Par Constance Mas.
Cet article, suite de la série présentant le livre Soonish, s’intéresse à la réalité augmentée. Elle ne doit pas être confondue avec sa cousine, la réalité virtuelle. Là où la réalité augmentée superpose des objets numériques ou des informations au monde réel autour de vous, la réalité virtuelle a pour objectif de vous immerger totalement dans un monde virtuel créé de toute pièce par ordinateur.
Le chapitre de Soonish traite comme partie intégrante de la réalité augmentée des techniques qu’on pourrait qualifier aujourd’hui de réalité mixte, où des modules virtuels s’invitent dans la réalité environnante (le vocable est notamment utilisé pour le casque Hololens de Microsoft, probablement développé trop tard pour les recherches des auteurs).
La réalité augmentée : une technologie d’avenir
On comprend rapidement en quoi la réalité augmentée est une technologie d’avenir, car elle peut révolutionner des domaines très différents, dans le divertissement et les métiers artistiques, mais aussi l’industrie, le bâtiment, la médecine, l’éducation. Il serait difficile de faire une liste exhaustive, et cette technologie me semble être de celles qui s’est le plus développée depuis l’écriture (pourtant récente !) du livre.
Ce n’est pas sans difficulté technique, car venir inclure un objet virtuel dans le monde réel n’est pas si simple qu’il y paraît : il faut d’abord être capable de caractériser très précisément le réel.
Par une localisation très précise dans toutes les directions (y compris l’altitude), tout d’abord, ce qui demande d’analyser et recouper de nombreuses données, qu’il faut d’abord collecter et stocker.
Par une intégration réaliste ensuite, qui ne choquera pas nos sens humains et leur subtilité. Réussir le visuel suppose de s’appuyer sur des marqueurs bien choisis, d’être capable de repérer les mouvements relatifs, prendre en compte les obstacles et les angles de vue de façon réaliste.
Réussir le rendu auditif est complexe, car là aussi la position relative et l’environnement compte. Si vous voulez un jeu vidéo bluffant, il vaut mieux éviter que les objets disparaissent ou traversent les murs quand vous tournez la tête ; si vous voulez vous appuyer sur un tutoriel de chirurgie ou d’assemblage d’aile d’avion, il vaut mieux que la position des organes et des vis soit exacte au millimètre près…
Des projets révolutionnaires
Présentons ici quelques exemples de projets retenus par les auteurs, ou similaires à ceux-ci :
- Utiliser la RA pour montrer à un client le rendu d’un projet artistique (décoration, architecture, aménagement intérieur d’espaces).
- Visualiser les infrastructures cachées (tuyaux enterrés, structures internes des bâtiments ou d’un assemblage mécanique), pour la réalisation de travaux, la maintenance, ou le diagnostic après accident.
- Assister le travail quotidien d’ouvriers ou techniciens par des casques de RA du type smart helmets de DAQRI, qui ont démontré leur utilité pour rendre une chaîne de construction aéronautique plus sûre et plus rapide. L’utilisation de ce genre de casques, pourtant onéreux, semble se répandre aujourd’hui en effet dans de nombreuses industries où les opérations de vérification et de maintenance sont fréquentes et chronophages : deux exemples dans l’industrie automobile et la maintenance de systèmes hydrauliques.
- S’appuyer sur la RA (ou la réalité virtuelle) pour l’apprentissage, de la géométrie 3D niveau lycée, à la médecine, en passant par la formation d’ouvriers spécialisés. Il peut aussi s’agir de profiter à distance des conseils d’un expert ou d’informations précieuses collectées au préalable, comme en chirurgie par exemple. En quelque sorte, la RA vient servir d’extension de notre cerveau déjà bien encombré.
Les inquiétudes liées à cette technologie sont substantielles, et ne pourront pas être ignorées au fur et à mesure qu’elle se répandra :
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- Par définition, la réalité augmentée (ou mixte) modifie notre rapport au réel, et donc inévitablement notre façon d’interagir avec le monde et nos voisins ; elle ouvre la porte à de possibles tromperies par des personnes mal intentionnées, aux conséquences plus ou moins graves.
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- Dans la réalité, il est assez simple de déterminer quel espace appartient à qui, et ce qu’on peut y faire ou non. Avec la réalité augmentée, ça se complique : comment faire respecter vos souhaits si un programme vient modifier votre image, superposer à votre propriété ou votre commerce des messages ou objets malvenus ? Un beau casse-tête pour juristes !
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- Enfin, il faut être conscient que pour étendre et optimiser l’utilisation de telles techniques dans notre environnement quotidien, il faudra collecter et stocker beaucoup de données. Comment bien maîtriser qui y a accès et pourquoi ? S’il s’agit d’applications industrielles, on peut s’inquiéter de leur protection pour des raisons économiques. S’il s’agit de données plus personnelles (des informations sur votre date Tinder, des photos facebook de votre candidat à l’embauche, ou votre dossier médical), on conçoit que cela pose des problèmes de protection de la vie privée. Cela peut vous sembler pratique qu’on vous signale le nom et le métier de votre interlocuteur, mais lui n’appréciera peut-être pas que vous en sachiez autant s’il n’a pas les mêmes lunettes dernier cri. Si cette asymétrie d’information se trouve entre vous et un représentant de la force publique ou un combattant ennemi, cela commence à être plus inquiétant.
Ces questions sont complexes et ne doivent pas être négligées dans l’introduction de la réalité augmentée dans notre quotidien ; il me semble qu’étant donné l’étendue des améliorations que cette technologie peut apporter à de nombreux domaines, elle n’arrêtera pas sa progression de sitôt…
Hélas, nos dirigeants faisant rarement preuve d’une grande subtilité ou intelligence lorsqu’il s’agit de nouvelles technologies et de données personnelles, je n’ai pas beaucoup d’espoir que l’Europe soit dans le peloton de tête – espérons que le futur me fera mentir !
La première chose à faire est de changer le nom de cette technique, qui est un outil puissant mais qui est présentée comme une révélation religieuse. Les bugs, les mauvaises données, ça existe, et parler de réalité augmentée ouvre la porte au n’importe quoi irresponsable généralisant le « mon ordinateur me dit » à la place du « mon bon sens me pousse à garder le contrôle de mon outil. »
imagerie approximative de réalité IAR ?