Hausse du prix de l’électricité, les Français en plein paradoxe

La hausse du prix de l’électricité confirmée par François de Rugy a suscité bon nombre de critiques, de la part des citoyens comme des politiques. La réaction des premiers s’expliquant bien souvent par l’opportunisme électoral des seconds. OPINION

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Ampoule By: Arnaud B. - CC BY 2.0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Hausse du prix de l’électricité, les Français en plein paradoxe

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 11 avril 2019
- A +

Par Maruan Basic1.

Quelques heures après que le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, a annoncé la hausse annuelle des tarifs réglementés de l’électricité, prévue « sans doute à la moitié de l’année », les commentaires n’ont pas manqué d’affluer. Avec la plupart du temps des lettres écrites en majuscules, cerclées de point d’exclamation, et souvent les mêmes expressions : « vaches à lait »« écologie ultra-punitive » ; quelques innovations aussi : « pas près de ranger mon gilet jaune ».

La hausse de 5,9 % du prix de l’électricité, pour tous les abonnés au tarif  bleu d’EDF (soit 25,6 millions de foyers et 3,2 millions de professionnels), avait été décidée, pour mémoire, par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), fin 2018. Face à l’ampleur de la crise des Gilets jaunes, dont l’élément déclencheur avait été la hausse du prix de l’essence, le gouvernement avait alors décidé de reporter cette mesure, qui aurait dû intervenir en février dernier. Cette hausse interviendra en juin et sera vraisemblablement de 85 euros par an pour tout foyer se chauffant à l’électricité.

Une augmentation « due principalement à une hausse des prix de marché de gros de l’électricité, ainsi qu’à une augmentation du prix des capacités électriques », a expliqué le ministère de l’Écologie, alors que les coûts d’approvisionnement d’EDF, qui grimpent en ce moment, comptent seulement pour 36 % dans le prix final. François de Rugy, sentant la tempête frémir, a également pris les devants en assurant que le prix de l’électricité, en France, était « l’un des plus bas d’Europe » ; selon les statistiques européennes, il se situe effectivement dans la tranche basse.

C’était oublier bien vite la capacité des Français, et des politiques notamment, à critiquer à tout bout de champ. Qu’importe la raison. « Je râle donc je suis » pour seul mantra. Et à ce petit jeu-là, Ségolène Royal, qui cherche visiblement à revenir sur la scène nationale, semble rompue. Selon elle : « la hausse des prix de l’énergie doit faire l’objet d’un processus démocratique » « N’oublions pas que le mouvement des Gilets jaunes est née d’une exaspération » « Les consommateurs ont le droit de comprendre pourquoi et comment l’énergie augmente ».

Nucléaire vs charbon

Un joli fourre-tout de phrases-bateau, visant ni plus ni moins à endommager le fuselage du gouvernement. Mais ce faisant, l’ancienne ministre de l’Environnement, s’expose à d’inévitables contradictions. S’émouvoir de la hausse de l’électricité sans préciser que l’Hexagone jouit de tarifs ultra-préférentiels en Europe ? Passe encore. N’y a-t-il pas en revanche un léger paradoxe à critiquer cette augmentation tout en exigeant une baisse du nucléaire dans le mix électrique français ?

Lorsqu’elle était aux manettes, Ségolène Royal plaidait volontiers pour la fermeture des centrales nucléaires en France. L’ancienne ministre nage dès lors en plein paradoxe : vouloir diminuer l’atome dans notre consommation électrique tout en pestant contre les hausses du prix de l’électricité. Car comme le rappelle Michel Gay, fin connaisseur de la question nucléaire, « les coûts de production sont particulièrement bas en France grâce essentiellement au nucléaire ». Énergie qui, selon un baromètre établi par KPMG et l’Institut Choiseul en 2016, place la France numéro un mondial pour « la qualité de son électricité, sa disponibilité et son accès ».

« Les coûts de production les plus bas en Europe, hors de France (et non le prix payé par le consommateur), sont ceux de pays produisant essentiellement l’électricité avec du charbon […] ou ayant beaucoup d’hydraulique », estime par ailleurs Michel Gay. Autrement dit : difficile de mieux concilier maîtrise du prix de l’électricité et lutte contre le réchauffement climatique — dû en grande partie au carbone qui s’échappe des centrales à charbon — qu’en France. Dont le contre-exemple parfait reste l’Allemagne, égérie des renouvelables et des émissions de gaz à effet de serre…

« Depuis 1990, la production d’électricité aura au total émis environ 10 milliards de tonnes de CO2 en Allemagne, contre 1,5 milliard en France, estiment le géochimiste Bernard Durand et le chroniqueur énergie Jean-Pierre Riou. Cela est dû à l’usage important du charbon en Allemagne, la France ayant privilégié le nucléaire jusqu’à produire avec 75 % de son électricité ». Des réflexions et des chiffres tout ce qu’il y a de plus objectifs, étonnamment absents de la bouche des politiques tout comme des citoyens.

  1. Maruan Basic est diplômé de l’Université Paris Dauphine. Après une expérience professionnelle au ministère de la Transition Écologique et Solidaire (2017-2018), il travaille aujourd’hui pour la Société Française d’Énergie Nucléaire (SFEN).
Voir les commentaires (23)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (23)
  • L’augmentation est ttc ou ht ?
    Les 85€ conserne uniquement les menages se chauffant autrement qu’a l’electricite et il serait etonnnant que l’abonnement et autres frais en plus du kw n’augmentent pas de quelques pourcents….donc , en gros , un bon 10% et pour moi environ 200€ en plus d’une surconsommation causee par la meteo de plus en plus mêconnaissante du réchauffement climatique.

