Bibliothèques numériques et crowdsourcing

Dans l’activité des bibliothèques, le crowdsourcing est un tournant majeur, introduisant la participation d’amateurs.

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Bibliothèques numériques et crowdsourcing

Publié le 19 juillet 2019
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Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre

« Afin d’externaliser certaines tâches, les bibliothèques font désormais appel à des foules d’internautes, rendant plus collaborative leur relation avec les usagers. […] l’ouvrage offre un panorama des projets dans les domaines de la numérisation à la demande […]. Il présente également un état de l’art concernant les types de projets, la communication, le recrutement, les motivations des internautes, la sociologie des contributeurs, la qualité du travail, l’évolution des projets et la conduite du changement ».

Chargé de projets de numérisation et de text mining à l’Institut national de la recherche agronomique, Mathieu Andro a également conduit des projets de numérisation de la bibliothèque Sainte-Geneviève. Il observe et analyse un phénomène inédit dans le domaine de la curation des bibliothèques : le choix de confier à une foule d’internautes certaines tâches collaboratives jusqu’alors externalisées auprès de prestataires, issus de pays dont la main-d’œuvre est bon marché. Un nouveau modèle économique émerge ainsi, dans la société et dans le réseau des bibliothèques. Pour illustrer ce phénomène, les projets ne manquent pas, de la numérisation à la demande, à la correction participative, ou encore la « gamification ».

Le crowdsourcing en bibliothèque : un nouveau paradigme

« Le crowdsourcing modifie le paradigme sur lequel repose des bibliothèques largement centrées sur la constitution et la conservation de collections. Il modifie également le rapport entre les producteurs d’un service que sont les bibliothécaires et ses consommateurs que sont les usagers, ces derniers devenant également des producteurs actifs du service ». 

De nouveaux modèles économiques à la demande renouvellent la politique documentaire, jusqu’à partager cette dernière avec des usagers qui décident de ce qui sera numérisé ou imprimé. Les collections deviennent en quelque sorte les productions des usagers, fruits de l’intelligence collective. Cette transformation impacte de fait le métier de bibliothécaire, recentré sur ses compétences singulières et spécifiques.

Le périmètre du crowdsourcing en bibliothèque : des bénévoles au travail involontaire

« Si le crowdsourcing explicite classique présente l’intérêt de collaborer avec le grand public et la société et être source d’opportunités par les ruptures innovantes que le public peut parfois susciter, le marché encore disponible pour ce recours revisité au bénévolat commence toutefois à se resserrer à cause de la multiplication des projets et de l’apparition de nouvelle formes de crowdsourcing ». 

Par ailleurs, Mathieu Andro rappelle que le coût des projets et le développement des plateformes n’est pas toujours à la hauteur des investissements demandés. Ces projets demandent en effet de déployer des actions de communication, de recrutement de formation au management des communautés de bénévoles. Autre approche, le crowdsourcing implicite permet quant à lui de faire travailler les internautes, sans qu’ils en aient l’impression. La gamification permet de faire travailler les internautes tout en leur donnant le sentiment de jouer. Une méthode qui a prouvé son efficacité mais soulève des enjeux éthiques vis-à-vis de l’usager.

Panorama de quelques projets de crowdsourcing : l’oxford great war archive et Europeana 1914-1918

« La mise en ligne et curation participatives consistent à permettre à des internautes de compléter les collections numériques institutionnelles avec leurs exemplaires ou leurs propres sélections ». 

En 2008, l’Université d’Oxford au Royaume-Uni a créé un fonds rassemblant les archives privées de citoyens anglais portant sur la Grande Guerre. Des documents privés qui ont ainsi permis de compléter des collections publiques. Le succès de ce projet a encouragé Europeana à mobiliser d’autres institutions nationales, locales et dans toute l’Europe. Le projet « Adding your story to Europeana 1914-1918 », s’est directement inspiré de l’expérience de l’université d’Oxford. Dans le même esprit, en France du 9 au 16 novembre 2014, plus de 70 points de collecte mis en place par des institutions volontaires ont permis l’organisation de l’opération « La Grande Collecte », en mettant à disposition du personnel mais aussi des ateliers de numérisation. Mais en participant à la numérisation de leurs propres archives, internautes, usagers et bénévoles remettent en question la notion de « collection », mission au cœur des fonctions de bibliothécaire. Impactée par cette évolution, la curation devra s’adapter et trouver un nouveau positionnement face à ces nouveaux acteurs de la politique documentaire.

Le recours à la gamification : art collector

« Art collector est un jeu plus spécifiquement destiné au patrimoine numérisé et inspiré des expérimentations de gamification précédemment étudiées. C’est un jeu développé à titre expérimental sur Facebook autour du Swedish Open Cultural Heritage (SOCH), qui agglomère près de 100 000 images collectées sur divers sites web valorisant le patrimoine culturel suédois ». 

L’objectif de ce jeu est de devenir le plus grand collectionneur d’art en additionnant la valeur des œuvres acquises. Cette valeur est déterminée par le nombre de tags qui la décrivent. Les internautes participent, dans un dynamique ludique, à la constitution d’une collection, animés par l’esprit de compétition, la mise en réseau, et la collaboration stratégique afin de remporter le trophée du meilleur collectionneur.

Évaluation du crowdsourcing : la conduite du changement

 « Tout changement dans la manière de travailler a tendance à générer une résistance et une volonté presque naturelles de conserver l’ancien mode de travail ».

Dans l’activité des bibliothèques, le crowdsourcing est un tournant majeur, introduisant la participation d’amateurs. Dans les bibliothèques, ces résistances concernent la peur d’une charge de travail trop importante, une hostilité idéologique vis-à-vis du secteur privé, le scepticisme vis-à-vis de la mobilisation de bénévoles ou le financement privé de numérisation d’ouvrages. Mathieu Andro conlut :

« Les bibliothèques ont déjà perdu le monopole d’intermédiaire obligatoire entre l’information et le public. […] Néanmoins, cette ubérisation des bibliothèques semble inéluctable et pourrait aussi être très prometteuse »

Pour aller plus loin :

–       « Bibliothèque numérique », site de l’auteur Mathieu Andro.

–       « Numérisation et impression à la demande en bibliothèque : un panorama », mémoire d’étude de Sophie Klopp, université de Lyon 2014.

–       « Le métier de bibliothécaire remplacé par des robots d’ici 5 ans » »actualitte.com

 

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