Cette politique bon marché qui mise sur l’ignorance des électeurs

Les médias sociaux ont changé l’électeur qui désormais se satisfait plus facilement d’une politique bon marché.

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Cette politique bon marché qui mise sur l’ignorance des électeurs

Publié le 11 décembre 2019
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Par Pierre Simard.

Des citoyens jusqu’ici apolitiques sont de plus en plus engagés. Ils n’y comprennent pas grand-chose, mais ils aiment bien. C’est la politique bon marché.

L’ignorant rationnel

À la fin des années 1950, l’économiste Anthony Downs a développé le concept d’ignorant rationnel pour désigner ceux qui refusaient d’investir en information politique.

Conséquemment, certains électeurs préfèrent s’abstenir. D’autres, non moins nombreux, se rendent malgré tout aux urnes pour voter par mimétisme, pour le plaisir de s’exprimer ou pour des considérations d’ordre moral.

L’arrivée des médias sociaux a toutefois changé la donne. Même si les ignorants rationnels ont peu d’intérêt pour les émissions d’affaires publiques, ils savent lire un tweet ou un statut Facebook.

Les politiciens peuvent désormais contourner le filtre des analystes politiques et rejoindre directement ceux qui leur faisaient jusqu’ici la sourde oreille. Ils peuvent transmettre un message politique requérant peu d’effort d’assimilation, donc très peu d’investissement en temps et en énergie.

Coûts d’information et d’adhésion

Si les médias sociaux permettent de réduire les coûts d’information, encore faut-il que l’ignorant rationnel puisse adhérer et faire sienne la politique qui lui est proposée.

Or, pour le séduire, il faut lui faire une proposition politique dont les coûts d’assimilation sont quasiment nuls, une politique conforme à ses intuitions préalables ; une offre politique qui a du sens a priori, mais ne demandant aucun investissement d’analyse et de réflexion de sa part. Il faut éviter les propositions contre-intuitives, et ce même si la science le prescrit. Trop coûteux en analyse.

La proposition doit couler de source de manière à ce que l’ignorant rationnel puisse en comprendre les tenants et aboutissants sans efforts. Elle doit aussi apporter une réponse simple, voire simpliste, peu importe la complexité du problème. Le nec plus ultra de la politique bon marché étant bien sûr d’incorporer dans sa plateforme des propositions s’arrimant à un mythe ou à une croyance populaire.

Évidemment, les couleuvres politiques sont non seulement admises, mais largement recommandées. Cela s’explique par le fait que par définition, l’ignorant rationnel n’investira pas dans une analyse de la véracité de l’information qui lui est transmise ni de l’efficacité de la politique qui lui est proposée.

L’offre politique bon marché

Le fameux théorème de l’électeur médian de Duncan Black suggère que les formations politiques s’alignent au centre d’une distribution gauche/droite. Elles cherchent le juste milieu, celui qui divise l’électorat en part égale et leur permet d’espérer gagner l’élection.

Dans ce modèle de référence, les électeurs n’ont pas besoin d’être satisfaits de l’offre politique qui leur est faite, ils se rallient au parti le plus près d’eux. Ils votent par défaut, pour le moins pire.

En suivant cette stratégie, les partis politiques ont trop longtemps ignoré que plus les préférences d’un électeur s’éloignent du centre – donc se déplacent vers les extrêmes de la distribution – moins grand est le bénéfice anticipé d’aller voter. Favorisant d’autant l’ignorance rationnelle de ces électeurs.

La politique bon marché vise essentiellement à séduire ce votant potentiel. Plutôt que de présumer à tort que l’ignorant rationnel se ralliera à une plateforme politique centriste, les politiciens tâchent désormais d’aller à sa rencontre en introduisant dans leur programme des propositions souvent qualifiées de populistes.

Conclusion

Si l’ignorance rationnelle de l’électeur demeure encore bien vivante, elle s’exprime dorénavant d’une manière différente : nous sommes passés de l’ignorant absent à l’ignorant partisan.

