Par Johann Serfontein.
Un article de Libre Afrique
Winston Churchill a dit un jour « Celui qui échoue à planifier, planifie d’échouer ». La planification n’est pas une garantie de succès. Preuve en est, le gouvernement sud-africain ne cesse d’élaborer des plans et des politiques visant à tout régler, de la South Africa Airways (SAA) à Eskom en passant par l’économie en difficulté et le résultat se fait attendre. Le plus incompréhensible est le déficit de capacités lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre ces plans.
D’un plan à un autre
À présent, un grand plan visant à résoudre la crise du système de santé publique a été lancé en grande pompe. Mais cela reste un plan, lequel ne réussira que s’il peut être réalisé avec succès. On a l’impression que l’avenir du système de santé dans son ensemble soit tributaire de la capacité du gouvernement à concrétiser son plan.
Ainsi, le président Cyril Ramaphosa a indiqué que le succès de ce plan conduirait à la mise en œuvre de l’assurance maladie nationale (NHI), et le gouvernement est en train d’adopter la législation permettant la création d’un fonds d’assurance maladie. La question demeure : que se passera-t-il si le pacte de santé présidentiel ne parvient pas à réformer le système de santé publique ?
L’échec annoncé
La SAA a fait l’objet de 10 stratégies de redressement au cours des 15 dernières années et sa rentabilité n’est toujours pas au rendez-vous. Les plans stratégiques au profit d’Eskom et la SABC ont été paralysés par les syndicats qui s’inquiètent des licenciements et des réductions d’effectifs nécessaires pour mettre en place les stratégies rigoureuses et impopulaires visant à redresser la situation de leurs entités. Il semble que ces mêmes syndicats ne se rendent pas compte que la mise en œuvre de la NHI retirera la quasi-totalité des services de santé de la sphère de responsabilité provinciale, ce qui entraînera le licenciement de la plupart du personnel administratif des départements provinciaux de la santé.
Le personnel du secteur privé qui bénéficie actuellement de couverture santé privée devra désormais utiliser les services des établissements publics, avec les longs délais d’attente que l’on connaît dans ce secteur. Le fait que la fédération syndicale Cosatu ait en grande partie passé sous silence le projet de loi relatif à la NHI, approuvé par le Parlement, pourrait indiquer que ses membres ont déjà commencé à réfléchir à des voies de remplacement en cas d’échec.
Bien que personne ne prévoie ouvertement l’échec du système de santé sud-africain, il serait prudent de commencer à chercher des solutions de remplacement à l’assurance maladie nationale avant que le pacte de santé présidentiel n’échoue dans l’atteinte de ses objectifs. En fait, la question n’est pas de savoir si le plan échouera mais plutôt de savoir quand il échouera !
Un grand nombre des propositions contenues dans le pacte sont des mesures qui devront déjà être implémentées dans le système de santé actuel. D’autres nécessiteront des modifications de la loi. Il est illusoire d’imaginer que le personnel actuel inefficace, qui omet déjà d’appliquer les réglementations et de faire son travail depuis des années, devienne miraculeusement compétent sous l’effet de la signature d’un simple document.
Des politiques déconnectées du contexte
À l’heure actuelle, 95 % des établissements publics ne respectent pas les normes requises pour passer un contrat avec le fonds de la NHI. Malgré cela, le gouvernement continue de l’avant avec son projet de loi. Si le pacte ne parvient pas à améliorer radicalement la qualité des établissements publics pour les mettre en conformité avec les normes les habilitant à contracter avec le fonds de l’INSA, quels établissements vont-ils fournir des services aux Sud-Africains dans le cadre de la NHI ? Le livre blanc de la NHI a déclaré que les installations publiques constitueraient le pivot de la prestation des services de la NHI. Si l’épine dorsale est manquante en raison de l’impossibilité de contracter avec la NHI, le système de santé tout entier sera totalement paralysé.
Le gouvernement met tous ses œufs dans le même panier avec le plan présidentiel/NHI, sans trop réfléchir à un scénario dans lequel le pacte ne permettrait pas de redresser complètement toutes les installations défaillantes du système de santé publique dans son ensemble, ce qui impliquerait que la NHI ne puisse pas être réalisée. On semble ignorer toutes les petites mesures provisoires qui pourraient améliorer la qualité de la santé publique et réduire les coûts dans le secteur privé. Pourquoi la politique gouvernementale s’appuie-t-elle toujours sur de grands changements systémiques dictés par l’idéologie, plutôt que sur des mesures modestes et réalisables pouvant résoudre les problèmes ?
Si, ou quand, le pacte de santé présidentiel/NHI échouera, les dommages systémiques causés par sa tentative de mise en œuvre seront si graves qu’il faudra des décennies pour les réparer. Les projets pilotes de la NHI ont montré que le succès est peu probable, et pourtant le gouvernement se précipite aveuglément. Chaque étape dévastatrice amènera les soins de santé de l’Afrique du Sud plus près de l’abîme.
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Sans creuser trop le sujet, il y a un truc qui me fait toujours titiller quand on parle de santé (et de justice) : est-ce que l’intégrer dans le système économique traditionnel est bon ?
Je veux dire… Que j’ai les moyens ou pas de sauver mon enfant d’une maladie, ou ma propre personne d’un cancer, ou ne pas devoir souffrir le martyr d’une sciatique, etc.. ne devrait pas rentrer en ligne de compte…
Des gens diraient “ah mais ils n’ont qu’à prendre leurs responsabilités et prendre une mutuelle privée blabla”. Oui oui, au pays des Bisounours. Imaginons plutôt un pays super libéral. Aucune couverture santé de base, chacun est responsable de sa santé et libre de choisir comment s’assurer (libre, vraiment ?)
Une ouvrière, 2 enfants, pas de mari, gagne un salaire faible. Une mutuelle complète pour elle et ses 2 enfants ? Si je me base sur quelques infos trouvées sur le net parlant des USA, ça fait une facture mensuelle de grosso modo 600 euro (formule de base très basique). Bien sûr, elle a le choix de ne pas s’assurer ou de n’assurer que ses enfants. Entre vivre et mourir, il existe la liberté de choix (attention, ceci était de l’ironie).
Rajoutons un petit bonus à cette petite famille. Un ancien cancer pour la maman et une santé fragile chronique pour la petite. L’assurance privée se régalera de demander beaucoup plus pour ces risques supplémentaires ! Risque de nouveau cancer, et la petite qui va certainement passer sur la table d’opération 4 ou 5 x avant ses 18 ans. Oh oui !! Elle est belle la liberté de crever quand on a pas les moyens de payer pour sa vie.
Les revenus plus élevés peuvent bien sûr se permettre un réel choix entre des formules à 1500 euro par mois, c’est tellement mieux de ne pas craindre une petite infection parce qu’on a de l’argent.
Oui, je suis un chouia énervé. Quand ça parle dignité humaine, respect de la personne, de la vie, etc, ça m’énerve.