augmenter le niveau de vie des salariés et retraités du privé en renonçant au privilèges royaux comme le statut de fonctionnaire et aux caisses de retraites faramineuses qu’ils refusent d’aligner à celles du privé. Ce doit être la cuculuture.

  • Excellent !

    Le problème de la culture et de l’art est bien sûr complexe, mais la mise en perspective de l’absurdité est édifiante.

  • Quand le grand Louis JOUVET programmait la pièce d’un jeune auteur dans son théâtre de l’Athénée, il savait qu’il allait perdre de l’argent, mais il prenait le risque s’il croyait dans le talent de l’auteur. Pas de subventions, à l’époque, mais il lui suffisait de programmer « Knock » pour se refaire une santé financière.

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