Être humain, pleinement, d’Axel Kahn

Le professeur Axel Kahn est décédé. Retour sur ces réflexions sur la vie d’homme, de généticien, puis de « chemineau » d’Axel Kahn.

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Être humain, pleinement, d’Axel Kahn

Publié le 6 juillet 2021
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Par Francis Richard.

Qu’est-ce qu’Être humain, pleinement ?

Vaste question, à laquelle Axel Kahn tente de répondre dans cet essai à partir d’un apologue plausible, qui sert de fil conducteur au livre pour transmettre les réflexions auxquelles sa vie d’homme, de généticien, puis de chemineau, l’ont conduit.

L’auteur imagine en effet une famille composée d’un père, d’une mère, de deux jumelles, qui vivent dans la partie indonésienne de Bornéo et sont de religion musulmane. Le père, Ahmad, est médecin. La mère, Purwanti, est une jeune infirmière. Ils ont ensemble deux filles, deux vraies jumelles, Dewi et Eka.

L’incendie

Le malheur s’abat sur eux sous la forme d’un incendie qui ravage leur maison alors que leurs deux jumelles n’ont que quelques mois. Ahmad retourne dans le brasier et sauve d’abord Dewi, puis Eka. Mais pour sauver celle-ci, il est obligé de sortir de la maison par derrière, où il est retrouvé mort, seul, bien plus tard.

On pense qu’Eka est morte dans l’incendie, alors qu’elle a été emportée par une femelle orang-outan qui venait de perdre un petit. Le destin des deux jumelles va complètement diverger alors qu’elles sont pourtant les deux individus d’un clone unique. Elles n’ont pas en effet bénéficié du même environnement.

Dewi va devenir une grande scientifique et recevoir à quelque quarante ans le prix Nobel de physiologie et de médecine. Eka va être retrouvée nue, à environ dix ans, en bordure de la grande forêt d’un parc de Bornéo et mourir jeune : son quotient intellectuel ne dépassera jamais celui d’un enfant de trois à quatre ans.

De quoi a besoin l’être humain ?

À partir de cet apologue l’auteur se pose la question : de quoi avons-nous besoin, au juste, pour être humain, pleinement ? Et pour y répondre, il examine comment un être humain se bâtit, comment il s’épanouit, comment il donne un sens à sa vie, à travers ses projets, ses ambitions et sa conception du bonheur.

Pour se bâtir, il faut être en contact avec les autres :

« Dewi, comme tout être humain, n’a pu en arriver à exprimer toutes ses potentialités que grâce à des échanges permanents avec des semblables, mère, famille, maître, amis, la société en général. La dépendance vis-à-vis d’autrui pour devenir soi est absolue. »

Pour s’épanouir l’être humain suit de multiples voies : l’amitié, l’amour, la maternité, être parent, la spiritualité, la religion, la pensée, le travail, la beauté :

« Le sentiment de beauté possède nécessairement des fondements universels et d’autres qui dépendent des cultures, des modes et des itinéraires individuels. »

Le rôle de l’autre

Pour donner un sens à sa vie, l’auteur, agnostique, sait qu’il ne peut se passer de l’autre, comme tout être humain :

« L’autre est, comme pour l’édification de soi, la seule référence solide pour parvenir à apporter une réponse rationnelle à la question du sens à donner soi-même à une existence qui en est dépourvue. »

Sans doute est-ce pourquoi Axel Kahn écrit, fasciné par le proverbe gitan affirmant que toute richesse qui n’est ni donnée ni partagée est perdue :

« Pour moi, écrire est devenu un besoin ardent, une pièce centrale de mes projets qui participe […] à cet enrichissement personnel dont la justification est la disponibilité des richesses ainsi accumulées pour quiconque désire s’en saisir. »

Le lecteur désireux de se saisir de ces richesses, qui sont autant de biens de l’esprit, plongera volontiers dans ce livre dense, écrit par un être pleinement humain, et en fera son miel, c’est-à-dire en tirera une quintessence toute personnelle.

Axel Kahn, Être humain, pleinement, éditions Stock, 252 pages.

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  • « Pour donner un sens à sa vie, l’auteur, agnostique, sait qu’il ne peut se passer de l’autre, comme tout être humain : L’autre est, comme pour l’édification de soi, la seule référence solide pour parvenir à apporter une réponse rationnelle à la question du sens à donner soi-même à une existence qui en est dépourvue. »
    Bravo !

