Amazon mis à l’amende : deux poids, deux mesures ?

Opinion : le principe de non-discrimination est, ou tout du moins devrait être un principe fondamental. Dans ce cas précis, il est clair que le gouvernement français ne considère pas devoir l’appliquer aux entreprises étrangères. 

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Amazon mis à l’amende : deux poids, deux mesures ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 30 avril 2020
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Par Eline Chivot.

La cour d’appel de Versailles a rejeté le recours d’Amazon France faisant suite à une décision de justice ordonnant à la firme de Seattle de limiter ses activités à des produits qualifiés de non-essentiels. En attendant d’évaluer les risques sanitaires auxquels seraient exposés ses employés dans ses six centres de distributions français, Amazon s’était vu accorder 48 heures pour réduire et ajuster ses opérations, sous peine de se voir imposer des pénalités d’un montant pouvant atteindre 100 000 euros par livraison. 

Un biais anti-GAFA ?

La complexité logistique liée à ce tri entre livraisons de produits essentiels et non-essentiels, ainsi que le risque de sanction ont poussé l’e-commerçant à fermer temporairement ses entrepôts en France, recourant à ceux localisés dans d’autres pays européens.

La France a souhaité appliquer cette mesure afin de protéger la sécurité sanitaire des travailleurs pendant la crise – et c’est bien là son droit le plus strict. Mais comment ne pas y voir l’un de ces biais anti-GAFA visant à en faire un exemple ? Gardons-nous autant à l’œil les autres acteurs de l’e-commerce actifs en France ? Cette mesure ne devrait pas simplement s’appliquer au géant américain. 

La décision de la cour était motivée par le manque de moyens supposé visant à protéger les salariés mis en place par Amazon. Comme beaucoup d’autres entreprises, Amazon a pourtant investi dans une batterie de protections sanitaires supplémentaires pour ses employés, distribuant des masques et des gants, contrôlant leur température, et décidant proactivement de prioriser la livraison de biens dits essentiels.

Comme beaucoup d’autres entreprises, Amazon a dû s’adapter du jour au lendemain à des circonstances sans précédent, tout en devant faire face à une montée de la demande des commandes en ligne suite aux mesures de confinement, et suivre tant bien que mal des orientations mouvantes et approximatives de gouvernements hésitants et non-alignés. Cette semaine, le volte-face des syndicats (ceux-là mêmes qui réclamaient la fermeture des entrepôts) et leur proposition d’une reprise progressive des activités d’Amazon en disent long.

Une exception pour Amazon

C’est une tradition bien française de faire du bien-être des salariés une priorité. Une préoccupation bien légitime du reste, même si celle-ci tend à prendre l’ascendant sur la prospérité économique intégrant le bien-être social, celui des consommateurs, et la croissance économique.

Pourtant, dans ce cas, cette priorité semble s’appliquer exclusivement à Amazon. Fnac, Cdiscount, Spartoo, et La Redoute, qui ont profité de l’accroissement de la demande sur leurs plateformes en ligne, ne semblent pas avoir fait l’objet de mises en garde judiciaires aussi rigoureuses, malgré des plaintes similaires.

Ces entreprises n’ont pas été contraintes de réduire leurs livraisons aux seuls produits « essentiels ». Mais en France, ce qui est bon pour l’un n’est pas bon pour l’autre, surtout si cet autre est un géant américain. En fait, l’on pourrait mettre en cause une certaine application de la politique industrielle à la française. 

Selon l’hypothèse d’un délégué syndical de la Fnac, « Amazon est dans le collimateur. » Il s’agirait d’une « volonté d’éviter qu’ils ne prennent trop de parts de marché pendant la période de confinement » afin que les autres puissent en bénéficier. Utiliser la crise comme excuse pour restructurer le secteur français de la distribution est sans aucun doute une façon créative d’appliquer sa politique industrielle avec assertivité. Rien de bien étonnant néanmoins, viser les géants américains par complexe d’infériorité est rapidement passé de la rhétorique à la pratique.  

