Par Delphine Minchella.
Un article de The Conversation
Quelle que soit la façon dont il est organisé, l’espace des entreprises n’est jamais neutre. Il est le reflet des choix des dirigeants et, en cela, il est porteur de sens car il matérialise leurs priorités. Qu’il soit question d’encourager la productivité, de mettre en place une surveillance plus efficace, de réduire les coûts, de permettre plus de bien-être, ou encore de mettre en scène les valeurs qu’elles prônent, toutes les organisations – sans exception – sont confrontées aux problèmes inhérents à leur existence spatiale… y compris celles qui semblent ne pas s’en soucier. En effet, dans ce domaine, ne pas choisir c’est déjà faire un choix.
Les grands bouleversements organisationnels s’accompagnent souvent de changements majeurs de la spatialité. Citons, à titre d’illustration, le poste de travail rationalisé de Frederick Taylor sans lequel il ne lui aurait pas été permis d’instaurer le chronométrage des tâches réalisées par les ouvriers. Peut-être plus flagrant encore : la ligne de montage de Ford, véritable colonne vertébrale de sa stratégie.
Aujourd’hui, nous voyons l’émergence d’une gestion de l’espace qui se veut davantage nomade et fluide : le flex-office (bureau non attribué). À comprendre : des bureaux désormais dépersonnalisés, mis à disposition pour la journée, jumelés avec la possibilité d’un temps de travail régulier à distance pour garantir la disponibilité des postes. De fait, avec le flex-office, il y a moins de postes de travail qu’il n’y a de collaborateurs dans l’organisation.
Un atout RH, entre ludification et bien-être
J’ai récemment eu l’occasion d’animer un atelier lors de l’Université des Entrepreneurs Normands dont le thème portait précisément sur les problématiques actuelles de gestion d’espace. J’étais accompagnée du directeur des ressources humaines de Récréa, gestionnaire d’équipements sports et loisirs, et d’un directeur général. Tous deux avaient entièrement repensé la configuration de leurs locaux du fait de déménagements récents, en adoptant des approches assez différentes. Voici ce qui est ressorti de nos échanges.
L’espace des organisations ne peut plus se résumer aux seuls lieux fonctionnels. Même si toutes les entreprises ne franchissent pas nécessairement le pas, une grande tendance paraît émerger depuis quelques années : la ludification des espaces organisationnels. Ainsi, il n’est plus exceptionnel de trouver sur son lieu de travail une table de ping-pong, un baby-foot ou encore des bornes d’arcade.
Parallèlement, on voit aussi se développer d’autres lieux dédiés au bien-être à proprement parler, tels que des zones de repos (ou de sieste) ou des salles de sport. Récréa avait poussé le concept jusqu’à l’installation d’un sauna et proposait par ailleurs d’assister aux réunions, non plus assis sur une chaise, mais tout en faisant du vélo d’appartement ou encore quelques kilomètres sur un tapis de marche (pour avoir expérimenté le dispositif, le bienfait est réel). Enfin, les postes de travail nouvellement installés sont désormais davantage ergonomiques, avec des tables dont la hauteur est ajustable pour permettre de travailler debout.
L’espace est un facteur de différenciation majeur
Dans ce registre de lieux résolument conçus pour la détente et le bien-être, l’espace devient partie intégrante de la rétribution globale, tant les bénéfices au quotidien sont évidents. Comment envisager alors de retourner dans une structure à l’ancienne ?
Dès lors, l’espace devient un atout déterminant pour la marque employeur. Toutefois, il est important qu’il soit pensé en accord avec le secteur d’activité et l’identité de l’entreprise. Un exemple éloquent fut donné par le constructeur automobile Renault, qui avait choisi pour ses locaux du mobilier Ikea : très bon rapport qualité/prix et sans prétention, à l’image des véhicules produits.
De même, la culture organisationnelle doit être bienveillante envers l’usage de ces installations ludiques et de bien-être. En effet, s’il n’est pas communément accepté que ces espaces sont faits pour être utilisés pendant les heures passées au bureau, ils tomberont alors en désuétude. En conséquence, ils rappelleront, le temps de leur présence, cette contradiction malheureuse entre une démonstration de bienveillance – finalement de façade – et le management du quotidien qui n’a pas su évoluer.
Favoriser l’appropriation de l’espace : la clé du succès
L’idée maîtresse concluant nos échanges est qu’il est nécessaire de permettre et de faciliter l’appropriation des locaux par les employés. Dans l’une des entreprises témoins, cela est passé par une visite des familles, réunies autour d’un cocktail, où chacun a eu le loisir de présenter à son entourage son environnement quotidien. C’est également passé par l’allocation d’un budget de 300€ pour que les équipes puissent acheter des éléments de décoration destinés à leur zone. Plus simplement, une autre entreprise avait laissé ses équipes se prononcer sur un panel d’éléments présélectionnés, telle que la couleur d’une peinture ou le choix d’une moquette.
