Par Benjamin Rojtman-Guiraud1.
Un article de The Conversation
Le 10 novembre 2019, l’Espagne connaîtra sa quatrième élection législative en quatre ans. La dispersion des votes lors des derniers scrutins nationaux a entraîné quatre dissolutions du parlement, rendant l’Espagne difficilement gouvernable au cours des dernières années. L’actuel Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez n’a pas été en mesure de former un nouveau gouvernement.
Ces élections se dérouleront sous fond de tension entre les partis et leaders indépendantistes catalans et Madrid. Dans ce climat d’exaspération, l’extrême droite quant à elle tente d’avancer ses pions dans le paysage politique espagnol.
Le réveil des tensions en Catalogne a démarré le 14 octobre 2019 lorsque la Cour suprême espagnole a condamné des dirigeants indépendantistes catalans à des peines allant de 9 à 13 ans de prison. Pour rappel, ces derniers, sous la houlette notamment de Carles Puigdemont, avaient organisé le 1er octobre 2017 un référendum sur l’indépendance de la Catalogne. Le gouvernement espagnol, par l’intermédiaire de Mariano Rajoy, avait jugé cette consultation illégale et pris à son encontre un certain nombre de mesures – notamment la fermeture de la plupart des bureaux de vote.
Une mobilisation massive en Catalogne
Depuis cette date, le ton n’a eu de cesse de monter entre les dirigeants catalans indépendantistes et les gouvernements à Madrid, plongeant de fait l’Espagne dans une crise profonde. Le verdict rendu par la Cour suprême espagnole a poussé les indépendantistes à descendre dans la rue et à organiser des grèves. La ville de Barcelone fait depuis l’objet de nombreuses manifestations, au cours desquelles de violentes émeutes ont éclaté.
Celles-ci ont paralysé une grande partie de la Catalogne avec des axes de transports bloqués (gares, aéroports, routes), mais ont également entraîné le report du célèbre match du Clásico entre le FC Barcelone et le Real Madrid puisqu’à la même date une gigantesque manifestation était annoncée – le samedi 26 octobre – à l’appel d’associations indépendantistes et de quelques syndicats.
La journée du vendredi 18 octobre a été particulièrement violente dans les rues de Barcelone. La manifestation a rassemblé autour de 500 000 personnes et, à la nuit tombée, des affrontements ont opposé indépendantistes radicaux, quelques groupuscules d’extrême droite et les forces de l’ordre. C’est au cours de ces heurts qu’ont surgi dans les médias des images de saluts nazis chez des manifestants extrémistes. Sur les réseaux sociaux, des vidéos d’agressions violentes ont également circulé.
L’indépendance catalane, moteur de Vox
Ces manifestants néonazis sont pour la plupart des soutiens actifs du parti d’extrême droite espagnol Vox, fermement opposé à l’indépendantisme. Pour situer ce parti, il a été fondé en 2013 après la scission de membres du Parti populaire, ayant pour objectif d’incarner une nouvelle droite nationaliste en Espagne. Le parti ne cache pas sa nostalgie du franquisme, comme le soulignent les propos révisionnistes de son secrétaire général Javier Ortega Smith, tenus le 4 octobre dernier alors qu’il s’exprimait sur son opposition à l’exhumation de Franco.
À l’occasion des élections générales en 2015, Vox n’avait recueilli que 0,23 % des voix, mais lors des élections en Andalousie en décembre 2018, le parti était parvenu à 10,96 % de suffrages, et douze sièges au parlement d’Andalousie. Il est alors le premier parti d’extrême droite à faire son entrée au Parlement espagnol depuis la fin du franquisme.
Enfin, lors des récentes élections générales espagnoles de 2019, Vox recueille 10,3 % des suffrages et aspire désormais à s’installer sur la scène politique espagnole grâce à une adhésion de plus en plus croissante des jeunes. C’est entre autres le débat sur l’indépendance de la Catalogne qui a permis à Vox de gagner quelques points dans les sondages et de s’inviter dans le débat politique espagnol. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de voir le parti s’emparer de la crise en Catalogne pour pointer du doigt le laxisme et le manque de courage du gouvernement face aux indépendantistes catalans.
Rappelons que, lors des dernières élections d’avril 2019, la question de la gestion catalane avait déjà été un moteur du vote en faveur de Vox dans la plupart des régions. S’il avait abondamment utilisé ce thème, il avait néanmoins réalisé des scores faibles dans les régions ayant une culture autonomiste ou indépendantiste.
La naissance d’un mouvement indépendantiste ultra
Pour autant, certaines thèses de l’extrême droite se retrouvent également dans le camp indépendantiste. Une organisation catalane appelée « Movimiento Identitario Catalán » (Mouvement identitaire catalan) serait ainsi en train de gagner en influence dans les différentes manifestations des derniers jours à Barcelone. Bien que ce mouvement soit pour le moment ultra minoritaire, certains de ses membres n’en restent pas moins des fervents partisans voire parfois des militants du parti Vox.
Cette faction ultra affiche des thèses similaires aux mouvements suprémacistes dans d’autres pays. Ses militants, par exemple, sont favorables à une Catalogne catalane dans laquelle les aides sociales seraient exclusivement versées aux Catalans de « souche ».
