La déflation n’est pas pour demain

La crise que nous vivons devrait nous mener à la déflation. Pourtant, ce n’est pas si simple. Explication.

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La déflation n’est pas pour demain

Publié le 5 mai 2020
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Par Nathalie Janson.

Jeudi le verdict est tombé sans appel : au premier trimestre 2020 la croissance française a connu sa baisse la plus forte depuis la création de l’indice en 1949 avec -5,8 %. Et le pire est devant nous étant donné que le confinement n’a débuté que le 16 mars… que le déconfinement progressif ne débutera que le 11 mai ; et que l’inquiétude est à son comble. Par ailleurs, le taux d’épargne des Français bat tous les records depuis un mois. Faute de pouvoir circuler librement, les ménages ne dépensent pas et laissent gonfler leur compte courant faute de savoir ce que l’avenir leur réserve. Tous les ingrédients semblent réunis pour que la déflation refasse surface et bloque la reprise.

La pandémie et le confinement nous entraînent-ils vers la déflation ?

Dans la situation de crise que nous vivons, la déflation – la baisse généralisée des prix – devrait se produire en raison de la contraction de la demande. S’enclencherait alors une spirale déflationniste, les consommateurs ayant adopté un comportement de report d’achat. Puisqu’ils constatent une baisse des prix, ils reportent leurs achats ce qui entraîne une baisse des prix, phénomène d’anticipation auto-réalisatrice.

À cette vision simpliste on objectera que les consommateurs ne diffèrent pas leurs dépenses quotidiennes. Tout au plus cela concernera les biens de consommation  durables. Par ailleurs, pour qu’un tel phénomène baissier s’enclenche il est nécessaire d’avoir une baisse de salaires. Ce phénomène ne s’observe pas en France pour de multiples raisons à commencer par le fait que l’État prend en charge le chômage partiel. En outre, même si la hausse du chômage de 7,1 % en un mois – la plus forte hausse mensuelle depuis 1996, il n’entraîne pas pour le moment une baisse des salaires en raison de l’existence d’amortisseurs sociaux.

En outre, le confinement est un choc de l’offre et non de la demande. La production est à l’arrêt dans de nombreux secteurs mais tous ne sont pas concernés, il suffit de penser aux secteurs essentiels à notre vie quotidienne : la santé et à toutes les activités permettant le télétravail, l’éducation à distance, les loisirs à la maison… Certains produits ont vu leur prix augmenter en raison de la pénurie et ont fait la Une : masques, gel hydroalcoolique, et récemment les prix des fruits et légumes en raison de coûts de transport plus élevés. Dans ce cas, la déflation ne pourrait-elle pas provenir de la baisse dramatique du prix du pétrole ? Faudrait-il encore que les industries consommatrices soient en capacité de répercuter cette baisse. Elles sont pour la plupart à l’arrêt.

L’arsenal de la BCE : un remède anti-déflation ?

Et puis c’est sans compter sur l’intervention de la BCE. Depuis le début du confinement, la banque centrale a déployé un arsenal de mesures qui ne laisse présager aucune déflation, au contraire. Le rebond des différentes places financières montre bien qu’en dépit de l’arrêt de l’activité, les valeurs se sont stabilisées et ce parce que la BCE comme toutes les autres banques centrales achètent massivement sur le marché dettes publiques et dettes privées, ne se restreignant plus à des titres de très bonne qualité mais élargissant le spectre aux titres dégradés.

Clairement, à travers cette action la banque centrale évite la baisse des prix des actifs et empêche la déflation de se produire. Elle permet à des entreprises de « survivre » comme elle permet aux États les plus endettés de ne pas s’effondrer par manque d’accès au financement. Le relâchement des contraintes en matière de fonds propres des banques et les garanties de prêts par l’État sont plutôt favorables au maintien de l’activité de prêts sans oublier les comptes garnis de ses clients, même si les banques sont en général peu disposées à prêter dans un environnement incertain, conscientes que les plus téméraires des emprunteurs sont aussi les plus risqués.

En résumé, la déflation n’est pas aujourd’hui, ni pour demain… et l’inflation ?

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  •  » la BCE comme toutes les autres banques centrales achètent massivement sur le marché dettes publiques et dettes privées, ne se restreignant plus à des titres de très bonne qualité mais élargissant le spectre aux titres dégradés. »
    exact , la bonne analyse serait d’essayer de voir quel impact aura ceci sur le « cours » de la monnaie,,et par conséquent sur la consommation

  • Dans la mesure où l’impression de fausse monnaie (monnaie-dette insolvable) repart à la hausse, on peut redouter non seulement une explosion inflationniste mais aussi un effondrement bancaire à la chypriote avec confiscation des dépôts*. Paradoxalement, la conscience de ce risque peut inviter non pas à épargner mais au contraire à accélérer ses achats avant que les liquidités ne s’évaporent.
    * Je rappelle que la garantie des dépôts jusqu’à 100KEuros qui n’est nullement provisionnée n’est qu’une vaste blague.