Une mauvaise décision économique

Par ailleurs, en imposant ces restrictions de livraison à Amazon ou à tous les acteurs du e-commerce, le gouvernement français ne rend pas service à l’économie nationale en ces temps de crise. La situation pourrait bien aggraver les pertes auxquelles de nombreuses TPE et PME sont déjà confrontées. Sans parler des conséquences à long terme sur le réseau logistique d’Amazon en France.

Beaucoup d’entreprises qui comptent sur la plateforme d’Amazon pour la vente et l’expédition de leurs produits, et donc le développement de leurs activités, doivent se tourner vers des services de transport plus coûteux. Le débrayage de l’activité dans les dépôts d’Amazon en France pourrait impacter l’emploi de ses 9300 salariés. D’autres entreprises moins puissantes auraient fait faillite.

Les organisations syndicales jugent l’activité d’Amazon « non-essentielle à la vie de la nation. » C’est oublier un peu vite qu’Amazon entretient des partenariats fructueux avec d’autres enseignes françaises, comme Casino ; et vient à la rescousse de marques européennes telles que Deliveroo.

Amazon, mais aussi Hello Fresh et Instacart ont également recruté du personnel supplémentaire pour gérer la demande accrue de livraisons à domicile, alors que tant d’autres ont été contraints d’en supprimer. Plus largement, les marques françaises auront besoin d’alliés robustes comme Amazon pour faire face aux géants chinois de l’e-commerce qui, soutenus par les subventions massives du gouvernement, étendent leur empreinte commerciale sur les marchés européens et dont les pratiques laborales douteuses semblent à peine faire l’objet d’inquiétudes.

Enfin, la décision de la cour est tout simplement un désagrément pour les 22,2 millions de Français qui commandent chaque année sur Amazon, et qui en dépendent aujourd’hui afin de rendre leurs conditions de confinement supportables. Bien que pouvant agilement recourir à ses entrepôts à l’étranger, si Amazon devait ses livraisons aux produits high-tech, de santé, et d’alimentation, cela pourrait entraîner des retards de livraison et se traduirait pour les consommateurs par une diminution du choix et d’accès à des produits variés.

Le principe de non-discrimination est, ou tout du moins devrait être un principe fondamental. Dans ce cas précis, il est clair que la France ne considère pas devoir l’appliquer aux entreprises étrangères. 

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  • le résultat de ces syndicats subventionnés et soi-disant représentatifs…

  • Il faudrait aller au-delà de l’indignation sélective. Pourquoi Amazon est-elle la seule entreprise en France qui subit une telle attaque ? Parce-qu’Amazon est la seule entreprise qui a été attaquée par un syndicat (SUD, si je ne m’abuse) sur ce fondement. La Fnac-Darty, Casino, CDiscount ou autres ne l’ont pas été, donc ils ne sont pas sujet au même jugement. Inutile de chercher un complot des juges contre Amazon ici.
    Et pourquoi Amazon a-t-elle été attaquée, malgré ses efforts ? N’ayant pas lu le jugement je ne peux pas être sûr. Néanmoins je peux émettre une hypothèse : le Droit de l’entreprise en France est particulièrement pointilleux. Il ne me paraîtrait pas surprenant qu’Amazon ait considéré comme accessoire une démarche ou un CERFA pourtant indispensable (forcément) à la vie de la nation ou au minimum de l’entreprise. Ou alors une obligation quelconque liée au CHSCT. Dans ces conditions, la condamnation est évidente : le droit n’a pas été respecté.
    Est-ce que ça rend le fait de travailler chez Amazon plus ou moins dangereux que le travail chez CDiscount ? En fait… ce n’est pas la question qui a été posée.

    Enfin, il ne faudrait peut-être pas mettre du Gouvernement dans cette affaire. Amazon est dans le collimateur de tout ce que la France compte de gauchistes plus ou moins primaires, en tant que symbole du capitalisme mondialisé. Que je sache, SUD n’est pas réputé pour ses positions ultra-libérales. Dans ce sens, l’attaque a sans doute une visée politique. Mais elle ne vient clairement pas d’ordres qui auraient pu être donnés d’en haut.