Face à ces troubles, plusieurs voix se sont élevées pour demander l’arrêt de toutes les violences survenues en marge des manifestations ou affrontements. Les leaders des deux grands partis catalans, Républicains de gauche et Libéraux de centre droit, ont notamment appelé à la tenue de manifestations pacifistes tout en condamnant fermement tous les débordements.
La position jugée ambiguë du Président catalan
Mentionnons également la réaction tardive de l’actuel Président indépendantiste catalan, Quim Torra. Défiant ouvertement le gouvernement espagnol, il s’est engagé dans une escalade verbale, appelant même à une nouvelle élection pour statuer sur l’indépendance de la Catalogne d’ici la fin de la mandature actuelle soit 2022. Nombreux, parmi les anti-indépendantistes, sont ceux à penser qu’il réagit davantage en tant que fervent militant indépendantiste qu’en tant qu’élu.
À l’échelle nationale, l’actuel chef du gouvernement espagnol (Pedro Sánchez) et Pablo Casado, chef de l’opposition et leader du Parti populaire (PP), se sont rendus à Barcelone pour aller à la rencontre des forces de l’ordre et des blessés. Pedro Sánchez a toutefois refusé de s’afficher aux côtés de Quim Torra, à qui il reproche des propos ambigus concernant les évènements qui agitent la Catalogne. Alors que les Espagnols vont être amenés à voter dans quelques semaines, la situation actuelle en Catalogne est devenue le sujet le plus commenté de la campagne électorale. D’après un récent sondage, le parti d’extrême droite semble profiter de la crise catalane et pourrait gagner des élus.
C’est donc dans un climat très tendu que les Espagnols s’apprêtent à retourner aux urnes le 10 novembre 2019. Sur fond de tension entre Madrid et Barcelone, ces élections risquent de voir le parti d’extrême droite Vox s’implanter durablement comme la troisième force politique du pays. Si tout laisse à penser que la situation conflictuelle en Catalogne perdurera au-delà de ces élections, celles-ci n’en demeurent pas moins essentielles pour garantir une stabilité politique et démocratique à l’Espagne.
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- Doctorant en Sciences politiques, Université de Lorraine ↩
Il serait bien que l’ auteur de cet article que je trouve assez naïf s’ informe un peu moins sur le journal Elpais qui est clairement de gauche…….Vox est aussi un parti libéral sur le plan économique qui dénonce la bureaucratie exponentielle, la pression fiscale sur les entrepreneurs, l’ assistanat, les subventions et les syndicats de gauche. Vox dénonce surtout le marxisme et tout ses dérivés. Pour ce qui est du franquisme et bien cessons de regarder l’ histoire de manière carricaturale et manichéenne comme le fait la gauche. O tempora O mores, autre temps autre moeurs. Franco était un militaire farouchement anti communiste et profondément catholique qui s’ opposa à une république dominée par les anarchistes de gauche et les socialo communistes tous violement anti cléricaux et anti capitalistes. Pour ce qui est de la Catalogne…..Et bien comme dans tout l’Espagne, toute l’ extrême gauche anti capitaliste s’ est engoufré dans le combat pour l’ indépendance des régions, comme en France cette extrême gauche anti libérale domine dans l’ enseignement et la culture, il y a donc une propagande honteuse qui contamine toute une génération.
Avant de parler d’extrême droite et de révisionnisme, il faudrait regarder l’histoire d’un peu plus près et considérer ce qui se trouve derrière ces termes. Qualifier certains de révisionnistes évite le débat, comme si l’histoire était écrite une bonne fois pour toutes (sur d’autres sujets, on a les climatosceptiques, négationnistes etc…)
Les mouvements indépendantistes ont fait l’affaire de l’UE dans le cadre de sa politique d’eurorégions censées dissoudre à terme les Etats européens, les eurorégions étant directement sous la dépendance de Bruxelles et les frontières nationales devenant de simples frontières administratives.
La question de fond est celle du niveau de la décision politique. Il se trouve que les indépendantistes, comme l’UE veulent voir disparaître le pouvoir de l’Etat national… Qu’un parti souverainiste s’oppose à une telle politique n’a rien d’étonnant. Qu’on diabolise un tel parti comme on l’a fait en France avec le FN non plus. Mais cela élude la question de fond, celle qu’on s’obstine à ne pas poser. Avec en corollaire celle de la démocratie. Un détail…
L’Europe des eurorégions a du plomb dans l’aile, mais Madrid se retrouve à en gérer les conséquences.
Je réécris cette phrase qui, à la relecture, n’est pas très claire:
La question de fond est celle du niveau de la décision politique. Il se trouve que les indépendantistes, tout comme l’UE, veulent voir disparaître le pouvoir de l’Etat national…
Bien vu, le révisionisme fait parti de l’ arsenal sémantique qu’ utilise la gauche pour éviter tout débat de fond. Pour ce qui concerne la guerre d’Espagne et Franco il faut lire plusieurs version et ne pas se contenter de la version des historiens marxistes qui décrivent les républicains comme des anges démocrates.
Et que va faire notre ancien ministre de l’intérieur qui est allé fourrer son nez dans ctte affaire.? va-t-il prendre partie pour Vox.?