Banques centrales et inflation : des droits sans les devoirs

Le retour de l’inflation rappelle à nos Banques centrales et gouvernants qu’ils ont des droits mais aussi des devoirs : assurer que leurs promesses soient solvables.

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Banques centrales et inflation : des droits sans les devoirs

Publié le 20 octobre 2021
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Par Karl Eychenne.

Abruties par 40 ans de baisse de l’inflation, nos autorités ont imaginé toutes sortes d’objets bizarres puisqu’aucun n’a semblé nuisible. Parmi ces objets, le plus tordu a été celui de monnaie — dette à tout faire, rien à voir avec le chèque sans provision (dit-on). Il s’agit d’un genre de prise branchée sur elle-même, où l’on ne sait plus trop si c’est la Banque centrale qui crée de la monnaie pour financer la dette de l’État, ou si c’est l’État qui s’endette pour que la Banque centrale ait de quoi acheter les titres avec la monnaie qu’elle crée.

Quand la politique des Banques centrales contribue à l’inflation

On obtient un programme qui tourne en boucle, qui n’a aucune raison de s’arrêter un jour : toujours plus de monnaie pour financer toujours plus de dette, qui justifie de créer encore plus de monnaie pour financer encore plus de dettes… Ce petit manège peut donc durer une éternité, sauf si quelqu’un appuie sur la touche Echap. Dans notre cas précis, Echap est l’inflation. Seul le retour de l’inflation permet alors de débugger le programme monnaie-dette.

En effet, avec le retour de l’inflation, la Banque centrale est alors sommée de pratiquer une politique moins accommodante, en réduisant sa création monétaire et/puis en remontant ses taux. De son côté, l’État est alors contraint de réduire un endettement devenu plus coûteux (taux plus haut), et qui a perdu son meilleur prêteur, la Banque centrale.

Or il semble bien que nous soyons dans cet instant décisif.

En effet, il n’aura échappé à personne que les prix ont la fièvre. L’inflation post-covid est bien plus forte et plus tenace qu’anticipée. Et même si la fin de l’histoire nous promet une inflation transitoire (thèse officielle des Banques centrales), l’expérience présente est tout de même suffisante pour nous rappeler un principe simple : le grand argentier (Banque centrale) et le grand horloger (gouvernement) ont des droits mais aussi des devoirs, tout comme le pékin moyen.

La Banque centrale a le droit de contrôler le coût de l’argent. Mais elle a aussi le devoir d’indexer plus ou moins ce coût de l’argent à l’évolution des prix afin que la machine économique ne s’emballe pas, que des projets non rentables ne voient pas le jour, que les marchés financiers ne promettent pas plus de rendements qu’ils ne pourraient réaliser.

Le gouvernement a le droit de contribuer au bien vivre ensemble. Mais il a aussi le devoir d’indexer plus ou moins sa contribution à l’équilibre de ses finances, afin que la dette publique ne s’envole pas, reste supportable par des générations futures qui n’ont aucune raison de supporter nos errances. En résumé que la dette ne soit pas une vaine promesse.

Les Banques centrales devraient se rappeler qu’elles ont des devoirs

Ainsi, en théorie, la Banque centrale et le gouvernement ne peuvent pas faire n’importe quoi, comme s’ils n’avaient que des droits mais pas de devoirs. La politique monétaire ne peut pas être trop laxiste, la politique budgétaire idem. Les devoirs sont perçus comme des garde-fous aux droits qui sont accordés aux politiques. C’est ainsi que les politiques comme les super héros doivent faire un usage éclairé de leurs grands pouvoirs qui leur donnent aussi de grandes responsabilités, comme nous le rappelle Spiderman…

Le retour transitoire ou pas de l’inflation n’a donc pas que des incidences sur le pouvoir d’achat de tout un chacun. Elle en a aussi sur le pouvoir d’achat de nos autorités, afin de financer leurs achats d’actifs (Banque centrale) et de financer les promesses budgétaires (gouvernement). Sans risque inflationniste, les limites du raisonnable étaient probablement plus floues.

Espérons que Romain Gary avait tort : « avec l’absence d’inflation, la monnaie – dette à tout faire vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais », (vraie fausse citation modifiée pour les besoins de la cause).

 

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  • « assurer la stabilité des prix »…soit tordre un peu beaucoup à la folie tous les marchés..

  • Une économie ne peut fonctionner que si la confiance règne du point de vue de la monnaie. C’est pour cela que la mission des banques centrales est critique.

