Par Nicolas Perrin.
Peu leur importe que poursuivre cette utopie de croissance éternelle soit aussi inutile que dangereux.
Comme le rappelle Natixis dans une note du 4 janvier, en économie, il n’y a pas de repas gratuit.
Certes, l’action des banques centrales permet aux gouvernements d’assurer leur solvabilité budgétaire et, in fine, de ne pas faire banqueroute. « Mais n’y a-t-il pas de côté négatif ? », s’interroge Natixis.
Comme l’explique l’équipe de recherche de Patrick Artus :
« En réalité, ces politiques sont dangereuses :
- elles peuvent entraîner une expansion sans limite de la taille des bilans des banques centrales, d’où un risque de ‘fuite devant la monnaie’ (les agents économiques se débarrassent de la monnaie pour acheter des biens ou des actifs réels, d’où soit l’inflation soit des bulles sur les prix de ces actifs) ;
- elles peuvent inciter les États à ne pas stabiliser les taux d’endettement publics, ce qui rend ces politiques irréversibles ;
- elles permettent de financer des investissements inefficaces ;
- elles écrasent anormalement les primes de risque sur les actifs risqués ;
- elles empêchent les banques centrales de réagir à des chocs qui nécessiteraient normalement qu’elles augmentent leurs taux d’intérêt. »
Bref, pas de free lunch. Milton Friedman avait prévenu, mais nos dirigeants l’ont oublié.
Milton, reviens ! Ils veulent nous ruiner
Chacun des points listés par Natixis est bien sûr important, mais l’un d’entre eux me semble plus critique que les autres. Ayant opté pour la fuite en avant, nos dirigeants pourraient bien s’être placés dans une position où il n’y a plus de retour en arrière possible.
Voici ce qu’explique Natixis dans une note du 20 décembre au sujet de ce « nouveau régime » :
- « Dans le passé, dans les périodes d’expansion, la politique budgétaire redevenait suffisamment restrictive pour que la solvabilité budgétaire soit rétablie, et la politique monétaire pouvait donc en conséquence être normalement contracyclique ;
- aujourd’hui, au contraire, on est passé à un régime de dominance fiscale : la politique budgétaire ne rétablit pas la solvabilité budgétaire, celle-ci est assurée par les taux d’intérêt anormalement bas associés à une politique monétaire qui reste fortement expansionniste malgré le retour au plein emploi.
Dans le nouveau régime, le policy mix (ensemble de la politique budgétaire et de la politique monétaire) est anormalement expansionniste et n’est plus contracyclique ; ce nouveau régime est de plus irréversible.
On pourrait en sortir par une politique budgétaire restrictive, mais c’est impossible parce que cette politique devrait être maintenant mise en place alors que la croissance ralentit ; ou par une politique monétaire restrictive, mais c’est impossible car elle ferait apparaître une crise des finances publiques (de solvabilité budgétaire). »
Vous avez bien lu : sauf miracle (comme évoqué par Nassim Nicholas Taleb), il n’y a plus d’autre issue possible aux problèmes actuels que la fuite en avant.
Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une situation particulièrement récente. Voilà en effet ce que cela a donné la dernière fois qu’une stratégie différente avait été esquissée :
La brève période de ralentissement de l’expansion du crédit a presque conduit à l’effondrement du système financier mondialÂ
Maintenant, comme au poker, nos dirigeants sont condamnés à faire tapis à chaque fois que l’étau se resserre.
À bulle de tout, crise de tout
Une fois au bord du précipice, la stratégie « kick the can down the road » ne fonctionnera plus.
Au mois de juillet, alors que le précédent rapport de l’IIF sur la dette mondiale venait d’être publié, Bruno Bertez avertissait que la promenade nous avait emmenés assez loin sur la falaise :
« Je ne crains pas de m’avancer et de signifier que nous sommes en phase terminale. On peut aller plus loin, mais il faut pour cela faire évoluer le système, la régulation, la conception de la monnaie, l’ordre international. Et puis Trump est l’élément perturbateur. »Â
Il y a déjà plus d’un an, Natixis avertissait que les pays de l’OCDE s’exposaient à une crise de tout.