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  • excellente analyse bravo!
    ou l’on voit la pertinence électorale du « en meme temps » qui a l’usage démontre que sans alternance politique , meme fantasmée , tout finit finit dans la rue…

  • « …Nous sommes passés de l’ignorant absent à l’ignorant partisan »; merci à Pierre Simard pour ce constat de « l’ignorance rationnelle de ces électeurs ».
    Ne s’agirait-il pas de l’explication rationnelle du déficit de démocratie de la France qui fait qu’une caste de personnages formatés par « de grande écoles » se soit emparée de la vie politique et économique de ce pays.
    Nous subissons actuellement l’ignorance, savamment entretenue par une gouvernance qui espère nous imposer une réforme des retraites en nous en voilant les conséquences réelles distillées avec parcimonie et pour cause…

    • @duglandin
      outre le fait que l’électeur soit un con ,la dictature administrative et syndicale elle gouverne contre vent et marées ..
      en clair « votez qui vous voulez » c’est l’administration qui gouverne

      • @Claude Henry de Chasne
        Ce que vous constatez actuellement en France ne doit pas être généralisé systématiquement.
        Dans un pays évolué comme la Suisse, modèle de libéralisme au plan politique et économique, le taux de participation des électeurs témoigne, à lui tout seul, de l’implication certaine des électeurs quant au devenir de leur nation.
        A partir du moment ou l’on s’adresse à des élus de proximité et sous contrôle – le RIC Helvétique est une réalité – la conception du pouvoir change fondamentalement…

        • La Suisse fait figure d’exception… hélas

          • La Suisse fait figure d’exception certes. Mais en Allemagne et en Grande Bretagne, le Parlement et le gouvernement ne sont pas bloqués par des castes de fonctionnaires privilégiés qui veulent que les autres paient pour eux. Les citoyens se désintéressent peut etre de la chose publique mais cela a finalement peu d’importance car l’administration n’est pas tentaculaire et le systeme de représentation est beaucoup moins vicié qu’en France (scrutin a deux tours, mon Dieu…).

        • @Duglandin, ceci étant, on peu considérer que ceux qui sont en Suisse fédérale sont ceux bien souvent émigrés, qui ont quelque chose entre les oreilles. Pour mémoire, il y a 40 ans environs le nouveau P.D.G. de radio France fait un discours d’inauguration de son nouveau poste et c’est lui qui dit je vais faire une radio pour ceux qui ont quelque chose entre, les oreilles, pour les vieux vous vous souvenez de la suite.

        • La participation moyenne aux votations fédérales en Suisse est de 44% depuis 1990. (Certaines votations ayant eu une participation de presque 78%, notamment sur l’adhésion à l’UE; d’autres ont connu une participation de seulement 28%).

      • @claude henry de chasne-« Nous n’avons point d’Etat. Nous avons des administrations. Ce que nous appelons la raison d’Etat, c’est la raison des bureaux. On nous dit qu’elle est auguste. En fait, elle permet à l’administration de cacher ses fautes et de les aggraver. » – Anatole France – L’Anneau d’améthyste – 1899

    • On comprend comment ils on pu élire le petit con!

  • Deux éléments que l’auteur devrait peut-être creuser : la diminution constatée des capacités de lecture jointe à la diminution des temps d’attention et la sélectivité des informations proposées p.ex. par facebook, qui se concentre sur les sujets supposés favoris du lecteur, en l’inondant de messages le confortant dans ses inquiétudes, d’où – je pense – le succès de la collapsologie, de l’ écocatastrophisme et du véganisme ( pour sa partie à base de vidéos montrant les souffrances des animaux ).

    • @Lucx-Cela porte un nom l’endoctrinement, mais au lieu de passer par la propagande d’état, elle passe par les réseaux sociaux savamment utilisés par les communicants, au final, cela revient au même, mais combien de lecteurs-blogeurs connaissent le prix de leur liberté ?

