Cette crise tant attendue qui tarde à venir…

TRIBUNE : Si la prévision est difficile, voire impossible, il reste une carte à jouer : celle de la préparation.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Cette crise tant attendue qui tarde à venir…

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 15 janvier 2020
- A +

Par Samir Ayoub1 et Luc Meunier2.

Nous voilà début 2020, et la crise prévue pour 2019 n’est pas arrivée. Un peu comme la fin du calendrier Maya, il semblerait qu’un retard de quelques années soit à prévoir. Cette crise de 2019 aura fait couler beaucoup d’encre et aura été décrite par certains médias comme « celle qui détrônera toutes les autres ».

C’est cependant loin d’être la première fois qu’une crise annoncée ne se produit pas. Si vous tapez « Crise Financière » suivi d’une année au hasard dans Google, vous tomberez pour chacune des recherches sur plusieurs articles expliquant pourquoi une crise financière était imminente.

Certains lecteurs se rappelleront vaguement avoir entendu parler du Peak Oil de 2006, de la crise liée à l’endettement des étudiants aux États-Unis prévue tous les ans depuis 2016, ou encore de l’éclatement de la bulle 2.0… Autant de prédictions qui n’ont finalement pas eu lieu. Reconnaissons qu’une catastrophe qui n’est finalement pas survenue ne fait pas une histoire très intéressante, ni très marquante. Certainement pas de quoi faire un film hollywoodien à gros budget.

À l’inverse, le film The Big Short retrace l’histoire de Michael J. Burry, qui avait investi en prévision de la crise des subprimes. Similairement, l’économiste Nouriel Roubini a connu son heure, voire ses années, de gloire. Il faut dire que, dès 2006, il a brillamment prédit les causes de la crise mondiale de 2007-2008.

 

Jouer les Cassandre…

 

Mais voilà : pour chaque « Big Short » réussi ou prédiction correcte d’un économiste talentueux, une dizaine de prophéties se révéleront erronées… et seront aussitôt oubliées. On se rappelle de Nouriel Roubini comme l’homme qui avait prédit la crise des subprimes, et non pas comme celui qui avait à tort prévu l’effondrement complet de l’économie chinoise en 2013 ou la contamination de la crise grecque en 2012 à d’autres pays européens comme l’Italie ou la Finlande. Le sarcasme selon lequel « [Certains] économistes ont prédit 30 des 3 dernières crises » n’est donc pas complètement dénué de vérité.

Ne jetons pas la pierre à ces éminents prédicateurs pour autant : la prévision financière n’est pas chose aisée. Les crises financières sont par définition des évènements rares, des cas extrêmes et spécifiques, difficilement prévisibles a priori. Le langage commun fait souvent le parallèle avec des catastrophes naturelles : le séisme financier, le tsunami financier… Certains chercheurs appliquent d’ailleurs des modèles issus de ces disciplines pour modéliser les crises financières.

 

Le prochain Tsunami financier ? Évitons de nous mouiller

 

Et un peu comme pour une catastrophe naturelle, il faut accepter avec humilité de ne pas pouvoir prévoir avec un degré de certitude raisonnable un tel événement. Oui, une nouvelle crise financière viendra un jour… Et il convient d’admettre que, comme un séisme, nous n’en connaissons ni la date précise ni la magnitude.

Si la prévision est difficile, voire impossible, il reste une carte à jouer : celle de la préparation. Il faut finalement construire en « antisismique ». Pour utiliser la terminologie de Nassim Nicholas Taleb, auteur de nombreux bestsellers et professeur à l’université de New York, il faut construire des systèmes et des stratégies robustes basés sur des investissements moins risqués (immunes aux variations inattendues) voire anti-fragiles (qui profitent des variations inattendues).

Mais en investissement comme ailleurs, on en revient souvent au bon sens. Comme le souligne très bien Warren Buffet, « n’investissez jamais dans une affaire que vous ne comprenez pas ». Pour beaucoup d’entre nous, cela peut vouloir dire investir dans ce que certains nommeront « l’économie réelle », par essence plutôt robuste car essentielle à notre quotidien.

En conclusion, et pour paraphraser l’écrivain grec Níkos Kazantzákis, « plus la prophétie est imprécise, plus grand sera le prophète ». Nous nous cantonnerons donc dans cet article à affirmer avec la plus grande précision qu’une nouvelle crise financière viendra un jour. Mais mieux vaut avoir dévoué son énergie à mettre en place les moyens de s’y adapter que d’avoir vainement tenté d’en prédire la date.

