Par h16.
Dix ans déjà ! C’est formidable, comme le temps passe vite ! Eh oui, il y a 10 ans, était instaurée la Haute Autorité Destinée à Observer les Petits Internautes, HADOPI pour faire court, qui, outre une consternation compacte chez tous les acteurs d’Internet un tant soit peu compétents, déclenchait immédiatement la mise en place de toute une série d’intéressantes mesures dont on peut maintenant mesurer les effets réels.
Ah, 2009 ! Rappelez-vous, c’était la fin des années disco tecktonik et Internet était encore, dans l’esprit brumeux des parlementaires français, un vaste champ des possibles, une espèce de Far West indompté à l’assaut duquel internautes indisciplinés et politiciens se lançaient, un peu fous, pour y découvrir de nouvelles sensations. Facebook ou Twitter n’existaient pas, la presse n’avait pas encore compris qu’elle était destinée à disparaître et croyait encore y trouver son compte.
Le cyberespace de 2009, c’était – toujours dans la tête du législateur de l’époque – cet immense espace à légiférer, où les uns pillaient sauvagement les autres, à coups d’octets, de cryptographie, de hacking et d’autres mots complexes qui font encore frissonner une bonne partie des politiciens d’aujourd’hui.
L’abominable problème du piratage se posait alors dans des termes crus qui semaient l’effroi parmi les populations les plus fragiles : des bandits, armés d’épaisses bandes-passantes et de redoutables pair-à-pair, attaquaient des diligences entières de musiques et de vidéo-clips pour en faire des copies intégrales sans payer les producteurs, les artistes et la ribambelle de taxes étatiques attachées aux transactions légales. Et même si les industries musicales et cinématographiques ne pouvaient pas présenter de chiffres en berne, leurs petits cris stridents, leurs yeux parcourus de spasmes d’effroi et la perspective de toutes ces rentrées fiscales évaporées poussèrent donc le gouvernement d’alors, cornaqué par Albanel Épaisseur Triple, ministre de la Culture, à lancer enfin une pacification musclée des intertubes et des miniternets. HADOPI était créée.
Le mandat était simple : choper des internautes rétifs, et leur faire cracher au bassinet les droits et indemnités qu’ils devaient à tous les ayants-droit (État compris) à la suite de leurs copies illégales et sans vergogne. Pour cela, aucun moyen ne serait laissé au hasard et, histoire de ne pas trop terroriser tout le monde, on a donc mis en place la Riposte Graduée qui est à la lutte contre le piratage ce que les sites du gouvernement en matière de mangibougisme sont à la consommation de pizzas, de plats préparés (lasagnes au cheval y compris) et autres mets trop gras, trop salés, trop sucrés et trop pleins de fun que la morale réprouve : tout le monde écoute poliment, et tout le monde s’en fiche aussi poliment.
Bref : dès le départ et compte tenu de l’évident capitalisme de connivence dégoulinant qui s’était installé dès les prémices du projet, on savait que l’ensemble de la démarche aboutirait à un bilan minable.
Deux ans plus tard, en 2011, les premiers résultats confirmaient l’évidence du départ : le petit Franck Riester, alors membre du collège de cette HADOPI, venait bafouiller des explications vasouillardes devant l’inefficacité consternante de l’institution et la médiocrité amusante des publicités qu’elle avait produites.
Quelques années supplémentaires ne permirent pas de désensabler le navire déjà profondément enfoncé dans des douzaines de mètres cubes de sable législatif et des kilomètres de câbles STP reliant l’institution avec ses partenaires (privés) chargés d’écumer mollement les intertubes à la recherche de pirates. En 2013, on constatait surtout un report des utilisateurs depuis les sites en P2P (pair-à-pair) scrutés avec plus ou moins de bonheur par la Hautotorité, vers les sites de streaming qu’elle n’était équipée ni techniquement, ni légalement, pour observer.
Depuis, quelques rebondissements ont bien alimenté la chronique au sujet de la HADOPI (vous pourrez les relire ici si vous le désirez), mais la substance fondamentale est surtout l’énième observation d’un échec pourtant annoncé, malgré tout persistant et renouvelé, dans la décontraction la plus parfaite de l’ensemble des acteurs concernés qui ne financent absolument pas ça de leur poche (puisque cette partie-là est assurée par le contribuable).
Et nous voilà en 2019 : dix ans se sont écoulés et le bilan reste obstinément le même.
