Nous traitons la dette comme un déchet nucléaire 

Le recours à la dette est devenu une norme que personne ne semble prêt à contester. Mais le déni est-il soutenable sur le long terme ?

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Nous traitons la dette comme un déchet nucléaire 

Publié le 15 juin 2023
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Il existe deux types de déchets non recyclables et mortifères : le nucléaire et la dette. Comme on ne sait pas se débarrasser ni de l’un ni de l’autre, on fait comme si le danger n’était pas imminent, ou bien on les éloigne de notre vue.

Depuis qu’Eve puis Adam ont croqué dans le pomum, l’Homme a une dette infinie envers son créateur. L’Homme de type economicus a plus de chance, il n’est débiteur que de ce qu’il a emprunté. Mais c’est déjà beaucoup pour lui. La preuve, il n’arrive même pas à honorer sa dette.

De l’État américain au consommateur chinois en passant par l’entreprise française, tous les agents économiques, d’où qu’ils viennent, participent à la dette. Tous s’endettent pour financer toujours plus de projets. De l’investissement des entreprises aux biens immobiliers des ménages, des déficits budgétaires de l’État jusqu’aux exubérances des marchés. On s’endette même pour rembourser de la dette.

Certains semblent d’ailleurs complètement désinhibés sur le sujet.

Parmi les meilleurs, le Japon avec ses 440 % de dette sur PIB (dette privée et publique) ; la France n’est pas loin avec ses 350 %, les États-Unis derrière à 290 % ; même la Chine est à l’honneur, à 265 %.

La France est donc aux avant-postes, mais elle peut faire beaucoup mieux.

Si par exemple, on s’intéresse à la progression enregistrée depuis 2007, juste avant les crises financière, souveraine, puis sanitaire, alors la France se montre la plus zélée avec une hausse de son ratio de dette sur PIB de près de 125 %. Cette hausse spectaculaire s’explique principalement par la sphère publique, et son recours intensif et assumé à l’endettement afin de financer les plans de sauvetage et de relance. Les amateurs se régaleront de la formidable base de données mise à disposition par le FMI.

Tout le monde s’endette, et s’endette de plus en plus.

En 50 ans la dette mondiale (publique et privée) est passée de près de 100 % du PIB à environ 250 % (FMI : global debt monitor). Certes, l’année 2021 témoigne d’une baisse historique de près de 10 % du ratio de dette sur PIB, mais il s’agit d’une baisse trompeuse car essentiellement liée à la hausse spectaculaire du PIB en valeur. En d’autres termes, le ratio de dette sur PIB a baissé, non pas parce que la dette a diminué, mais parce que le PIB a rebondi. Or, le PIB n’est pas censé rebondir chaque année.

 

L’insoutenable question de la soutenabilité de la dette

Ce n’est pas cet article qui tranchera de la soutenabilité ou pas de la dette. La littérature sur le sujet est aussi riche que celle sur le sens de la vie.

Et il semble d’ailleurs que nous en sommes restés au même point : on ne sait pas.

Il est vrai que l’arithmétique de la dette est plutôt évasive : « la dette croît tant que les revenus ne permettent pas de financer les dépenses, mais la dette croît jusqu’où ? » On ne sait pas. Mais on a failli savoir. C’était en 2008, après la publication du climatérique « This time is different ». Les auteurs identifiaient alors des niveaux d’endettement à ne pas dépasser sous peine de croissance molle. Sauf que depuis, le soufflet est retombé. Un pan de la recherche académique a reproché aux auteurs quelques libertés dans les données utilisées, et dans les tests statistiques effectués.

La dette est donc soutenable, ou pas.

C’est probablement le marché qui décidera, comme d’habitude. D’ailleurs, avons-nous vraiment le choix ? À voir la dérive de la dette depuis 50 ans partout dans le monde, il semblerait que nos économies soient devenues inaptes à fonctionner sans la dette, elles ne savent plus faire. Elles ont besoin de ce supplément d’âme depuis que leurs revenus sont devenus inférieurs à leurs dépenses. En somme, rien de bien nouveau depuis la cigale et la fourmi.

 

En attendant la catastrophe

Et puisque la catastrophe ne semble pas arriver, alors on continue de s’endetter.

Le jugement de fait (assertif) devient un jugement de droit (assertorique) : la catastrophe n’est pas arrivée, mais elle aurait pu devient la catastrophe n’arrivera pas. Une fois convaincu, le débiteur endurci a les idées claires, et se voit proposer une feuille de route assez sommaire : « Si vous trouvez la dette moche ou émétique, détournez le regard et bouchez-vous le nez… Si vous trouvez la dette encombrante, cachez-la ou envoyez-la balader ». Curieusement, il semblerait qu’il s’agisse exactement de la même feuille de route que celle proposée pour la gestion des déchets nucléaires.

Aujourd’hui, la meilleure solution pour se débarrasser des déchets nucléaires consiste à les enfouir sous terre. De la même manière, on pourrait considérer que la dette exubérante est aujourd’hui cachée dans les bilans centraux, suite à leur politique de rachats d’actifs durant les périodes de crises récentes. La deuxième solution serait d’envoyer tout balader dans le ciel, dans l’espace pour les déchets nucléaires, dans une obligation perpétuelle pour la dette.