    • non la caractéristique de la planche a billet , c’est de provoquer l’inflation par la baisse des ressources réelles liées a l’augmentation des prix dans un premier temps(inflation).. la déflation arrive par l’assèchement de la consommation qui suit

  • Il me semble que c’est sans compter les conséquences à plus ou moins long terme de la disparition de centaines ou de milliers de PME et commerces. Les amortisseurs sociaux e sont pas universels et ils ne durent qu’un temps.

  • La financiarisation de la dette par la BCE créé de la monnaie. Beaucoup de monnaie. Cela ne provoquera pas d’inflation des prix ordinaires mais celle des actifs. Une augmentation temporaire des prix est à attendre, le temps qu’on trouve un vaccin ou un remède efficace contre le virus, du fait de deux phénomènes: la relocalisation de certaines industries (surtout pharma) et la chute considérable de la productivité due aux mesures de distanciation.
    Mais une fois le COVID oublié, on aura sans doute des progrès de productivité due à toute l’ingénierie qui s’est développée pendant la crise. Ne restera que la hausse des prix due aux relocalisations.
    En revanche, là où subsiste un grand flou, c’est si les gouvernements européens se mettent à délirer et à dépenser des centaines de milliards pour le climat (sans le moindre effet, bien entendu). Ou bien ces milliards viendaient de la BCE (et donc re-hausse des actifs, notamment immobiliers) ou des impôts: effet récessif certain.
    Dans tous les cas, serrage de ceinture certain pendant au moins les 3 années à venir. Et, comme dit le proverbe: quand les gros maigrissent, les maigres (pauvres) meurent de faim.

  • Vision très optimiste de cet article sur la situation économique à venir.
    il va s’en suivre, durant cette gestion calamiteuse de cette épidémie, une baisse de la demande, car le système de chomage partiel ampute le pouvoir d’achat et ce n’est pas 84% de votre salaire que vous recevez parce basé sur le revenu de base et ça change tout, certains perdent 30-50% dépendant de la part variable, de plus tous les CDD sen retrouvent dans certains cas au chomage technique et non partiel et la perte de revenu est de 50à 70% ( j’ai des exemples, il faut aller sur le terrain!) et je ne parle pas de ceux qui se retrouvent au RSA parce que l’employeur ne peut honorer sa promesse d’embauche, et tout cela concerne des Millions de personnes .
    ne parlons pas des artisans, chefs d’entreprises et professions libérales!!
    et puis avez vous analysé dans quelles conditions strictes sur le plan sanitaire les entreprises vont redémarrer, avez vous conscience du surcoût que cela va engendrer en France avec toutes les contraintes que l’état impose, un fardeau que beaucoup d’entreprises ne pourront supporter.
    Pour ma part le raisonnement et l’analyse et conclusion de l’auteur semblent simplistes et ne prennent pas en compte la réalité du terrain,
    c’était un choc de l’offre mais le gouvernement aura réussi à le transformer en choc de la demande.
    A l’auteur je conseillerai d’élargir son cercle d’amis et de rencontrer des salaries et des entrepreneurs du Privé.

    • Si les conditions de production sont plus difficiles les prix ne peuvent qu’augmenter. les entreprises ne pourront pas faire autrement que de compenser la baisse des volumes par une hausse des prix. Même si au final les gens achètent moins il le paieront plus cher ce qu’ils achètent.

      • C’est un peu plus compliqué que ça: les prix dépendent aussi de la demande. Si la consommation diminue (quelle qu’en soit la raison), cela tire les prix vers le bas.

      • en théorie on pourrait croire que les prix vont augmenter par les contraintes sanitaires, mais sans demande les industriels seront obligés de rogner leur marge, donc la spirale infernale se mettra en place, baisses des prix pour se débarrasser des stocks d’invendus, licenciements parce que les coûts fixes seront intenables et j’ai déjà l’exemple d’une marque connue et appréciée dont la direction est déjà en train de parler de fermer des boutiques, retour de terrain d’aujourd’hui.

    • Nous saurons bien vite qu’elle est l’analyse la plus juste. Ne changez pas de pseudo.
      Cordialement

  • La première question qui vient à l’esprit quand on évoque ce thème est de savoir pourquoi la politique de la BCE depuis quelques années n’a provoqué ni inflation, ni déflation. Tout ce passe comme si des états comme la France avait conclu un deal avec les ménages ; je vous dois quelques dizaines de milliers d’euros. En fait, la France a emprunté des sommes auprès des ménages de manière indirecte. Les ménages sont « plus riches » et sont donc prêt à survaloriser les actifs financiers et immobiliers. C’est tout. C’est ce qui s’est passé et tout porte à croire que cela va continuer. Bref, le plus vraisemblable, c’est ni inflation, ni déflation. Cette mécanique de type morphine ne s’arrêtera que lorsque le chaos s’installera, alors ce sera sauve qui peut.

  • Une analyse très juste à mon humble avis. Tous ces cris de panique que l’on entend ne s’appliqueront sûrement pas du moins en France. Bien sûr il y a des pertes pour les entreprises mais 2 mois d’arrêt avec toutes les aides qui existent ce n’est pas le bout du monde. Quand à la dette de l’état n’est elle pas déjà énorme ? 200 milliards de plus nous feront ils voir les choses différemment ? Seront nous plus efficaces à l’avenir ? Je ne crois pas…

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