Générosité : les mots sont gratuits, les façons de les utiliser ont un coût !

Nous avons trouvé un moyen de tirer parti de la générosité des consommateurs pour atténuer la douleur de ceux qui souffrent des deux côtés du marché.

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Générosité : les mots sont gratuits, les façons de les utiliser ont un coût !

Publié le 24 mars 2021
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Par Yannick Chatelain et Charis Li.
Un article de The Conversation

Le 25 janvier 2021, le président de la République Emmanuel Macron annonçait que, pendant la durée de la crise sanitaire, tous les étudiants pourraient bénéficier de deux repas par jour au tarif de un euro, exclusivement en vente à emporter dans leur restaurant universitaire.

Cette initiative répondait aux résultats alarmants d’une enquête conduite par l’Observatoire national de la vie étudiante qui mettait en exergue la précarisation dramatique de millions d’étudiants confrontés à cette crise sanitaire. Ce dispositif, originellement réservé aux étudiants boursiers, a été dans le même temps généralisé à tous les étudiants du territoire.

Cette généralisation a fait bondir le nombre de repas servis de 160 000 (semaine du 18 février) à 325 000 dans la semaine du 25 février. En parallèle de ces actions institutionnelles, de nombreuses actions de restaurateurs ont été initiées pour soutenir une jeunesse en détresse.

La grande distribution s’est également mobilisée. L’enseigne Leclerc a proposé en février un panier-repas à moins de 2 euros. Intermarché a lancé des bons d’achat de 10 euros sous conditions. Une action vers les étudiants que reprendra Auchan une semaine plus tard.

Les étudiants ne sont pas les seuls en grande détresse. L’ensemble du marché souffre cruellement de la pandémie. L’Organisation internationale du travail a estimé que la pandémie avait entraîné la perte de 255 millions d’emplois dans le monde.

Si le secteur de la restauration fait preuve de générosité, ce pilier de l’économie française fait partie des secteurs les plus impactés. Le « click and collect », en l’état, reste un palliatif. Dans les faits, de nombreux établissements ont opté pour une fermeture complète et à s’en remettre aux aides gouvernementales. Fonds de solidarité, crédits d’impôt, prêts garantis par l’État, chômage partiel maintiennent les entreprises à flot, mais les professionnels redoutent un séisme à la réouverture, si le robinet des aides est coupé à ce moment-là.

Dans cette configuration tragique, où la demande est pressante et l’offre malmenée, une population croissante se retrouve en difficulté pour satisfaire des besoins primaires, dont celui de se nourrir.

 

Générosité : la recherche peut proposer des solutions

Dans ce contexte, est-il possible de mieux tirer parti de la générosité du côté de l’offre (magasins d’alimentation, restaurateurs, etc.) et de la demande du marché ? Les recherches existantes, comme celles que nous avons menées, démontrent que cela est possible.

 

Le consumer elective pricing ou pay what you want « payez ce que vous voulez » est un système de tarification dans lequel les clients sont décideurs du prix du produit ou service qu’ils acquièrent. Cette approche a attiré l’attention du monde entier lorsque le groupe de rock britannique Radiohead y a eu recours en 2007. Disponible gratuitement plusieurs semaines avant sa publication physique leur album In Rainbows s’est vendu à 3 millions d’exemplaires. Jane Dyball, alors en charge de cette opération chez Warner Chapell, avait révélé qu’avant même sa sortie physique, l’album avait fait gagner à ses auteurs plus d’argent que le précédent Hail to the Thief.

 

Au-delà de ce coup – plus maîtrisé qu’il n’y paraît – une question restait posée : lorsque ne rien payer est une option, la rentabilité et la durabilité peuvent-elles être au rendez-vous ?

En 2010, une expérience terrain publiée dans la revue Science est venue confirmer qu’une approche pay what you want influait favorablement les paiements moyens. L’expérience a démontré que les entreprises pouvaient compter sur une responsabilité sociale partagée des consommateurs.

 

Générosité : donnez ce que vous voulez

Dans un article que nous avons publié récemment dans Organizational Behavior and Human Decision Processes, nous avons pu établir qu’il était également possible d’augmenter la générosité des consommateurs en changeant simplement un mot :

« Plutôt que de dire « payez ce que vous voulez », dites « donnez ce que vous voulez » ou « payez ce que vous pouvez ». Les verbes donner et pouvoir accroissent considérablement les paiements moyens dans certains groupes de consommateurs. Ce changement, d’apparence mineure, permet au vendeur qui adopte ce système de tarification de réaliser une marge bénéficiaire durable. »

Pour cette recherche, nous avons dans un premier temps collaboré avec un organisme de bienfaisance national renommé. Nous avons organisé une collecte de fonds en vendant des pâtisseries réputées.