    • @lucx, concernant les temps d’attention en réunion, il est en gros évalué à +/- 20,25 minutes et ceci à la condition qu’il n’y ai pas plus de 8 participants. Source, Centre des bilans de l’E.N.

  • La crasse ignorance de pas mal d’électeurs, de l’or en barre pour nos escrocs de la politique qui en ont fait leur fond de commerce…

    • @Y29 :d’ou la nécessité d’entretenir l’ignorance de l’électeur et surtout du futur électeur en baissant sans cesse le niveau de l’enseignement…Les actuels députés et ministres quarantenaires en sont une excellente illustration : ils sont d’une sottise crasse. On peut craindre le pire pour les futures générations de politiques(politicards ?).

  • psychanalyser l’électeur..encore fait il que l’électeur ait encore un cerveau individuel ..ce qui n’est plus le cas dans un monde connecté où le principe de la meute fait fureur avec son male/femelle alfa et ses followers décervellés. Une tribu a plus de gueule ,son chef est l’élu !

  • Les électeurs n’achètent plus un programme, ils achètent tel ou tel élément d’un programme. Le candidat fabrique son programme en conséquence des ces préférences comme l’a fait Macron. Mais paradoxalement je trouve que cela « réactive » les extrêmes qui du coup le sont un peu moins.

    • « Les électeurs n’achètent plus un programme »
      Et les partis ne vendent plus un programme non plus: ils font un grand catalogue de centaines de propositions, mais dans le tas, ils savent très bien que seule une toute petite portion sera réellement prioritaire.
      Et comme vous dites, l’électeur achète l’une ou l’autre proposition, comme un chat dans un sac.

    • @indivisible-« Le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. » – Albert Einstein

      • Ce genre de formule a son petit effet cependant ceux qui regardent et laissent faire le font également avec des gens qui font le bien ; ils forment l’inertie. Le problème vient du fait que les gens qui font le mal ont tendance à supprimer ceux qui s’opposent à eux ou qui pourraient le faire.

  • Sur des dizaines de reportages, des dizaines de Micro-trottoir, on entend pas une seule personne qui connaisse un minimum les problèmes des retraites. Combien coûte un an d’allongement d’espérance de vie, combien coûte les régimes spéciaux, combien coûte le chromage massif ?
    C’est la nullité crasse a tous les étages.

    • Il faut dire que le problème est complexe et l’électeur moyen préfère les explications simples.

    • @Esprit critique-Le monde politicien le sait très bien, c’est pourquoi après 18 mois d’échanges entre M. Delevoye et les partenaires sociaux c’est à dire les syndicats, tout est aussi confus dans cette réforme des retraites. C’est comme un profane devant un verre de vin au lieu de définir les caractéristiques de ce qu’il goûte il se réfugie derrière un qualificatif péremptoire : COMPLEXE

      • Les partenaires sociaux ???? Les syndicats en France représentent quasi exclusivement des fonctionnaires de la RATP, de la SNCF, de La Presse vendue au pouvoir …
        Les manifs et les gréves sont organisées par et pour des cons qui veulent défendre des systèmes « crapuleux » payés par les impôts et taxes sur les smicards. Michel Rocard le célèbre politicien de l’ultra drouatte proposait la retraite a point il y a quarante ans ! Avec les dernières conneries annoncées par le Barbu du Havre, avant la retraite il sera tout bénéfice de changer de sexe, pour chaque euro cotisé le même nombre de points et la même retraite, sauf pour les femmes ! ? Le grand barbu ne doit pas savoir que les allocations familiales sont la pour gérer ces questions, et pas les nouvelles de caisses de retraites même pas pas encore créées.

  • « On » est un con.
    Admirable et profond.
    C’est tout le suffrage universel.