    • @nibor « rationnel » ? curieux pour un scientifique . Rationnel aujourd’hui , réfuté demain . L’homme est justement irrationnel , c’est même le propre de l’homme

  • L’homme dispose de tous les niveaux d’organisation du vivant (Henri Atlan), mais, en plus, le niveau spécifique du langage articulé, et sa conséquence, l’aptitude à créer des cultures, bien commun des groupes qui l’utilisent. Langage et culture se transmettent par leur usage, et non par les gènes.
    Ça n’a pas empêché des humains de se poser la question de leur existence, du pourquoi et du comment ils se trouvent, seuls, dans un monde grouillant. Ne pouvant concevoir, mentalement, leur mort, l’animisme a été leur première solution et leur premier culte. Ce qui a suivi n’a été que complexification de cette première solution.

  • J’aime assez peu Axel Khan, qui concentre toutes les pensées des bobos socialistes parisiens, même si c’est plus fouillé/argumenté que chez son frère.

    D’après ce que je lis de cet article, on y retrouve un thème cher à ces gens (et à Axel Khan), cad, sans que cela soit écrit noir sur blanc, le solidarisme.

  • Pour donner un sens à sa vie et s’épanouir comme tel, l’être humain ne peut se passer d’autres êtres humains, mais pas toujours et pas pour n’importe quoi.
    De même, toute richesse est destinée à être partagée, mais pas toujours intégralement, pas tout le temps et pas avec n’importe qui.
    Etre riche, c’est avoir quelque chose à partager avec la liberté de choisir quoi, quand, comment, avec qui et pourquoi (pour quel usage, dans quel but, pour quelle finalité). La richesse ouvre donc à celui qui la détient la possibilité d’un partage librement consenti sous conditions.
    Les tenants d’un partage inconditionnel des richesses n’ont, par définition, rien à partager puisque ce qui passe dans leurs mains doit être disponible pour quiconque désire s’en saisir. Ce qui leur reste est donc ce dont personne ne veut, autrement dit de l’anti-richesse comme on dirait de l’antimatière, en d’autres termes un « trou noir » destructeur de matière (ce pourquoi personne n’en veut).

    Citer un proverbe gitan affirmant que « toute richesse qui n’est ni donnée ni partagée est perdue » pour enchaîner sur l’affirmation selon laquelle écrire participerait à « un enrichissement personnel dont la justification serait la disponibilité des richesses ainsi accumulées pour quiconque désire s’en saisir » est d’une rare malhonnêteté intellectuelle. En effet, l’enrichissement personnel si généreusement mis ainsi à disposition d’autrui n’est qu’une pseudo richesse intellectuelle, autrement dit de la monnaie de singe. Le problème avec l’humain, c’est qu’il oublie parfois qu’il n’est souvent qu’un singe nu, ou qu’il tente de le faire oublier.

    Créer de la richesse pour la partager sous conditions librement consenties, c’est humain. Par contre, promouvoir la création de richesses pour les mettre à disposition de quiconque désire s’en saisir, revient à poursuivre un idéal communiste qui tournerait vite au cauchemar inhumain de création d’anti-richesses.

  • Il y a une erreur fondamentale. Eka ne peut avoir un QI d’enfant en bas âge, puisqu’elle est humaine et que son esprit se développe avec l’âge. Elle ne saura pas parler, ni lire ni écrire et n’aura pas de culture, mais aura l’intelligence de tout être humain! Les gens ont trop tendance à confondre savoir qui ne demande qu’une bonne mémoire et intelligence qui est faire preuve de réflexion!

  • « toute richesse qui n’est ni donnée ni partagée est perdue » J’avoue que cette maxime est bien pratique pour un gitan ou un communiste 😀 ! Personnellement en bonne libérale je préfère donner ou partager à qui je veux , c’est bien ce qui manque à l’adage et où le bât blesse . Et en tant que chrétienne je médite la parabole des talents . Par ailleurs Axel K oublie ce qui pour moi est le propre de l’homme : l’homme est avant tout un créateur . Il est étonnant qu’un chercheur de son acabit soit passé à côté de cela

  • J’ai pu, hélas, avoir à faire cet homme dans la vraie vie quand il s’était décidé à venir dans ma campagne de l’Ouest de la France (pour y écrire un bouquin je crois). Les gens de chez nous en garde un mauvais souvenir. Typique du cosmopolite venu civiliser les « sauvages enracinés ». Sous ces airs d’homme calme, c’était un homme plein de certitude et d’arrogance ouatées, le sourire pincé, y donnant de son petit commentaire sur toutes les choses qu’il voyait et qu’il ne connaissait pas.

    N’ayant jamais renié son marxisme radical, il n’avait pas supporté que par chez moi, il n’y a pas de syndicat car les patrons, souvent d’anciens ouvriers, ont pris l’habitude de régler les problèmes entre quatre yeux, sans intrusion de la politique.

    Il ne s’agissait pour moi que d’un baratineur lettré, avec ce besoin narcissique de s’étaler sur un maximum de sujets sans en avoir la légitimité.

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