Nous avions alors formulé notre offre de deux façons distinctes :

  1. « Payez ce que vous voulez pour un beignet, et les profits iront à la cause. »
  2. « Donnez ce que vous voulez et obtenez un beignet, les profits iront à la cause. »

 

Nos résultats ont démontré que nous obtenons davantage de transactions ventes/dons et collecté plus d’argent en utilisant la deuxième formulation.

Nous avons également mené des expériences en collaboration avec un fournisseur de café, et ce, à des fins non caritatives. Nous avons testé deux façons de solliciter le client. Entre « payer ce que vous pouvez », et « payer ce que vous voulez » nous avons, à nouveau, constaté une augmentation substantielle des paiements moyens avec la première formulation.

Il est apparu que cet effet était rendu possible parce que « payer ce que vous pouvez » modifiait la perception du consommateur sur le vendeur. Avec cette formulation, ce dernier était davantage perçu comme empatique et engagé dans la bienfaisance.

Lors des expériences menées, si les paiements des clients à faible revenu sont demeurés faibles, ceux disposant de revenus plus élevés ont considérablement augmenté. Ces derniers n’ont pas seulement compensé le manque à gagner des paiements inférieurs, leurs paiements assuraient une augmentation du bénéfice global du fournisseur.

Ainsi, grâce à l’offre « payez ce que vous pouvez » :

  • Les plus démunis ont la possibilité de s’offrir des biens et services qu’ils ne pourraient s’offrir
  • Les fournisseurs de produit ou de service – tout en soignant leur image – peuvent en tirer un certain profit pour soutenir leur entreprise.

 

« Faites ce que vous pouvez » !

Nous avons trouvé un moyen de tirer parti de la générosité des consommateurs pour atténuer la douleur de ceux qui souffrent des deux côtés du marché.

Côté secteur de la restauration, ceux qui en ont l’énergie peuvent tenter de rouvrir certains jours pour offrir des déjeuners à emporter aux employés de bureau et aux étudiants en difficulté en suivant la logique du « payez ce que vous pouvez ». Ils pourraient être surpris par leur recette en fin de la journée tout en consolidant leur relation clientèle.

Côté client, si nous rencontrons une campagne « payez ce que vous pouvez », n’oublions pas de montrer au vendeur un certain soutien pour valoriser son initiative.

Il s’agit de recherche, certainement pas de faire la leçon. La conclusion s’impose d’elle-même à nous toutes et tous : faire ce que nous pouvons.

« Par un mot tout est sauvé. Par un mot tout est perdu. » (André Breton)

 

Yannick Chatelain, Professeur Associé. Digital I IT. Responsable de GEMinsights, Grenoble École de Management (GEM) et Charis Li, Assistant Professor of Marketing, Consumer Insight, Grenoble École de Management (GEM)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

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  • De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins, AMEN ! On le sent bien le libéralisme dans cet article.

    • pas vraiment….

      on ne construit pas une société en objectivant le besoin sinon elle devient utilitariste puis « esclavagiste ».

    • Ne confondons pas une expérience pratique avec un slogan qui masque une réalité bien moins sympathique :  » Le comité central du parti dira à chacun combien il doit lui fournir et expliquera à chacun comment se passer de ce qu’il voudrait avoir, hors moyens minima de survie des animaux du zoo, ceci à condition qu’ils travaillent dur pour le bien et la gloire du parti « 

    • Les mots changent mais la réalité reste. Ici on parle bien de « chacun selon sa volonté à chacun selon sa volonté ». Personne n’est obligé de payer « le prix fort » ou inversement : le riche peut très bien ne payer que ce qu’il considère juste et le « pauvre » peut préserver sa fierté en payant ce que lui aussi juge juste. Le fond est « ultra libéral » mais il a l’avantage de parler aux marxistes le langage qu’ils croient comprendre.

    • HEUREUSEMENT (pour vous) que le ridicule ne tue pas, la réflexion à propos du libéralisme étant évidemment ironique après un propos éminemment socialiste. Enfin, je m’étais rendu compte que sur ce site, il n’y avait que des misérables libéraux de comptoir ou de bibliothèque quand bien même un certain nombre d’auteurs se revendiqueraient fièrement libertariens. Non, le maquillage de l’offre et de la demande dans un contexte subjectif en faveur de la demande n’a rien de libéral et encore moins de libertarien. Tout libertarien qui se respecte opterait évidemment pour la gratuité d’une telle offre, en vertu du fait que l’offreur estimerait lui-même que son produit ne mérite pas d’être payé.