Ainsi, les espaces organisationnels se complexifient à mesure que les options d’aménagement se multiplient. Ces choix ne sont pas anodins – ni en termes de coûts ni en termes de management – car l’espace est le symbole par excellence du lien qui relie les employés à leur entreprise, et il porte en lui un discours que tous savent déchiffrer.
Delphine Minchella, Enseignant-chercheur en Management stratégique – Laboratoire Métis EM Normandie, École de Management de Normandie – UGEI
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
C’est vrai ça !
Quand des DRH ont un programme de liquidation de cadres, deux grandes techniques s’e pratiquent couramment.
Des grands placards ou la personne se décompose mentalement lentement mais surement dans un profonde dépression avant l’arrêt maladie définitif.
Mais les bâtiments de plusieurs étages avec de très grandes baies pour des défenestrations rapides et efficaces, c’est aussi très performant, et moins couteux pour le retraites et la Sécu.
S j’écris ces lignes , c’est parce que mon bureau était au rez de chaussée
Avez vous déjà travaillé dans un ‘open space’ avec un niveau d’activité élevé ?
J’ai eu la ‘chance’ les dernières années de ma vie de me retrouver dans un bâtiment plus ‘moderne’, conçu par un architecte de renommée internationale pour une multinationale ne regardant pas à la dépense…
Pour moi, le bilan humain est totalement négatif !
Après quelques semaines, vous arrêtez totalement de saluer les gens que vous croisez et que pour la plupart vous ne connaissez pas, d’ailleurs vous constatez très vite qu’il ne vous répondent de toute façon pas.
Puis vous apprenez à fermer vos oreilles au brouhaha ambiant, à la conversation téléphonique du voisin, le petit sommet à trois autour d’un projet au ‘desk’ en face de vous, et vous finissez avec des écouteurs sur les oreilles pour pouvoir bosser tranquille.
En l’espace de 6 mois – 1 an, un véritable zombie, reconnaissant ça et là dans les visages anonymes quelques anciens collègues qui parfois on le temps de prendre un café…
Vous finissez par rejoindre ou quitter votre place le plus discrètement possible, pour ne pas déranger les ‘gens qui travaillent’.
Juste avant de partir à la retraite, ma situation était la suivante :
Un ex-allemand de l’est devant moi,
un Autrichien en face a gauche
Un chinois a ma gauche
un polonais derrière moi
une ukrainienne derrière a gauche (bloc de 6 dans un espace de 200 postes)
Tout le monde communiquait en anglais, inutile de dire que le vocabulaire était limité au business, pas la peine de parler de jardinage…
Oui Leipreachan, j’ai testé l’open Space de 2 manières différentes : assistante commerciale dans une grosse boîte = 6 assistantes dans un espace pas très grand, toutes beaucoup au téléphone donc apprendre à ne pas parler trop fort, mais… les commerciaux ou le responsable technique venait parler â l’une ou l’autre mais commençaient la discussion à l’entrée du bureau ce qui faisait que tout le monde était dérangé !
Ma boîte actuelle, PME du bâtiment, seule assistante, en showroom, gérant accueil et téléphone, compta, préparation des dossiers, plannings, médecine du travail, déclarations de TVA, suivi des livraisons etc, sans arrêt interrompue, passant sans cesse du coq à l’âne, avec en plus le bruit = cerveau en ébullition car le développement de la boîte a fait arriver un responsable technique et un commercial = discussions autour, j’avais souvent l’impression d’avoir le cerveau en ébullition.
Depuis peu on a une demoiselles en alternance pour l’accueil et je suis passée responsable administrative et donc dans mon bureau à moi que je peux fermer, c’est top. Et je vois bien la différence au niveau de la possibilité de me concentrer et donc de mon efficacité / productivité / gain de temps.
En clair : il y a peut-être des boulots où on peut être en open space, genre travail autonome sur ordi, mais absolument pas tous et en général ceux qui mettent en place cet espace se gardent bien de s’y installer !
Alors que je disposais avec mes 5 collègues de bureau et locaux techniques (montage et mixage audiovisuel) fermables en cas de besoin laissant chacun à son sujet… j’ai eu à porter des images à un journaliste scientifique bien connu à TFI. Je le découvrais dans un coin de 3 m2 au milieu d’un « open space » de sans doute 30 personnes pour moi épouvantablement bruyant. J’ai d’ailleurs trouvé cet ami du moment très nerveux et pas aussi détendu que lors de ses visites dans la petite unité de ma boite.
Et pourtant d’après ce qu’on voit partout, je crois bien être d’une autre planète disons d’un autre âge plutôt !
J’ai un ami qui souffre d’hyperacousie et a un poste dans ce genre d’espaces « conviviaux ». Depuis qu’il porte avec un casque il se sent plus efficace et plus à l’écoute de ceux qui lui font signe pour échanger… CQFD
Il est vrai que le flex office est particulièrement intelligent. Que dire quand un cadre manager est séparé de ses collaborateurs : lui au 1er par exemple et ses collaborateurs au 2ème ? L’équipe a besoin de « sentir une proximité » même si certains peuvent prétendre le contraire. Je trouve cela assez nul…
plus on monte plus on est seul