Brexit : la City choisit la spécialisation et l’expertise dans l’eurozone

Les acteurs du secteur financier britannique privilégient les places sûres. Si le Brexit devait se confirmer, Dublin et Luxembourg auront largement leurs préférences. Voici pourquoi.

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Euro BCE (Crédits Maciej Janiec, licence Creative Commons)

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Brexit : la City choisit la spécialisation et l’expertise dans l’eurozone

Publié le 19 mars 2019
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Par Adelin Remy1.

Les médias européens spéculent sur la possibilité de nombreux acteurs de la City de déménager à Bruxelles, à Dublin, à Francfort, à Luxembourg ou à Paris.

Les chiffres aujourd’hui sont  :
– Dublin : 100 demandes d’agrément (dont plusieurs pour un seul groupe)
– Luxembourg : 51 créés, 29 probables, total 80
– Francfort : 45
– Paris : environ 35
– Bruxelles : la compagnie d’assurances Lloyds

Les écarts entre ces villes sont très importants. Pourquoi ?

Plusieurs explications :


– La spécialisation et l’expertise sont essentielles : une ville ne s’improvise pas place financière du jour au lendemain. Dublin et Luxembourg ont créé leur place financière il y a plusieurs décennies. À chaque ville sa spécialité et son expertise : Dublin et Luxembourg ne revendiquent pas le rôle de capitale de l’Europe que détient Bruxelles.

– La fiscalité et la stabilité fiscale et règlementaire : plus que le niveau de taxation, c’est la stabilité fiscale qui est importante. L’épaisseur et la complexité effroyables du Code Général des Impôts en France qui reflète les trop nombreux changements politiques, par exemple, est de nature à faire fuir.

– La mentalité : si les médias assènent chaque jour des condamnations de la finance, de la mondialisation, du marché et du capitalisme, les candidats regarderont plutôt ailleurs. Plus surprenants sont les médias financés par l’État qui détruisent avec des a priori idéologiques les fleurons de l’économie et de l’emploi du pays2.

– Les langues : l’anglais est devenue la seule langue de la finance. Il faut donc qu’une main-d’oeuvre anglophone ou polyglotte soit disponible. Ce problème a tendance à s’estomper puisque la majorité des jeunes choisissent aujourd’hui l’anglais comme seconde langue.

– La proximité de l’administration : le secteur public est indispensable pour l’agrément, le contrôle et l’adaptation des normes européennes. C’est cette proximité qui explique notamment les 45 relocations à Francfort, qui jouit de la présence de la Banque centrale européenne (BCE). Ceci devrait bénéficier à Paris puisque l’Autorité bancaire européenne (ABE) quitte Londres pour Paris. Quoiqu’il en soit, cette proximité doit être organisée pour arriver au niveau d’excellence de Luxembourg dans ce domaine.

– L’environnement culturel  : la présence d’écoles internationales, la vie culturelle et l’accueil en anglais sont aussi des facteurs déterminants.

Si l’effet des délocalisations a un impact important sur l’emploi (3 000 emplois à Luxembourg ou 11,5 % de l’emploi dans le secteur financier ), il ne faut pas oublier que Londres est le second centre financier mondial (après New York), Francfort le 10ème, Luxembourg le 30 ème, Dublin le 38ème et Bruxelles le 52 ème3.

Il serait plus opportun de mesurer les centres financiers par activités : Luxembourg est ainsi le premier centre de domiciliation de fonds d’investissement en Europe et le deuxième dans le monde (après les États-Unis), le premier centre de captives de réassurance en Europe, le troisième centre mondial du renminbi (la monnaie chinoise) dans le monde avec 9 banques chinoises à Luxembourg,

En finance islamique, Luxembourg est le premier centre à avoir agréé une compagnie d’assurances de type finance islamique, à avoir coté en 2002 une sukuk (obligation de type finance islamique), où la banque centrale a été à la première à devenir membre de l’Islamic Financial Services Board (IFSB) et où le Grand-Duché a été le premier à émettre une sukuk en euro.

« Je crois sincèrement que les villes ont une âme, elles se teintent de l’énergie de ceux qui y vivent et président à leur destinée. » (Patricia Cornwell)

  1. Adelin Remy dirige Agefi Luxembourg, Le Journal Financier de Luxembourg.
  2. Cash investigation. Luxe, les dessous chocs, France 2, 9 octobre 2018 . LVMH, mise en cause dans ce reportage, engage 2 500 à 3 000 personnes en France, malgré des ventes réalisées à 90 % hors de France. Ndla : 3 000 emplois à comparer avec les 3 000 emplois Brexit créés à Luxembourg.
  3. Global Financial Centres Index (GFCI), 2019.
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  • Ceci devrait bénéficier à Paris puisque l’Autorité bancaire européenne (ABE) quitte Londres pour Paris.

    Je ne sais pas si le spectacle montré sur les Champs Élysée Samedi dernier fasse de la publicité à cette Autorité pour s’installer à Paris comme Capitale Financière.

  • Il était évident que Paris, et ce malgré le tapis rouge supposément déroulé par le gouvernement, ne serait pas le premier choix de ces entreprises souhaitant migrer.

    Tout arrogants que sont les français, ne réalisant pas la médiocrité économique dans laquelle nous nous trouvons, pensent encore que la belle Paris constituera un havre pour les orphelins du Brexit.

    Excellente preuve par l’exemple de l’esprit hors-sol français. Du moins, du gouvernement et des médias.

    • @ Zod
      Le Luxembourg comme la Belgique (ou la Suisse les Pays-Bas et d’autres) sont clairement des pays d’accueil pour des institutions internationales. Le nombre d’étrangers sur place est important (quasi 50% de la population au Luxembourg, et dont les moins de 55 ans nationaux parlent tous 4 langues). Pays aussi qui n’ont jamais eu l’intention d’imposer leurs « lumières » à ceux qui n’ont rien demandé, ni de les dominer. La conception du Benelux (BElgique, NEederland, LUXembourg) date de 1943 et a bien contribué pour 3 pays sur 6 à la construction européenne! Ça laisse des traces!
      J’ai connu un colonel belge qui a travaillé dans une haute administration de l’OTAN à Paris … que Ch.De Gaulle a bien mis à la porte, dans un de ses élans souverainistes. Donc oui, tout ça laisse des traces.

  • Les commentaires sont fermés.

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