Genepi : 3 leçons sur la dépendance politique aux subventions

La fin des subventions octroyées au Genepi pose la question de la dépendance à l’État et aux choix politiques.

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Genepi : 3 leçons sur la dépendance politique aux subventions

Publié le 22 février 2019
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Par Nathalie MP.

50 000 euros représentent bien peu de choses au regard de nos 1300 milliards de dépenses publiques annuelles, mais, une fois n’est pas coutume, c’est le montant de la subvention que ne recevra plus le Genepi, cette association dédiée initialement à la réinsertion sociale des détenus grâce à des cours dispensés en prison par des étudiants.

Cette décision budgétaire ô combien inhabituelle s’inscrit certes dans le contexte très particulier des relations dégradées entre le Genepi et l’administration pénitentiaire, mais elle n’est pas sans suggérer d’intéressantes possibilités ultérieures de même nature qui pourraient se révéler très bénéfiques pour nos comptes publics – donc pour notre prospérité économique, et pour notre faculté de choisir nous-mêmes les actions que nous finançons via le don plutôt que la coercition fiscale – donc pour notre liberté.

Le Genepi a été créé en 1976 à l’initiative de Lionel Stoléru, conseiller du président de la République de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing. Sur le plan carcéral, le début des années 1970 avait été marqué par de nombreux mouvements de contestation des prisonniers concernant leurs conditions de détention. Grèves de la faim, émeutes et surveillants pris en otage se succèdent jusqu’à culminer en juillet 1974 avec la mutinerie de la prison de Loos (Nord) notamment.

Le mois suivant, VGE visite les prisons de Lyon et serre la main des détenus. Ce geste inédit met fin aux violences et signe le coup d’envoi d’une réforme pénitentiaire qui donne une large part à la réinsertion sociale. Dans ce cadre, le Genepi a pour objet de faire le lien entre l’univers carcéral et l’environnement professionnel en envoyant des étudiants, issus des grandes écoles au départ, donner des cours en prison.

 

Subvention : prison ?

Entièrement couvée par le ministère de la Justice, l’association développe cependant assez rapidement une philosophie propre qui l’éloigne de ses objectifs initiaux – et de ceux de l’administration pénitentiaire.

Voulant à tout prix éviter de cautionner le système carcéral en limitant ses actions à « la réinsertion sociale des personnes incarcérées », elle a redéfini ses statuts en 2011 et œuvre dorénavant « en faveur du décloisonnement des institutions carcérales par la circulation des savoirs entre les personnes incarcérées, le public et ses bénévoles. »

La formule est vague mais traduit concrètement une prise de position farouchement opposée à l’enfermement. Il y a certes lieu, encore en 2019, de s’interroger sur les conditions de détention dans les prisons françaises, ne serait-ce qu’en raison de la surpopulation carcérale qui atteint des proportions alarmantes. Mais la position du Genepi va plus loin : c’est le principe de l’incarcération elle-même qui est remis en cause.

S’en est suivie une incompréhension croissante entre ses membres et le personnel des prisons, incompréhension qui a atteint son point paroxysmique en février 2018 lorsque l’association a lancé sa campagne « L’État enferme, la prison assassine ».

C’est dans ce contexte tendu qu’à l’automne 2018, la décision tombe : la convention qui liait le Genepi à l’administration pénitentiaire n’est pas renouvelée, de même que la subvention qui l’accompagnait avec une régularité d’horloge depuis le début.

À vrai dire, le torchon brûlait depuis un bon moment, à tel point que l’année précédente, l’administration pénitentiaire souhaitait déjà réduire la subvention à 30 000 euros. Mais à la veille de l’élection présidentielle, le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas n’avait pas jugé bon d’accéder à sa requête… C’est la première leçon de cette affaire : les subventions sont opportunistes et clientélistes.

Pour l’heure, le ministère de la Justice considère que les interventions du Genepi en prison sont devenues de moins en moins fréquentes (de 12 500 heures à 5800 heures annuelles en 4 ans) et que les « cours » dispensés concernent de moins en moins les matières d’enseignement telles que droit ou langues étrangères, et de plus en plus des activités plus olé olé du style sport et échanges socio-culturels.

De son côté, le Genepi crie à la décision politique, ce en quoi il n’a pas forcément tort. Le ministère lui reproche clairement de tenir un discours qui a dépassé le stade de la critique pour devenir une attaque en règle contre l’administration pénitentiaire et ses personnels.

D’où la seconde leçon : les subventions sont éminemment politiques et créent une dépendance néfaste entre l’État et les entités qui les reçoivent.

 

Les subventions ne sont pas neutres

Ces dernières s’imaginent qu’elles en bénéficient en raison de leur qualité intrinsèque que l’État, dans sa neutralité supposée, serait le mieux à même d’apprécier.

Mais contrairement à l’idée répandue selon laquelle les subventions permettent de préserver l’indépendance financière des acteurs associatifs (ou entreprises) et garantir la pluralité des points de vue (de la presse, par exemple), la réalité oblige à dire que les subventions sont dirigées par l’État selon un plan politique et idéologique précis qui correspond aux fins sociales qu’il souhaite encourager.

Dès lors que l’État s’estime mal secondé, voire combattu, dans ses efforts constructivistes, la subvention est inéluctablement vouée à disparaître comme on le constate avec cet exemple. Autre possibilité, celle qui prévaut en général : l’association choisit de filer doux pour conserver la bienveillance étatique.

L’histoire n’est pas complètement terminée. Finalement, devant « l’émotion » provoquée par la rupture entre l’association et le ministère de la Justice après 42 ans de coopération, une nouvelle convention a été signée la semaine dernière, mais elle ne le fut qu’à la condition expresse qu’il n’y aurait plus de subvention à la clef et que les interventions se cantonneraient plus strictement au soutien scolaire. Le Genepi retourne donc en prison mais sans ses 50 000 euros.

Il le déplore, naturellement, mais comme le déclare son président, qui a la charge d’animer 4 salariés, une quinzaine de services civiques et 800 bénévoles :

Nous allons devoir trouver de nouveaux financements et adapter notre fonctionnement.

That’s the spirit ! comme diraient les Anglais.

Nous arrivons ainsi à la troisième leçon : la subvention ne sera pas renouvelée, mais l’association n’est pas vouée à disparaître pour autant.

Elle n’en a du reste pas l’intention comme en témoignent les propos rapportés ci-dessus. Confrontée à la nécessité d’attirer l’intérêt du public pour lever des fonds sous forme de dons au lieu de compter automatiquement et sans se fatiguer sur le produit de l’impôt obligatoire, elle va forcément se remettre en cause, réfléchir à ses missions, à son positionnement, à son organisation.

Au Genepi d’évoluer et de convaincre, et les personnes sensibles à son message, libres de leur choix, contribueront financièrement à son succès qui témoignera alors à son tour de sa valeur pour la société. Ceci réalisé de façon réellement indépendante du point de vue des idées comme des financements.

Il existe enfin une quatrième leçon : si l’État a pu décider de supprimer une subvention et si l’on ne déplore pour l’instant aucune conséquence catastrophique hormis le désir du Genepi de se battre pour continuer à exister, on en déduit assez facilement qu’un État libéral pourrait renouveler l’opération avec une, puis deux, puis toutes les associations et autres entités gourmandes de subventions.

On pense d’abord aux secteurs de la presse et de la culture, mais pourquoi pas aussi à l’agriculture qui est en train de crever malgré toutes les aides qu’elle reçoit ? Pourquoi pas aussi dans les énergies renouvelables dont l’intérêt réel est complètement faussé par une orgie de subventions « volontaristes » destinées à forcer la transition écologique plutôt que la laisser se développer au rythme des besoins de la société ?

Rien ne dit que toutes les entreprises ou associations survivraient à la fin des subventions. Mais dans la mesure où ces dernières servent aussi à maintenir en vie à grand frais pour le contribuable des canards boiteux dont personne ne veut, la société aurait tout intérêt à voir se développer les services qui comptent pour elle tandis que ceux qui se révéleraient incapables de s’adapter disparaîtraient.

On serait donc tenté d’encourager le gouvernement de M. Macron à poursuivre dans le détricotage des nombreuses subventions qui pèsent négativement sur nos comptes publics et nous privent de nos choix.

Mais quand on mesure que loin d’être des aides désintéressées, elles forment un vaste compost malodorant d’arguments électoraux, de renvois d’ascenseurs, d’instruments de sujétion et de moyens politiques de pression et de censure, on redoute plutôt de voir la subvention du Genepi revenir dans la danse le jour où l’association aura fait la preuve de sa bonne volonté.

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  • Je suis pour le Génépi. Bien qu’il soit souvent illégal et ramassé n’importe comment.

  • Il ne peut y avoir de démocratie sans indépendance des corps intermédiaires par rapport à l’Etat.
    Entre ça, la liberté d’expression bafouée et des médias de propagande, il n’y a pas de démocratie française. M. Macron devrait s’abstenir de donner des leçons à certains pays…

  • on devrait couper les vivres a toutes les associations bidons

    • On devrait couper les vivres publics* a toutes les associations tout court*.

      • Ce que H16 appelle les « associations lucratives sans but ».
        En dehors des employés des fonctions publiques (fonctionnaire ou contractuels), il y a en plus des centaines de milliers d’employés de ces associations largement arrosées de subventions, qui vivent aux crochets de l’état !

  • Le seul Génépi que je connaisse et apprécie, est en bouteille et j’ai un moyen d’en avoir sans étiquette (et donc sans taxe) !

  • « de plus en plus des activités plus olé olé du style sport et échanges socio-culturels. » c’est normal, plus de sport pour leur permettre de courir plus vite quand ils ont la police aux trousses, c’est pour éviter la récidive comptabilisée et les échanges socio-culturels c’est pour leur éviter d’être à la ramasse et de savoir qui et quoi pouvoir voler…..vous êtes d’une mauvais foi parfois…^^

  • Les associations, ce sont aussi, généralement, des actions exécutées par des bénévoles, donc, a priori, de façon plus économique que par des agents (fonctionnaires ou contractuels) de l’État ou des collectivités locales.
    Sans prétendre trancher la question, le sujet étant complexe, je verrais bien un partage entre les associations dont l’action auprès, par exemples, des jeunes, des vieux, des handicapés, en faveur du patrimoine…. peut être vue comme un prolongement de l’action publique, et celles qui militent pour une cause, telle que l’anti-racisme, le féminisme, les questions écologiques, … à laquelle chacun est libre de ne pas adhérer. On l’aura compris: seules les premières pourraient être subventionnées. Et ce, sous réserve de contrat avec l’autorité qui subventionne spécifiant l’action à réaliser .

    • Non, la situation normale est que ceux qui estiment que la cause est juste, quand bien même ce serait la totalité de la population, financent sans passer par l’état qui ne peut introduire que de la perte en ligne dans l’affaire. En revanche, si l’action est vue comme d’utilité publique, il serait normal que l’association soit exonérée de charges, taxes et impôts.
      L’idée que l’état devrait subventionner certaines causes a même un petit côté insultant, parce qu’elle sous-entend que les individus ne le feraient pas d’eux-mêmes si on leur en laissait les moyens et la responsabilité.

    • Hmm…
      Qui sera chargé de faire la différence entre les deux types d’associations ?
      Qui décidera de ce qui est action publique et ce qui est action militante ?
      Par exemple, pour ce gouvernement, le militantisme féministe a accédé au rang de politique publique :
      https://twitter.com/BrunoLeMaire/status/1098300749606457344
      On voit le constructivisme en puissance.
      Il faudrait plutôt admettre qu’un Etat respectueux de liberté et de prospérité n’a pas à organiser des politiques publiques sur tous les sujets économiques, culturels ou sociétaux qui se présentent, que ce soit directement ou via des subventions.

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