  1. Docteur en Sciences de Gestion, Professeur de Finance, ESSCA.
  2. Docteur en Sciences de Gestion, Professeur de Finance, ESSCA
Voir les commentaires (9)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (9)
  • On ne peut pas prédire une crise par le simple fait que s’il on pouvait (et qu’on répande la nouvelle), cela affecterait la prévision, les investisseurs essayant de s’en prévenir.
    J’en déduis que pour qu’une prédiction se réalise, il faut qu’elle soit inattendue et sans fondements, puis que par hasard elle se produise. Et à force de prévoir des crises pour l’année suivante, on finit toujours par avoir raison…

    • On peut prévoir une crise en restant assez vague.. On ne sait pas quel sera le déclencheur (le maillon qui va lacher) ni l’intensité de la crise (réaction des acteurs).
      Il faut avoir le pessimisme raisonnable, celui de douter, pour limiter son exposition.

  • J’aurais bien aimé quelques conseil d’investissement.
    Personnellement, je suis quelques conseils de Charles Gave en bourse: n’achetez que des actions d’entreprises non liées à l’Etat, donc éviter les Peugeot, le btp, les banques. Privilégiez les entreprises avec une vision à long terme et qui ont l’habitude de se frotter à l’international (Michelin, Schneider, Air Liquid…). Enfin évitez les obligations et achetez de l’or physique. Et n’oubliez pas que le maître-mot sera toujours « diversification ».

    Je me renseigne notamment sur la chaîne « Grand Angle »

    Après si quelqu’un a d’autres conseil je suis bien entendu preneur en le remerciant grandement ?

    • Lire les autobiographies d’investisseurs ayant réussi et s’étant plantés, si vous maîtrisez l’anglais. De mémoire, il y a justement dans un des bouquins de Victor Niederhoffer toute une partie sur la réussite médiatique des Cassandre…

    • Et quand la banque publique d’investissement prend des participations dans les michelin, schneider, air liquide…
      On fait quoi ?

      • On se dit que la BPI a fait, pour une fois, quelque chose de sensé ?

        • Parfois je me demande s’il ne faudrait pas investir aussi dans le « procédurisme ».
          Si les actionnaires de VW peuvent être indemnisé des mensonges des dirigeants, un actionnaire Renault devrait pouvoir obtenir une indemnité chaque fois qu’un ministre exprime une énormité concernant l’entreprise ; de même, Air liquide s’engage a ne pas mettre de dispositif anti-OPA, quand l’état s’invite dans la partie, y’a comme rupture de contrat !

  • En fait, cette crise à venir s’apparente au grand Evènement qui donnera sens à notre vie. C’est l’ennemi invisible du Désert des Tartares ou du Rivage des Syrtes. C’est lui qui justifiera notre existence, fera de nous des héros, nous fera triompher de l’ennui, nous fera exister pleinement. C’est pour cela que nous l’attendons de pied ferme. Mais, comme Aldo ou Giovanni Drogo, nous risquons d’être déçus parce que l’ultime combat est tout autre.

  • S’il n’y a pas de crise pour l’instant c’est parce que les marchés sont largement faussés et que personne n’a envie d’être celui qui va appuyer sur le bouton.
    Ce qui se passe au niveau des banques centrales est largement non conventionnel et ça va se payer tot ou tard. Les bulles de crédit ne font qu’augmenter et les banques et assurances n ont pas assez de fonds propres. Silencieusement des secteurs se restructurant sans que l’on en fasse la lumière: grande distribution, transport aérien, banques, assurances, commerce de détail, industrie, voyagiste,…

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

À l'heure où notre État se trouve empêtré dans les déficits et une dette devenue difficilement soutenable, et que la campagne des législatives s'articule autour d'une surenchère de promesses plus dépensières les unes que les autres, il est utile de se remémorer dans quelle situation s'est trouvé notre pays lors de la dernière grande crise financière qu'il a connue, celle de 1789.

Le prince n’est plus le même, mais la coexistence d’une dette énorme, fruit des règnes de Louis XIV et de ses successeurs Louis XV et Louis XVI, et de déficit... Poursuivre la lecture

Un article de l'IREF.

En janvier dernier, dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, annonçait la fin du « quoi qu’il en coûte ».

L’examen parlementaire en cours des projets de loi de finances de fin de gestion pour 2023, et de loi de finances pour 2024 montrent à l’inverse que, loin d’être fini, le « quoi qu’il en coûte » se poursuit. Et ce en dépit d’un goulet d’étranglement appelé à se resserrer du fait de l’aggravation de la charge de la dette dans les prochai... Poursuivre la lecture

Il existe deux types de déchets non recyclables et mortifères : le nucléaire et la dette. Comme on ne sait pas se débarrasser ni de l’un ni de l’autre, on fait comme si le danger n’était pas imminent, ou bien on les éloigne de notre vue.

Depuis qu’Eve puis Adam ont croqué dans le pomum, l’Homme a une dette infinie envers son créateur. L’Homme de type economicus a plus de chance, il n’est débiteur que de ce qu’il a emprunté. Mais c’est déjà beaucoup pour lui. La preuve, il n’arrive même pas à honorer sa dette.

De l’État américain... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles