Par Gabriel Lacoste.
Nos politiques pour contrôler la pandémie de Covid-19 seraient informées par la science. En tant qu’habitant d’une petite province d’Amérique du Nord, le Québec, je peux témoigner que n’est pas le cas.
Si la science était aux commandes, l’agenda du déconfinement serait dicté par des hommes en blouse blanche étudiant sérieusement des graphiques, puis manipulant des éprouvettes, motivés essentiellement par l’amour de la vérité et du bien public.
Or, il a suffi d’une passe spectaculaire de Cole Caufield à Tyler Toffoli, au cours d’une partie de hockey opposant le Canadien de Montréal au Jets de Winnipeg, pour voir notre Premier ministre faire pression pour accélérer le retour à la vie normale.
C’est vous dire comment les restrictions sanitaires ont d’autres ressorts que l’épidémiologie…
Le Canadien de Montréal débarque à Las Vegas
Tout d’abord, il faut savoir que le Canadien de Montréal est une équipe de la ligne nationale de hockey, puis que le peuple Québec y voue un culte frénétique. Depuis notre plus jeune âge, nous apprenons tous l’histoire de Maurice Richard, cet humble Canadien français qui a combattu la discrimination des « Anglais » pour devenir une légende. Nous nous répétons que « nous avons gagné 24 coupes Stanley ».
La dernière, en 1993, grâce à son gardien de but Patrick Roy trône au-dessus de n’importe quel politicien dans le panthéon des célébrités québécoises dont nous sommes fiers, probablement à égalité avec Céline Dion. Pour un Québécois ordinaire, la guerre froide rime avec la série du siècle, opposant l’équipe du Canada à celle de l’Union soviétique. C’est de cette manière que notre petit peuple de Province peut se donner, le temps d’un spectacle, les allures d’un géant.
Le Canadien de Montréal a eu très peu de succès depuis 1993. Les séries de la ligue nationale de hockey se jouent en quatre rondes où il faut gagner 4 parties sur 7 pour passer à la suivante. Or, depuis sa dernière victoire ultime, cette équipe n’a réussi à se rendre que deux fois en troisième ronde. Or, cette année, nous y sommes !
Et l’adversaire n’est pas n’importe qui. Ce sont les Golden Knight de Las Vegas, qui jouent au royaume du show-business. C’est vous dire comment les Québécois ont maintenant d’autres préoccupations que de contrôler le Covid-19.
Seulement, voilà que le Québécois ordinaire découvre une réalité surprenante : l’aréna de Las Vegas est pleine à craquer de spectateurs, alors que notre Premier ministre a limité le nombre autorisé à 2500. Nous voudrions avoir l’air d’un grand peuple, mais là , en comparaison, nous avons l’air… petit.
L’obstruction du septième joueur
Vous devinez que l’affaire a pris des proportions politiques.
Au hockey, il y a 6 joueurs de chaque équipe sur la glace. Or, dans la psychologie d’un passionné de hockey, le septième joueur, c’est la foule et celle-ci peut influencer le jeu. C’est pourquoi une équipe est supposée avoir de meilleures chances de gagner à la maison que chez son adversaire.
Voilà donc qui peut nuire à l’image de marque de notre Premier ministre car s’il fallait que le Canadien de Montréal se prive d’une coupe Stanley au motif d’un trop petit public, il pourrait perdre des votes.
D’ailleurs, ça augure mal, car le parti conservateur du Québec est passé récemment d’obscur parti qui va chercher 1 % des votes aux élections à une organisation qui recueille 8 % des intentions de vote dans les derniers sondages, surtout parce qu’il s’oppose aux restrictions sanitaires.
Au même moment, une de ses députés envisage de faire sédition pour rejoindre les rangs de cette opposition.
C’est donc dans ce contexte que la joute journaliste s’empare de l’affaire. Éric Duhaime, le plus célèbre et le plus détesté des libertariens québécois (mais aussi le nouveau chef du parti conservateur cité précédemment), s’empresse de diffuser des graphiques et des informations montrant que les habitants du Nevada jouissent de plus de libertés que nous, mais qu’ils ne déplorent pas davantage de morts de la Covid-19.