    Paul Morand, Journal inutile

  • Je dirais que l’électeur potentiel aurait tendance à reconnaître une offre politique respectueuse de ses droits naturels, travail, revenus, épargne, loyauté, courage, respect etc. Or les représentants politiques offrent un spectacle tout à faire contraire, de surcroît spoliateur, clientéliste, faible et de connivence entre eux avec les syndicats et les médias contre eux. Les contraintes, réglementations et les taxes abasourdissent les habitants qui ne s’y retrouvent plus dans cette schizophrénie législative les privant progressivement de liberté, de droit d’expression, du fruit de leur travail et de leur épargne et de penser différemment voire jusqu’à se déplacer.

  • J’ai surtout l’impression que l’électeur (et le français en particulier) vote pour que l’état s’occupe enfin de ce voisin insolent ou de ce fonctionnaire privilégié dont il voudrait tant rabattre le caquet.

    Et surprise !
    Il découvre avec horreur que ce pitbull étatique qu’il avait envoyé à l’assaut des nantis se retourne contre lui la bave aux lèvres.

    Pour en revenir aux Suisses, il votent majoritairement pour décider de LEUR vie et pas de celle des petits camarades.

    Et c’est toute la différence…

    • les suisses …ils n’ont pas voté pour e maintient de la redevance audiovisuelle ? Comme quoi ce monde libéral revé est en train de faire tourner le lait de ses vaches bleues

  • Dans Against Democracy, Jason Brennan présente une analyse assez convaincante de la manière dont est partagée l’électorat, qui rejoint en partie cette analyse.
    Pour Brennan, il existe trois sortes de relations à la politique : les Hobbits, des personnes qui ne s’intéressent pas à la politique et qui sont ignorantes (mais finalement non nuisibles, puisqu’elles ne polluent pas le processus démocratique) les Hooligans, qui sont à peine plus instruites politiquement, mais sont en revanche extrêmement engagées et polluent le processus démocratique puisque leurs positions politiques sont systématiquement biaisées (de sorte que leurs erreurs ne se compensent pas). Et il y a les Vulcans, qui voient la politique comme un ensemble de problèmes à régler le plus rationnellement et le plus sereinement possible, qui sont relativement instruites et qui ne surestiment pas leurs connaissances (contrairement aux Hooligans).
    Le problème que Brennan pointe du doigt, c’est que si les Hobbits et les Hooligans sont nombreux, les Vulcans sont pratiquement inexistants, et sont même un idéal type qui n’est pas exemplifié dans la réalité. D’où le fait que la démocratie n’est pas la panacée qu’elle est censée être.
    En reprenant l’idée générale de l’article ci-dessus, on pourrait dire que les médias sociaux sont entrain de transformer des Hobbits en Hooligans, ce qui n’est pas forcément une bonne chose…

  • sauf erreur de ma part, c’est ce que j’écrivais il y a environs deux semaines de cela. L’ignorance crasse qui permet de prendre des vessies pour des lanternes. Ou une alternative: le bordel s’est invité dans la populace depuis que les intervenants (médias, enseignants et politiciens (je vais nettoyer au karcher ) )utilisent sans distinctions, les mêmes adjectifs pour commenter les exploits d’un intellectuel…. ou ceux d’un sportif. Souvenez-vous de: « à l’insu de mon plein gré ». Ca fait plus bobos goooooche. Dans le même ordre, dans les reportages animaliers, les commentateurs parlent du papa de la poule et de ses frères et sœurs etc à des auditeurs qui en ont la chaire de poule. On a donc bien remplacé la raison par l’émotion. D’où l’ignorance.

  • L’électeur, comme le consommateur (les deux termes se confondent parfois) doit être laissé dans l’ignorance sinon il réfléchit et acquiert la liberté de choisir. Fort heureusement, certains ne sont pas dupes. Mais malheureusement, les électeurs qui repoussent d’un côté sont facilement attirés par un autre côté tout aussi néfaste, voire plus car se parant de nobles intentions. (En clair : les populistes/extrêmistes de droite, de gauche et d’ailleurs).

  • Il ne faut jamais attribuer à la à la malveillance ce que seul la bêtise peut expliquer.

  • les élus devraient tous être contrôlés « on line »

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