    • C est bien le problème français: si encore les juges ou l’appareil technocratique obéissant à des ordres du gouvernement, on pourrait penser qu’en changeant de gouvernement les ordres seraient différents, Mais l’appareil s’augmenteraient par une idéologie installée en son coeur: ce sont les mentalités qu’il faut changer, comment?

    • Votre commentaire est sans nul doute juste, les normes en présence permettent de penser que les juges ont respecté simplement la loi, mais cela reste inquiétant car on devine derrière tout cet appareil une politique de classe, poussée à l’extrême par le pouvoir judiciaire. Qui est-il pour dire ce qui est nécessaire à la vie ? En URSS, cela allait du pain des zeks au caviar des membres du Parti.

  • Personne ne semble s’étonner, même ici, que la « justice » prétende décider à la place du client de ce qui est « essentiel » pour lui.

  • « limiter ses activités à des produits qualifiés de non-essentiels », « Ces entreprises n’ont pas été contraintes de réduire leurs livraisons aux seuls produits « non-essentiels » » : je suppose que vous vouliez dire ESSENTIELS, et non NON ESSENTIELS

    • d’autant qu’Amazon s »en bats l’oeil la structure européenne répond a la demande ,, on peut acheter sur amazon sans probleme le job est fait en Allemagne, et les travailleurs français l’ont dans le fion
      bien joué la france!

      • CHDC,
        j’en profite pour une petite mise à jour;
        j’avais dit il y a quelques jours que ça mettait deux semaines pour venir d’Allemagne ces temps ci.
        Ma dernière commande placée samedi soir chez Amazon.de est arrivée ce mercredi…

  • Amazon a été pour nous vital en cette période. Nous ne pouvions pas sortir, n’avions plus de produits de base d’épicerie ( yaourts, œufs, lait, pain…), et Amazon était la seule entreprise de notre secteur livrant à domicile. J’ai passé des heures à la recherche d’un créneau de livraison de Monoprix ( notre magasin habituel), Carrefour, Auchan…..sans aucun succès.
    Les livraisons d’Amazon respectent parfaitement les critères de distanciation : le livreur dépose les sacs devant la porte, sonne et s’éloigne quand on ouvre la porte. Je ferai désormais encore plus appel à leurs services.
    Quand à la notion de produits non essentiels , c’est un pur scandale surtout que certains syndicats l’ étendent à l’extrême : j’ai entendu à la radio un syndicaliste protester sur le fait que des personnes se faisaient livrer de la glace ou du chocolat…Leur rêve : L’union Soviétique en France!

    • Acheter des jouets à ses enfants en période de confinement est essentiel. Ce n’est pas à un petit juge et un petit syndicaliste manutentionnaire d’Amazon de décider ce qui est essentiel pour les clients.

  • La décision de limiter le commerce en ligne aux produits essentiels est une décision politique qui ne peut qu’être applicable à toutes les entreprises du secteur. Une fois de plus, le Judiciaire se substitue à l’Exécutif, et ce de manière sélective, ce qui est doublement inconstitutionnel. ( non-respect de la séparation des pouvoirs et de l’égalité de traitement )

  • Une chose importante à ne pas négliger avec Amazon: une part importante des français y sont attachés car il paie moins cher bon nombre d’articles que chez nos enseignes nationales, tout en bénéficiant d’un service client sur la 1ère marche du podium!
    Alors même si une partie de la population, soutenue par nos élus cherche à déstabiliser ce géant, la loi du marché est là pour leur rappeler que ce n’est pas possible. Pourquoi ne pas plutôt encourager nos cdiscount, darty, fnac à proposer un service encore meilleur? Ce serait de la vraie concurrence.
    Dernier point, le risque de ces attaques contre amazon est de les pousser à recourir encore plus à la robotisation de leurs entrepôts sur le sol français, voire à s’installer juste en dehors de nos frontières pour nous livrer… et là, nous aurions le bâton et le retour du bâton.

    • Flinguer des pans entiers de l’économie française n’a jamais freiné ni les syndicats ni les dirigeants.

  • En France, il ne fait pas bon d’être Juif et/ou Américain. Ca me rappelle une époque censée être révolue.

  • Les commentaires sont fermés.

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