La petite clique de chroniqueurs bien-pensants montréalais avec Patrick Lagacé en tête, s’empresse de leur répondre. Tout y est : cherry picking, attribution douteuse, injures, anti-américanisme primaire. Pour des raisons évidentes, la mortalité canadienne est préférée à celle du Québec comme point de comparaison.
Et jamais l’hypothèse de la faute républicaine est testée en la comparant avec les résultats des États démocrates. Bref, du bon vieux journalisme à la québécoise…
L’État commanditaire
Récemment, j’ai commencé à suivre le Premier ministre sur Twitter pour découvrir qu’il est un grand fan du Canadien de Montréal, multipliant les likes en commentant chacune de ses victoires. Il a également « convaincu la santé publique » de faire passer le nombre de partisans autorisés dans l’aréna de 2500 à 3500.
Pendant ce temps-là , le Québécois ordinaire qui n’aime pas le hockey, trouve bizarre de ne pas pouvoir rencontrer plus d’un ami au restaurant. C’est comme si le manque de logique de nos autorités ne se dissimule plus.
Pourtant, le philosophe qui contemple la scène y voit la démonstration d’une vérité évidente : c’est l’opinion du public et non la science qui détermine les politiques sanitaires. Or cette opinion est faite de mode. Elle change au gré des saisons.
Au Québec, nous sommes habitués à hiberner durant l’hiver mais lorsque la chaleur arrive au mois de juin, nous sommes plus difficiles à confiner. Si au même moment notre équipe de hockey aspire à gagner la coupe Stanley, puis que nous avons l’air ridicule devant les partisans de Las Vegas, nous sommes capables d’oublier la logique de nos décisions passées. Un politicien comme François Legault, qui se donne comme mission de nous suivre, risque fort d’avoir l’air d’une girouette sans directions.
Plus profondément, ce fait divers illustre la nature fondamentale de l’État moderne. Plutôt que de veiller au bien public, informé par la science, il est dirigé par des influenceurs dont la principale mission dans la vie est de se faire photographier à côté de causes à la mode, à la manière d’un commanditaire. Un jour, les gens ont peur d’un virus.
Vite, le Premier ministre ira se faire photographier à côté d’infirmières et de médecins qui le combattent héroïquement. Le jour suivant, une prestigieuse équipe de hockey se retrouve en troisième ronde d’une série éliminatoire ? Il assouplira donc les règles sanitaires pour aider le septième joueur, puis ira se faire photographier avec le maillot de cette équipe à côté des joueurs.
La science et la morale nous dirigent ? Sérieusement ?
« une politique sanitaire… » tout comme l’interet général.. pose que sacrifier votre santé pour celle des autres est acceptable. le but n’ets pas santé d’ailleurs mais une grille de mesure choisie… on pourrait aussi vous forcer à vivre!!!
les gens ne prennent pas toujours et cela volontairement en connaissance de causes des décisions en fonction de leur seule santé…
dès lors ,une politique de santé ,si on en accepte le principe ,revient à prohiber l’alccol, le tabac, policer à l’extreme l’alimentation , interdisant le choix individuels, les attitudes à risque jugées inutiles etc etc…
Vous pouvez faire exactement la même remarque en commençant par « une politique économique » ou « une politique industrielle », parce que comme chacun l’admet plus ou moins implicitement, les gens du gouvernement « savent » quelles sont les bonnes entreprises qui doivent être encouragées à coup de subventions, et quelles sont les mauvaises qui doivent être assassinées par les taxes. Bien sûr, tout cela est fait dans l’intérêt général!
Recemenent, le directeur de la santé publique, Horacio Arruda, disait qu’ils gardaient le couvre-feu en place parce que selon un sondage, c’est ce que les gens voulaient.
Puis le ministre de la santé, Christian Dubé, disait qu’ils gardaient l’état d’urgence sanitaire en place tant que les négociations avec les employés d’État ne seraient pas finies.
Le hockey, le plus beau sport du monde. Mais mon coeur battait pour les Nordiques…