Que font les cabinets de conseil au chevet de l’État bureaucratique ?

Cette pandémie aura été une révélation : le début de campagne de vaccination certifie la faiblesse d’un État dont l’obésité bureaucratique est inversement proportionnelle à sa capacité d’agilité et d’organisation.

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Que font les cabinets de conseil au chevet de l’État bureaucratique ?

Publié le 10 février 2021
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Par Laurent Sailly.

Agences régionales de Santé, Haut Conseil à la Santé publique, Agence nationale de la sécurité du médicament… malgré une multitude d’instances de prévision et de gestion des crises sanitaires, la France est incapable d’apporter des solutions. Et si c’était la multitude de ces acteurs qui avait empêché une gestion cohérente ?

L’État : toujours plus de bureaucratie

Et pourtant, on continue de créer ou de développer de nouvelles strates de décisions ou de consultations : Conseil de défense sanitaire, Conseil citoyen sur la vaccination, Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale.

Avec cette accumulation, la mauvaise organisation de la logistique vaccinale, décentralisée tout en étant sous la coupe de l’État, doit-elle étonner ? Ces entités aux compétences quasi identiques entrent finalement en contradiction les unes avec les autres, et, tout le monde étant chargé de tout, personne ne décide vraiment de rien.

Mais dernièrement, des consultants de grands cabinets stratégiques comme McKinsey, Accenture, BCG et Capgemini jouent un rôle de plus en plus important dans la prestation des services gouvernementaux de base — en remplaçant toute une génération de fonctionnaires.

McKinsey a obtenu la part du lion d’une série de contrats récents signés avec six cabinets de conseil pour des projets liés à Covid-19, avec 4 millions d’euros sur un total de 11,2 millions d’euros allant au seul cabinet de conseil de premier plan. D’une manière générale, l’embauche de cabinets d’experts-conseils n’est pas choquant et peut même être considérée comme de bonne administration.

Beaucoup de nos voisins — le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Allemagne, la Suisse — comptent sur des consultants privés depuis des années, voire des décennies. Mais une pratique de plus en plus considérée comme normale ailleurs a suscité la controverse en France, un pays traditionnellement très fier de la qualité de sa fonction publique.

Ce qui est dérangeant en l’espèce, c’est d’une part la fréquence de ces interventions (surtout depuis quelques mois : 26 nouveaux contrats en 2020) et d’autre part, le fait qu’une administration pléthorique comme celle de la santé ne soit pas en mesure de remplir un certain nombre de missions.

575 contrats avec des cabinets de conseil

L’administration française a rendu publics au moins 575 contrats avec des cabinets de conseil privés depuis octobre 2018, pour des services allant de l’élaboration de plans de relance économique à l’élaboration d’une voie vers la neutralité carbone en tant qu’aide à la lutte contre le coronavirus, pour un montant de 657 millions d’euros, selon la Fédération européenne des associations de conseil en gestion (FEACO).

Ensuite, alors que le recours à ces cabinets peut être considéré comme une modernisation d’une bureaucratie essoufflée, ce qui est clair, c’est qu’avec peu de débats publics, les conseils privés jouent un rôle obscur dans un régime où la méfiance (justifiée ou non) des citoyens est exacerbée.

Cette méfiance est amplifiée par la tenue prochaine d’élections locales, véritable baromètre pour les élections présidentielles de 2022. L’accélération au recours aux cabinets-conseils fin 2020 peut laisser paraître comme une sorte d’effet de panique, alors que le début lent de la campagne de vaccination a été critiqué dans le pays et que les Français supportent de moins en moins les privations de liberté dont ils font l’objet.

Retour sur investissement

Enfin, le recours systématique aux conseils privés ne doit pas nous rendre naïfs. Ces entreprises privées ont, par construction, une logique d’investissement et d’investissement en particulier dans les hauts fonctionnaires d’aujourd’hui, qui sont des personnes influentes dans le secteur public, et qui seront influentes dans le secteur privé demain.

L’État bureaucratique est-il le vrai problème ?

Le problème n’est ni l’État en soi, ni la bureaucratie en elle-même. Le problème, c’est la démission du politique vis-à-vis d’un État qui, comme toute institution, cherche d’abord à se développer, à perdurer, à justifier sa complexité pourvu qu’elle trouve de l’argent pour se financer.

Une mauvaise gouvernance administrative, logistique et budgétaire a fait plonger les performances du pays. Or en termes de santé publique comme en politique générale, la simplicité et la rapidité sont gage d’efficacité. Ce dont nous avons besoin plus que jamais.

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  • En entreprise, le recours aux consultants par une direction générale intervient généralement pour 3 raisons : absence de vision de l’évolution de l’entreprise, incapacité à la gérer, volonté de se décharger de ses responsabilités. L’administration (peut-on encore parler de gouvernement ?) n’échappe pas à la règle…

    • On est dans le principe de Peter. L’administration française est arrivée à son niveau d’incompétence.