    En réalité, cela fait deux décennies qu’elles laissent la valeur de la monnaie dériver dangereusement, avec une hyperinflation des prix des actifs financiers et immobiliers qui euthanasie les épargnants des jeunes générations et pressure significativement le budget des classes moyennes et populaires. Et certains de regarder avec dédain des mouvements comme les gilets jaunes !

    Effectivement, il est possible que nous soyons arrivés à un moment clé. Non seulement, l’hyperinflation des actifs a accéléré depuis la crise COVID – et de manière totalement absurde. Mais en plus, nous générons désormais de l’inflation au niveau des biens et services, les déficits publics hors de contrôle venant s’entrechoquer avec des problématiques de chaînes de production qui seront complexes à résoudre (et la Chine le veut-elle ?).

    Les banques centrales ont-elles pris la mesure de ce qui était en train de se produire ? Pas si sûr. À la BCE comme à la Fed, il y a en haut de la pyramide des personnalités essentiellement « politiques », qui sont principalement là pour que la musique soit jouée le plus longtemps possible. Leur principal axe de communication : le « bullshit ». On pourrait même aller plus loin en affirmant que la seule chose qui préoccupe réellement la Réserve Fédérale, c’est la valeur du S&P 500.

    Dans ce contexte, inutile de s’étonner que l’Occident soit sur le déclin. Mais ça n’empêchera pas certains de continuer à penser en France comme aux Etats-Unis que la bourse ou l’immobilier vont les rendre riches, comme s’il était possible de créer des trillions de dollar de richesses à partir de rien.

    La grande désillusion arrive.

  • Tout cela est expliqué avec clarté et une jolie plume, bravo et merci !

  • Nous arrivons à la fin de l' » open bar « .
    Ça va commencer à chauffer pour nos politiciens quand les taux vont monter à 3 ou 4%. Avec une telle dette à rembourser, on va immédiatement être éjectés de l’Euro et peut-être même de l’Europe.
    Les Allemands ou les hollandais ou autres pays du Nord ne sont pas prêts à payer le RSA ou les fonctionnaires communistes français à ne rien faire !

  • « L’inflation, c’est financer des dépenses qui ne rapportent rien avec de l’argent qui n’existe pas » – citation attribuée à Jacques Rueff par Ch. Gave

    Et qui paie la note, au final ? En premier lieu les épargnants. Et l’euthanasie du rentier chère à Keynes se réalise. Faire tourner la planche à billets est une pratique socialiste visant à déposséder les propriétaires, à s’attaquer ainsi au droit de propriété, une de nos libertés fondamentales.
    L’économie est une chose trop sérieuse pour être confiée à des politiciens.

  • Il manque l’essentiel : les banques centrales n’ont aucune légitimité, ni démocratique ni d’utilité.

  • Je suis toujours stupéfait que les gens – y compris des professionnels de la finance – gobent le pataquès que les banques et les Etats, avec la complicité des économistes keynesiens, ont inventé pour camoufler leurs agissements.
    Par exemple, la « monnaie-dette », surtout sous la forme « monétiser la dette ». Comme les dettes existaient d’abord, et qu’on les transformait ensuite en monnaie. Alors que dans la réalité, les banques commencent par créer de la monnaie (ex nihilo, comme on dit), la donnent à quelqu’un (surtout les Etats) puis demandent qu’elle leur soit remboursée, ce qui se traduit par une dette totalement artificielle puisque cette monnaie ne leur a rien coûté.

    Il peut y avoir des cas exceptionnels, par exemple la pandémie, où la création de monnaie est bénéfique. Mais demander le remboursement, c’est à la fois scandaleux et maléfique car ça créera beaucoup plus de problèmes que ça n’en résoudra.

    • Comme SI les dettes existaient d’abord, bien sûr

    • Désolé de dire que sans la concertation de toutes les banques mondiales pour faire pareil, la création monétaire abouti de fait à une dévaluation par rapport aux autres monnaies. Ça abouti également à une fuite des capitaux qui vont se rémunérer et protéger ailleurs.
      Qui dit augmentation de la masse monétaire dit également inflation et le fly to quality et donc appauvrissement des épargnants, renchérissement des matières importés, de certains produits échangeables.
      Le jeu des banques centrales n’est donc pas anodin. C’est le dernier qui arrête qui a perdu.

      L’argent magique ça n’existe pas. Tous les rois, empereurs, dictateurs depuis 2000 ans l’ont expérimentés et ce qui a provoqué des révolutions.

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