Les chiffres, les constats, disponibles assez facilement un peu partout, ne laissent que très peu de marge à l’interprétation généreuse et aux louanges. Bien sûr, les médias traditionnels jouent sur la demi-teinte, les tons pastels et les adjectifs les plus arrondis possible pour camoufler le désastre, mais il n’en reste pas moins là : après avoir versé 10 millions d’euros en 2010, puis 11,4 en 2011, 11 en 2012, 8,4 en 2013, 5,6 en 2014, 5,52 en 2015, 7,8 en 2016, 9 en 2017, 10 en 2018 puis 9 millions pour cette année, l’État aura donc cramé 88 millions d’euros sur ces dix années de bonheur ouaté.
En face, la HADOPI peut fanfaronner d’avoir totalisé 83 condamnations à des amendes allant de 100 à 2000 euros, soit 8 par an en moyenne. À près de 9 millions d’euros par an, cela nous fait un million d’euros claqués par condamnation, ce qui est exactement à l’image de l’efficacité du dispositif : désastreux.
Qu’on ne se méprenne pas : si ces chiffres sont tout à fait risibles, ce n’est pas parce qu’on aurait souhaité que la HADOPI soit efficace et harponne du pirate par trouzaines giboyeuses, mais bien parce qu’ils confirment que cette institution est parfaitement inutile pour la tâche qui lui a été confiée. Les millions d’e-mails aspergés sur le territoire ne servent à peu près à rien, sinon à indiquer à l’internaute qu’il a été repéré et qu’il doit donc rapidement changer de méthode. Ce qu’il fait, du reste, tous les indicateurs du niveau de piratage global dans les industries du disque et de la musique montrant qu’après le P2P puis le streaming, c’est maintenant l’IPTV qui se met en place…
Pratique à laquelle la HADOPI ne peut d’ailleurs pas répondre, et pour cause : en 2009, elle n’existait pas et la HADOPI ne sait combattre que la guerre précédente qui a été perdue, jamais la prochaine.
Mais qu’à cela ne tienne : même si le piratage continue et que, finalement, personne ne s’en porte plus mal, contrairement à ce que hurlaient les Majors et autres firmes de lobbying parlementaire, même si cette Hautotorité grotesque ne sert très concrètement à rien, même si les techniques évoluent plus vite que les lois, même si le marché a, en 10 ans, amplement prouvé être capable de s’adapter aux demandes (les offres légales de bonne qualité abondent), même si tout ceci nous coûte 9 millions d’euros par an, on va continuer !
Quand bien même l’argent du contribuable sert très clairement à protéger des intérêts privés, au travers d’une HADOPI qui n’existe nulle part ailleurs et dont tout le reste du monde se passe très bien, comme pour les lois dont les effets pervers s’amoncellent et dont personne ne semble jamais responsable, on va continuer !
La HADOPI continue donc de trottiner sur le petit chemin qui sent, outre la noisette, la petite odeur insistante de l’argent public cramé en pure perte.
Edito initialement publié en juin 2019.
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Sur le web
Merci pour cette tranche de rigolade.
Petite précision toutefois : Facebook a été créé en 2004, et constituait déjà un phénomène de masse 5 ans plus tard. Twitter était un peu plus confidentiel mais sa création remonte à 2006. Eh oui le temps passe vite, je suis bien d’accord. 😉
Mais H, vous oubliez un détail ? Si on supprime l’HADOPI, ce qui semble une évidence vu les résultats, où voulez-vous que nos politiciens recasent leurs petits copains grassement rémunérés ??? Surtout que la réforme constitutionnelle approche, et que si le nombre de parlementaires diminue, ça va bouger dans les chaumières du 8ème arrondissement !
Des apparts vont se liberer ,mais il faudra sans doute un bon deparasitage de la cave au grenier voir bruler les immeubles !
pour rien ? mais bien sûr que si, dix ans de salaires versés à une bande de bras cassés directeurs et cascade de sous-fifres épuisés par le semblant de travail qu’ils ont eu à fournir, sans compter les loyers versés au propriétaire des bâtiments . . .
Hadopi est une catastrophe mais il faut bien signaler que celle ci a ete demandee par le secteur privé.
C est sous la pression des majors du disque et de la Video qui voyaient leur rente attaquee que Sarkozy a agit.
Ici l Etat n a fait que faire plaisir a ceux qui criaient le plus fort
Bel exemple de capitalisme de connivence !
Exactement. Il me semble d’ailleurs que l’auteur insiste un peu sur ce point précis dans l’article.
Vous n’allez pas reprocher à nos politiciens d’avoir des “amis”. Il n’y a que ce pauvre Castex, serviteur exemplaire de l’état qui n’en n’aurait pas.