Mais cette solution est confrontée à des problèmes techniques qui limiteraient considérablement son utilisation : la taille de la fusée pour les déchets, la « taille » de l’obligation pour la dette. En fait, il existerait bien une troisième solution : annuler la dette. Mais l’analogie avec les déchets nucléaires pourrait alors nous faire imaginer un champignon atomique.

Évidemment, si aucune de ces solutions n’était retenue, il reste une option écartée jusqu’à présent, mais qui reste valide a priori : rembourser la dette.

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  • La comparaison avec le nucléaire est injuste. On savait parfaitement dans les années 1980 comment s’y prendre pour se débarrasser de l’essentiel des déchets. J’ai bien sûr nommé Super-Phénix. Pour des raisons bassement clientélistes et électoralistes, on a volontairement détruit en France une technologie de pointe que nous étions seuls à l’époque à maîtriser, et que Chine et Etats-Unis redécouvrent aujourd’hui.

    La dette est donc pire que les déchets nucléaires, puisqu’on n’a pas de technologie similaire pour détruire la dette. Sauf évidemment si l’on en croît Monsieur Mélenchon, pour qui il suffirait d’effacer une ligne de comptabilité pour que tout soit réglé.

  • La conversion en obligation perpétuelle à faible taux (0.1%) que la BCE prendrait la moins pire des solutions. Mieux qu’une économie asphysiée, encore mieux qu’un défaut.
    Encore faudrait-il que l’état reparte sur des bonnes bases (sans déficit budgetaire), ce n’est pas gagné..

  • Plus vous êtes riche, plus vous avez la possibilité d’avoir des dettes, et comme ces dettes vous enrichissent, vous continuez à vous endetter, jusqu’à ruiner celui qui vous a prêté , car vous êtes devenu insolvable.

  • L’enfouissement des déchets nucléaire est plutôt à mettre en parallèle avec le remboursement de la dette. C’est un projet de gestion pérenne des déchets. Il y a des projets à long terme, mais dès qu’ils s’apprêtent à se réaliser, des résistance apparaissent.
    Je pense que les déchets ne seront jamais enterrés, ils resteront à l’air libre, et on devra payer leur entretien. Comme la dette ne sera jamais remboursée, et on devra payer les intérêts.
    Comme il n’y a pas de discussion cout stockage profond vs stockage surface en valeur actualisée, il n’y en a pas non plus sur la dette à propos de son remboursement et du gain sur les intérêts…

  • J’ai regardé la base du FMI. La Grèce avait 110% d’endettement en 2008. La crise de la dette est apparue en 2011. 2023+2011-2008=2026. Attention Macron, 2026<2027 tu seras encore là! Réforme des retraites?

  • La dette ne peut s’envisager par une analyse économico-financiaro-centrée comme dans cet article, car elle s’inscrit dans une stratégie d’ingérence du secteur financier dans la souveraineté des états (dette publique), et dans la liberté des individus (dette privée). Etre endetté, c’est être redevable, et conduit in fine péonage (officiel ou officieux).
    Les créanciers seraient en réalité bien malheureux de la disparition complète de la dette publique et privée car ils n’auraient plus aucun levier de pression pour imposer aux peuples ce qu’il doit faire, et aux états ce qu’ils ne doivent pas faire, en plus de la perte d’une rente quasi-éternelle pas les intérêts.

  • Il y a une solution au moins pour se désendetter : c’est de cesser de s’endetter. Il y a,en ce qui concerne la France, beaucoup de « secteurs » dans lesquels il est non seulement possible de cesser de s’endetter en dépensant inutilement à tort et à travers, mais aussi de recouvrer d’entreprendre le chemin inverse en recouvrant ses créances. Tout le monde connaît de quels secteurs il s’agit, comme tout le monde connaît aussi pourquoi les pouvoirs publics (du national au local en passant par le pseudo-national et le pseudo-local) ne bougent pas le petit doigt pour changer les choses. Bien au contraire …. Toute la « maison France est à curer, récurer et nettoyer du grenier à la cave où opèrent beaucoup trop de rats et d’araignées.

  • Cela fait des décennies que la croissance a pour seul moteur la dette, stoppez l’endettement est on est même plus en récession mais en dépression profonde. On est arrivé à une situation où le remède (rien que stopper le recours à l’endettement, l’annulation entraînerait la ruine des prêteurs – en partie la population – et par effet de dominos, l’ensemble de l’économie) est aussi douloureux que ne le sera bientôt le mal de la dette

  • Et il semble d’ailleurs que nous en sommes restés au même point : on ne sait pas.

    Si si, on sait très bien. Mais comme l’élite auto-proclamée ne veut pas faire d’effort, elle fait comme si on ne savait pas.

    « la dette croît tant que les revenus ne permettent pas de financer les dépenses, mais la dette croît jusqu’où ? »

    La dette croit jusqu’au séisme. L’autruche ayant la tête bien enterrée dans le sable, elle ne voit rien venir, et est donc surprise. Et il lui arrive des bricoles désagréables dans l’arrière-train … 😉

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