      • tout libéral qui se respecte opterait pour ce qu’il veut (et ne déciderait pas a priori de ce que les autres feront). L’offreur verra bien, et décidera ou pas de continuer cette approche. Il y aurait surtout aucune contrainte. C’est le cas de ce qui est évoqué dans l’article, contrairement, semble-t-il à ce que vous envisagez… ce qui ferait de vous le vrai « libéral en peau de lapin » 😉

        • Haha ! Oui, c’est bien la distinction entre le libéral et le libertarien. Le libéral croit avoir le choix alors que le libertarien sait qu’entre 0 et l’infini, mieux vaut opter pour 0 car l’infini signifie payer pour autrui, soit entrer dans une démarche socialiste. Mais, il est évident que les  » libéraux  » qui composent à la fois le public et les auteurs ne sont que de vulgaires pions à la solde de l’échiquier politique dans une démocratie qui est un sytème foncièrement de gauche. En outre, ces libéraux ne sont que des êtres défraichis pour lesquels je n’ai aucune estime, bercés par la mélopée socialiste depuis leur tendre enfance pour faire valoir le dogme démocratique. Ma basket sur vos têtes sénescentes le jour du totalitarisme.

          • vide…et insultant…

            tout comme d’ailleurs d’artucluer un discours autour de mots tels libéral ou libertarien…

  • Bah, si l’administration fiscale pouvait s’inspirer de cet article pour me demander de donner ce que je peux, je pourrais enfin devenir le Free rider de l’Etat que je rêve d’être dans mes rêves les plus ouf.
    Plus sérieusement, mais à peine, je me demande quand même si les expériences décrites sont reproductibles avec les mêmes participants et si au fil du temps les « dons » ne diminuent pas.

    • L’administration fiscale norvégienne a fait l’expérience il y a quelques années : une taxe que le royaume jugeait inutile a été suprimée, les médias et bonnes consciences de gauche se sont déchainés. En conséquence il fut décidé que cet impôt serait volontaire : il fut au final collecté une somme totale d’approximativement 40 000 krone… soit 4000 euros à la louche. Le consentement à l’impôt est donc bien une blague couteuse, que beaucoup défendent car ils voient bien dans l’Etat cette « fiction par laquelle chacun cherche à vivre au dépens des autres » pour reprendre Bastiat.

  • La question abordée est la perception de l’acte d’échange par l’acheteur quand la valeur du bien échangé est fixe mais sa valeur laissée à sa « libre » appréciation de l’acheteur : les guillemets s’imposent, puisque les termes de l’échangent font appel à des ressorts psychologiques simples ( je vois bien que toi, tu peux te permettre de payer plus vs paie ce que tu veux, ce sera toujours bon )
    La question non abordée dans l’étude est la tenue dans la durée de cette approche, elle-même liée, je crois, à la perception du nombre de « petits malins » qui abuseront du système

    • termes de l’échange ( et je ne peux même pas blâmer un correcteur orthographique )

    • Il y a très peu de « petits malins qui veulent abuser le système »… Le Français est convaincu qu’il y en a plein et donc aime d’amour le système de police coercitif de l’appareil d’Etat, mais l’expérience montre le contraire. Que ce soit Radiohead, ou à d’autres échelles des développeurs offrant leurs produits en « donnationware » : les gens sont en fait, en moyenne, honnêtes et cherchent non pas à « s’emparer du bien d’autrui » mais à payer la « juste valeur » (subjective, évidemment, cf Ludwig Von Mises et tant d’autres). Tous pensant pouvoir payer le « juste prix » le nombre d’échange est amplifié et partant le profit total pour autant que le service/bien vendu ait réellement une valeur supérieure à son coût de production (ce qu’on espère… si ce n’est pas le cas, le producteur fait bien de faire faillite et de disparaitre de ce marché : il est mauvais).

  • Oui, les mots ont un sens et c’est ce sens qui leur donne du poids. Encore faut il se donner le mal d’en apprendre et d’en peser le sens. Ce n’est pas en utilisant un jargon franglais que l’on améliorera la communication. J’ai pour ma part la chance de parler trois langues en dehors du français. Rien n’est plus difficile de faire passer des nuances si l’on ignore le sens des mots de sa langue maternelle.

  • Finalement un exemple de plus de l’efficacité des « nudges » et de l’approche comportementaliste de l’économie et de la finance.
    Et une preuve de plus de la validité de l’approche subjectiviste de la valeur par l’Ecole Autrichienne.

  • Les commentaires sont fermés.

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