“Comment Mr le maire est en prison pour prévarication ! Pourtant il avait l’air si gentil quand il a trouvé un poste de fonctionnaire municipal à mon fils. Et puis il a fait construire un joli parc pour les enfants (en endettant la commune pour 100 ans)”
L”être humain a ses limites et surtout ses faiblesses. Les conservateurs ne voient pas le problème ; les progressistes prétendent savoir comment tout changer. Il n’y a que les libéraux qui comprennent que pour limiter les abus de pouvoir il faut restreindre le pouvoir des politiques à leur fonctions régaliennes.
On ne va pas pleurer pour quelques millions alors qu’on répand à nouveau le virus pour faire plaisir aux patrons de discothèques et organisateurs d’événements “festifs”. Il faut savoir ce que l’on veut. Mais pour ma part je ne pleurerait pas plus sur le sort de ceux qui trouvent le maire gentil quand ils se retrouveront au chômage que sur le sort de la pôoovre Aurore privée de portefeuille.
Tous les ans je reçois un dernier avertissement.
quand même ! cramer le pognon des autres aussi bêtement , ça fait mal au cœur ;et quand on sait que c’est une goutte d’eau dans le gâchis phénoménal d’argent public …….
Cette histoire nous apprend deux choses , d’abord les presidents ont trop de pouvoir ,deuxiement ,leur conseillers sont des nouilles ,et leurs amis , des abrutis.
Absolument pas, les conseillers et amis sont tout, sauf des abrutis.
Ce sont des profiteurs.
Les abrutis, c’est nous, qui nous laissons d’autre dilapider l’argent de nos impots !
oui avec un proxy accourt quelque part au bresil ou ailleurs..
hop hadopi l’as dans le fion.. amateurs
https://www.leparisien.fr/economie/hadopi-82-millions-d-euros-d-investissement-depuis-sa-creation-pour-87000-euros-d-amendes-04-08-2020-8363112.php
Au final ça n’aura même pas rapporté un million d’€ mais moins de 10 fois moins. Bien joué !
cela aura rapporté aux membres de cette autorité (ils ne font pas cela gratuitement quand même !), sans compter tous les coûts cachés (à commencer par le vote de la loi).
Et moi qui croyait jusqu’à aujourd’hui (n’étant pas Français) que HADOPI voulait dire Haute Autorité Destinée à Observer les Petits (ministres) Incontrôlables. Enfin s’ils disent qu’ils sont la HAUTE AUTORITÉ, c’est que c’est vrai. Tout le monde sait qu’on peut (doit) les croire.
La France est spécialiste des machins qui n’existent nulle part ailleurs ou auxquels les pays ont fini par renoncer, conscients des dégats causés. Mais en France on est plus fort que tout le monde :
Hadopi, objet de cet article, mais aussi 35h, ISF, syndicats payés par le contribuable et non pas les cotisations, journaux en partie payés par le contribuable et non pas les ventes, la liste est longue.
Donc le pérsident d’Hadopi est absolument conscient de son inutilité et de son cout, mais ne fait rien. S’il avait un tant soi peu de sens de l’honneur et/ou du bien public, puisque c’est un HAUT fonctionnaire, il devrait démissionner. On pourrait aussi considérer que c’est un emploi fictif, au vu des sommes reçues pour le peu de travail réalisé (comme pour Mme Fillon, par exemple ?)
“… puisque c’est un HAUT fonctionnaire, il devrait démissionner.” et perdre ce qu’il empoche. Ce n’est pas son problème si c’est foireux, mais légal.
Oui je conviens que c’est un peu idéaliste, mais le sens de la dignité se perd. Je pense à celui qui avait accepté d’ être ministre du temps libre de Mitterand
“Je suis ministre, je ne sais rien faire”.
Citation valable également pour tous les hauts fonctionnaires
Démissionner quand la soupe est top bonne ?
88 baffes aux responsables et les pertes à rembourser…oui je ^rve mais ce serait tellement bon.
Rien que d’y penser.
Si cette institution avait un budget propre, les acteurs privés l’ont demandé.
Nous n’en parlerions pas. Je veux dire plus, elle aurait été dissoute à la demande de ces acteurs privés.
La SACEM est bien financée par les ayants droits.
Je viens d’acheter une tablette à 149 € dont 10 pour financer la redevance sur la copie privée, pour financer des artistes qui n’en n’ont pas besoin et dont pas grand monde n’a envie de pirater les œuvres. Il est là le vol.
Même pas pour financer des artistes ! Pour financer les fonctionnaires et assimilés qui s’occupent des artistes, oui ! Je ne vous dis pas combien l’URSSAF a dépensé pour m’affilier en tant qu’artiste-auteur vu que mon éditeur avait payé 11.79€ de prélèvements pour les 57.39€ de droits d’auteur touchés en 2019 sur les ventes 2018…
… m’affilier contre mon gré, je précise.