Côté crise sociale et politique, force est de constater que la France a déjà les deux pieds dedans. Reste le versant économique et financier de la crise, sur lequel la banque revenait au mois d’octobre dernier.
Là , Natixis en était réduite à faire un vÅ“u pieu :Â
« Le taux d’endettement du monde étant très élevé, les prix des actifs étant aussi élevés, une politique monétaire mondiale restant très expansionniste conduirait à la poursuite de la hausse des taux d’endettement et des prix des actifs, et inexorablement à une crise.Â
Mais le passage à une politique monétaire restrictive déclencherait immédiatement une crise financière avec une hausse forte des paiements d’intérêt sur les dettes.Â
La configuration qui permettrait d’éviter une crise financière serait donc :Â
- une politique monétaire plus restrictive, mais pas au point qu’une crise de solvabilité des emprunteurs se déclenche ;
- une politique macro-prudentielle restrictive, pour arrêter la hausse des taux d’endettement et des prix des actifs. »
Suite aux choix qu’elles ont fait, nos autorités sont donc désormais condamnées à gérer la crise.Â
Vous pouvez donc allumer un cierge à Sainte Rita (patronne des causes désespérées) et/ou vous préparer au violent changement qui nous attend.
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Pour plus d’informations, c’est ici
Depuis la mise en place du QE nous savons que la situation décrite dans l’article arriverait. La question n’est pas Si mais Quand.
Or “C’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt”. Et bon nombre de traders et gestionnaires de fonds s’en sont mordus les doigts. Et c’est bien là tout le problème : combien de temps le système tiendra-t-il ?
Le Japon procède à un QE depuis 30 ans, et pourtant, le pays tourne toujours. La fête expansionniste des banques centrales peut durer encore longtemps. D’autant plus que dans de nombreux pays les retraites sont financées par la performance des marchés financiers. M’est avis que la crise proviendra de problèmes sociaux importants, tels que les Gilets Jaunes le préfigurent.
Autres sources potentielles de crises à ne pas négliger, et d’ordre financière : prêts étudiants US, prêts au financement d’extraction de pétrole de schiste US, l’endettement privé dans de nombreux pays.
Si les taux n’ont pas été remontés en Europe, c’est aussi car cela générerait une quantité de défaut de paiement sur l’endettement privé. Ces particuliers ayant déjà un mal fou à rembourser leur prêt, augmentez les taux et vous leur mettez le coup de grâce.
On peut comparer la création monétaire avec l’eau : un peu d’eau est indispensable pour boire mais un excès d’eau provoque la noyade.
La noyade économique, c’est la disparition de la croissance, stagnation puis récession, par effet de saturation des injections monétaires excessives. Il va arriver un moment où toute injection monétaire supplémentaire sera directement contreproductive. Alors, les banques centrales seront contraintes de réduire leurs bilans.
La cas du Japon est particulier du fait de l’intégration de la finance japonaise dans la finance US. L’hyperendettement japonais est tolérable parce qu’il est dilué dans la masse du dollar. La BoJ est moins une banque centrale autonome qu’une sorte d’annexe de la Fed. Les zones économiques concurrentes ne bénéficient pas de la même situation, ni la Chine, ni l’Europe, et leurs banques centrales ne pourront pas aller aussi loin sans provoquer des dégâts économiques importants.
la dette du Japon est détenue par les japonais : c’est un impôt éventuellement remboursable.
Désolé, ma tante Rita est à l’ehpad, et guère vaillante, la pauvre.
Va falloir s’adresser ailleurs, paraîtrait que Sainte Agathe peut aider à surmonter les épreuves…
solution : dépensez votre pognon et profitez !!
Tout l’argent du monde est de la dette, à epsilon près, même votre épargne.
En quoi trop de dette serait un problème alors qu’il s’agit de valeur abstraite dans l’ univers virtuel de la finance, univers potentiellement sans limites puisque abstrait, alors que la croissance matérielle dans un monde fini ne serait pas un problème.
Où est la logique ?