    • Bizarre, trois raisons semblent au final occultées (je ne situe pas bien le vocable FTE) :
      1- les dirigeants d’entreprises utilisent les cabinet conseils pour habiller leur propre stratégie et faire passer des modifications de façon « neutralisée ». Cela rejoint indirectement l’argument cité plus haut de se décharger de ses propres responsabilités).
      2 – Ces mêmes dirigeants utilisent les services de cabinets conseils pour leur propre valorisation.
      3 – Une autre utilisation est à rapporter aux méthodes de procrastination, le cabinet de conseil servant à enterrer progressivement la question soulevée…

    • Pour faire cela on plutôt des experts indépendants (qui se mouillent) et non des consultants (qui donnent des conseils sans actions).

  • Il ramasse notre pognon qui financera la campagne de Macron §

  • On peut subodorer que ces cabinets de conseil ont intérêt à ne pas trop bousculer leurs commanditaires-clients (comme les sondeurs) et à embaucher régulièrement des fonctionnaires.
    On peut subodorer que les hauts-fonctionnaires lorgnent vers ces cabinets pour y pantoufler…

  • Sauf le respect dû à notre ami Laurent Sailly, le récent libelle de H16 sur le même sujet est autrement plus pertinent.

  • Vous pouvez investir dans le meilleur entraîneur du monde, vous ne ferez jamais d’un âne un cheval de course.

  • Cet article est une occasion manquée d’illustrer les conséquences du capitalisme de connivence dans ce contexte.

    Lorsqu’un consultant travaile pour une boite privée, il est tenu de lui conseiller le plus possible quelque chose qui ajoute de la valeur au business de son client, qui ne l’a lui-même consulté que dans ce but, n’ayant pas envie de gaspiller son fric.
    Dans le cas contraire, le manager va prendre une mauvaise décision et se fera plus ou moins rapidement virer par ses actionnaires. Le consultant quant à lui perdra un client, un peu de réputation etc.

    Bref, la responsabilité de chacun se diffuse dans toute la chaîne de valeur pour entrainer la réussite de tous.

    Dans l’environnement décrit par l’article, dans lequel règne, disons, une certaine irresponsabilité, pour ne pas dire une totale irresponsabilité, c’est évidement le contraire qui se passe: Mc Kinsey va chanter la petite chanson que son client -une agence étatique quelconque, le plus souvent totalement opaque et dont l’électeur moyen n’a pas la plus petite idée- attend de lui, chansonette qui tournera, n’en doutons pas autour des thèmes, taxons, dépensons, régulons.
    Ces frimes, qui auront préslablement « conseillé » la mise en place de règles absurdes, vont alors se tourner vers leurx clients « privés » pour leur vendre des conseils pour leur « compliance ».

    C’est du socialisme total, d’autant plus instoppable qu’il est plus diffus, comme presqu’invisible…

    • Sinon (expérience en cours dans une PME), le consultant c’est un guignol qui a encore le lait qui lui coule du nez, qui bien sûr ne connaît strictement rien au business qu’il analyse, qui se contente soit de pomper un truc fait par d’autres dans l’entreprise (et ignoré pour des raisons inavouables), soit de balancer un powerpoint quelconque mais confus qu’il ressert à chaque mission, tout ça pour … tiens, oui, au fait, pourquoi est-il là ce clown ?

    • Pour décider au mieux il est normal de consulter mais il faut être soi-même bien inspiré pour choisir judicieusement qui on consulte. Il faut un certain flair et une culture scientifique étendue pour choisir sans se laisser impressionner par la réputation, la surface financière ou le baratin des cabinets « experts ». Les meilleurs ne sont pas les plus visibles, il faut savoir créer le réseau de têtes bien faites qui permet de les trouver.

  • pour répondre à la question-titre de l’article : « ils s’en mettent plein les fouilles ».

  • Tout est dit et la conclusion suivante s’impose : si on prend des cabinets privés, on peut donc en tout sécurité virer les fonctionnaires qu’ils remplacent ! 😉

  • Si Absurdum mettait la France avant l’amour propre de Brigitte, on pourrait repartir sur une autre voie…

  • Normalement, un ministre a deux rôles essentiels, chacun devant l’occuper à 100% si on peut dire.
    Premier rôle, c’est de traiter les problèmes de fond qui se pose à la France et aux Français. Les vrais problèmes, pas ceux qui font des bulles pendant 2 ou 3 jours, au mieux 1 semaine, puis sont oubliés.
    Deuxième rôle, un ministre, comme son nom l’indique, « administre » son « administration », c’est-à-dire qui doit organiser et piloter son ministère et l’ensemble des entités qui en dépendent, dans le but qu’ils rendent les services que les Français attendent de leur administration. Et également qu’ils appliquent efficacement les politiques définies clairement dans le premier rôle.
    Or, chaque ministre ne pilote plus rien, n’organise plus rien, il s’occupe essentiellement de sa propre auto-promotion, d’une part vis-à-vis de l’opinion publique, mais aussi des dirigeants dont il dépend, c’est-à-dire le Président et le Premier Ministre.
    C’est criant aujourd’hui, mais c’est vrai depuis plusieurs années.
    On est très loin du temps où le général De Gaulle répondait (selon la légende) « Est-il compétent ? » quand on lui proposait quelqu’un comme ministre.

  • Les commentaires sont fermés.

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