    • je ne comprends pas trop votre point.. justement si seuls les tarifs augmentent de 5% ET les abonnements augmente de 5% la hausse est de 5%..

      • en tant que ce qu’il est nécessaire de demander est la vérité des prix…donc le marché, en fait il n’est pas impossible du moins en théorie dans un pays socialiste que les tarifs de l’électricité soient maintenus artificiellement bas, ce qui revient à dire que les consommateurs n’ont pas à se plaindre…

        en fait …on ne sait pas trop..

      • 🙁 dur dur les pourcentages !
        Je suppose que les autres taxes augmentent au passage !

    • comment trier ceux qui se chauffent a l’électricité ? de ceux qui se chauffent avec autre chose..

  • ben déjà beaucoup de français estime que le gouvernement a la capacité à fixer un tarif de électricité, qu’il a en fait une liberté de choix et n’est pas contraint par la réalité de la production et de la consommation…
    et le pire est que c’est un peu vrai le gouvernement peut nier la réalité..du moins un certain temps..
    rappelons royal obligé d’augmenter les tarifs du ..passé…

    l’interventionnisme politique dans le domaine de l’énergie a forcement des conséquences de ce genre.

    c’est comme discuter des programmes dans l’ed nat quand on ne veut que l’etat se mêle d’éducation..c’est déprimant.

  • rentré de taxes et de tva dans les caisses …..c’est tout ce qui intéresse l’état …..point barre….

  • si on part du principe que 59% de la facture est constituée de taxes…
    on vous prend pour des cons épicétou

  • Ce qui est moins connu et dit avec discrétion quand c’est dit, c’est que la CRE recommande et EDF demande le rattrappage de l’augmentation depuis le 1er janvier 2019. donc les prix augmenteront, selon de Rugy, vers le mois de juin mais avec un rappel sur facture… Sûr que cela va faire plaisir aux consommateurs, Gilets jaunes ou pas …

  • EDF pour cause d’UE est tenu de revendre de l’électricité a des sociétés bidons qui facturent les frais de gestions et de facturation et s’en mettent plein les fouilles. Pour pouvoir augmenter leur marges ces entreprises suces fric n’ont qu’un’ solution voir les tarifs officiels augmenter.

  • Si l’on y regarde de plus près, la commission de régulation de l’énergie considère qu’il faut augmenter le tarif d’EDF pour éviter la faillite des fournisseurs alternatifs.
    Des technocrates – avec un agenda politique, voire idéologique – se sont mêlés de ce qui autrefois, relevait de décisions industrielles, voilà le résultat.
    https://arretsurinfo.ch/lue-se-comporte-comme-une-agence-chargee-de-defendre-des-interets-globaux-financiers-et-de-pouvoir/

  • Collectivement nous sommes des abrutis! Jamais un produit comme l’électricité n’aurait du être aux mains du privé, pour eux seul le profit compte; ce qui en soit est normal mais ce qui n’est pas normal c’est des taux d’intérêts à deux chiffres. Ce bien est commun à toute population. J’ai une solution utopique, interdire toute réélection dans le même poste, député, maire, conseiller etc…

    • C’est de l’ironie? L’électricité est au mains de l’état. Il fixe les tarifs, ordonne l’ouverture/fermeture des centrales, empoche les dividendes et les taxes. Même les particuliers qui produisent doivent revendre à l’état avec un tarif officiel (qui dépend de plein de choses).
      Le seul cas « aux mains du privé », ce sont les auto consommateurs non conventionnés EDF, et c’est très rare…

    • 83.7 % pour l’état
      13.1 % pour les actionnaires institutionnels
      1.9 % les actionnaires individuels hors salariés
      1.2 % actionnaires salariés
      0.1 pour l’autodétention
      chiffres qui proviennent des informations sur le capital d’EDF, alors chercher l’erreur

  • Le but de l’augmentation de l’électricité c’est de rendre peu intéressant l’usage des pompes à chaleur. Les marchands de pétrole et de gaz se frottent les mains.La France exporte de l’électricité à bas coût et importe des moulins à vent allemands.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
5
Sauvegarder cet article

Comme chaque année, les chiffres de la balance commerciale sont minorés et présentés en retirant les frais de transport du montant de nos importations.

Les frais de transport sont pourtant une partie intégrante du coût de revient et sont répercutés sur le prix de vente au consommateur. Mais pourtant, ils sont retraités afin de les comparer aux chiffres des exportations qui, eux, n’intègrent pas les frais de transport. L’opération semble contestable…

Les « vrais » chiffres de la balance commerciale de 2022 avaient ainsi frôlé les... Poursuivre la lecture

La nécessité de décarboner à terme notre économie, qui dépend encore à 58 % des énergies fossiles pour sa consommation d’énergie, est incontestable, pour participer à la lutte contre le réchauffement climatique, et pour des raisons géopolitiques et de souveraineté liées à notre dépendance aux importations de pétrole et de gaz, la consommation de charbon étant devenue marginale en France.

Cependant, la voie à emprunter doit être pragmatique et ne doit pas mettre en danger la politique de réindustrialisation de la France, qui suppose une... Poursuivre la lecture

Entre désamour de son parc nucléaire, illusions renouvelables, pressions allemandes et injonctions de l’Europe, la France, dont le puissant parc de production d’électricité était décarboné avant l’heure, a lentement sapé la pérennité du principal atout qu’il représentait. Après des fermetures inconsidérées de moyens pilotables, l’apparition du phénomène de corrosion sous contrainte qui a affecté les réacteurs d’EDF dès 2021 a cruellement révélé l’absence de renouvellement du parc depuis que l’ASN en avait exprimé la nécessité, en 2007. En ent... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles