Le bac à 88 % de réussite, c’est trop dur ! Vite, une pétition !

Cette année, des élèves de Terminale S pétitionnent depuis vendredi 22 juin dernier sur Change.org et apostrophent avec brusquerie le ministère de l’Éducation nationale : « C’était quoi, ce sujet de maths 2018 ? »

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Le bac à 88 % de réussite, c’est trop dur ! Vite, une pétition !

Publié le 28 juin 2018
- A +

Par Nathalie MP.

Le bac ne serait plus le bac si la semaine consacrée à l’examen ne s’achevait sur une pétition de candidats atterrés devant l’implacable difficulté de telle ou telle épreuve. Cette année, ce sont des élèves de Terminale S, hagards et bouleversés par tant d’injustice, qui pétitionnent depuis vendredi 22 juin dernier sur Change.org et apostrophent avec brusquerie le ministère de l’Éducation nationale : « C’était quoi, ce sujet de maths 2018 ? »

Selon un certain « Superman du bac de maths » qui a lancé l’initiative, tant les exercices obligatoires que l’exercice de spécialité faisaient appel à des notions soit trop abstraites, soit insuffisamment répétées en classe, soit hors programme. Compte tenu du haut coefficient de l’épreuve (7 en règle générale et 9 pour les élèves de spécialité maths), il demande donc une « harmonisation » des notations :

L’harmonisation que nous pensons être nécessaire pourra aider plus d’un élève à avoir le bac et/ou une mention.

À lire les commentaires qui suivent la pétition et à observer le long lamento des tweets désabusés qui l’accompagnent, nous sommes priés de comprendre que nous avons affaire à des élèves extrêmement sérieux, voire franchement brillants, qui ont bossé comme des dingues toute l’année, qui ont révisé comme des malades avant l’examen et qui craignent maintenant de passer de 18 de moyenne en maths à 2 au bac :

Mais à lire ces tweets et ces commentaires, on est également saisi d’une certaine angoisse. On parle ici d’élèves de la section S. On parle même surtout des « spé maths », ces élèves scientifiques qui ont choisi les maths plutôt que la physique ou les sciences naturelles comme spécialité, ces élèves de la fameuse classe de Terminale S1 qui font la fierté de leur proviseur et le bonheur de leurs professeurs, celui de maths comme celui de philosophie. On parle de ces élèves qui peupleront ensuite les meilleures universités, les meilleures prépas et les meilleures écoles. Ou du moins, c’est ce que je croyais.

Passons sur l’orthographe, approximative. On découvre des élèves qui ne parlent que bachotage et reproduction peu inspirée d’exercices-types appris par cœur, on découvre des élèves qui avouent de grosses difficultés en maths, au point qu’on se demande ce qu’ils font dans cette filière, on découvre des élèves qui se rebellent devant toute idée de mettre en œuvre leurs capacités de raisonnement, on découvre finalement des élèves pour lesquels la présence en cours et un petit minimum de travail sont censés leur valoir automatiquement le bac et, pourquoi pas, une mention.

La pétition a immédiatement rencontré un énorme succès : ce matin, elle recueillait plus de 90 000 signatures, à comparer aux 190 000 candidats de la filière. Après les 55 000 votes obtenus en 2014 par une pétition similaire, c’est plus qu’un record, c’est une vague de fond, alimentée par les élèves eux-mêmes, mais aussi par leurs parents et grands-parents, par des étudiants qui sont passés par là et qui compatissent, par des enseignants qui refusent la sélection par les maths etc. Chacun y va de ses considérations sur l’honneur bafoué de la France, sur l’injustice qui règne dans ce pays ou sur l’abandon dans lequel des épreuves aussi difficiles plongent indignement les jeunes.

Pour autant, tout le monde n’est pas complètement dupe de ce petit coup de pression mis sur le ministère avant la publication des résultats. Le tweet assez représentatif des lamentations que j’ai inséré ci-dessus a certes suscité de la sympathie, mais il a aussi provoqué quelques moqueries dans les rangs des élèves :

De leur côté, des professeurs de maths qui enseignent en Terminale S considèrent que « cette pétition est totalement injustifiée ». Le sujet proposé n’a rien d’extraordinaire, il est même qualifié de banal par certains enseignants.

Mais évidemment, encore faut-il avoir compris que le bac, censé être la porte ouverte vers les études supérieures, ne se résume pas à débiter péniblement des notions apprises par cœur à défaut d’être comprises. Comme le souligne un correcteur interrogé par Le Monde, aucune pétition n’a été mise en ligne pour dénoncer l’extrême simplicité de l’épreuve de physique, tandis qu’un peu de difficulté indique :

Qu’il faut réfléchir et qu’il ne suffit pas de réviser trois annales pour être prêt à passer les épreuves.

À croire que l’épisode « pétition » est passé au rang des traditions inévitables du baccalauréat. Tapez successivement dans google « pétition bac » 2018, 2017, 2016, 2015, 2014… 2011, et croyez-moi, vous ne serez pas déçus !

Angoissés par l’attente des résultats, certains candidats et leurs proches ont instauré une sorte de folklore destiné à conjurer la peur et à s’attirer la sympathie populaire pendant cette quinzaine incertaine où l’on se demande avec perplexité si l’on va obtenir ce bac si chichement distribué à… 88 % des candidats (88,6 % en 2016 et 87,9 % en 2017).

Folklore et peurs bien inutiles, donc, comme on le constate aisément à ce taux de réussite qui n’a cessé d’enfler tout au long de la Vème République comme le montre le tableau  récapitulatif ci-dessous :

Taux de réussite au bac  (Sources : 1961 – 1980 – 2001 – 2010 – 2017)

Années : 1961 1980 2001 2010 2017
Nombre de candidats 101 644 346 954 635 010 621 200 732 700
Bac général 60,5% 65,9% 79,4% 87,3% 90,6%
Bac technologique – 59,2% 78,1% 81,6% 90,4%
Bac professionnel – – 77,5% 86,5% 81,5%
Toutes sections 60,5% 63,9% 78,6% 85,6% 87,9%
Bacheliers / génération 11,2% 25,9% 61,9% 65,5% 79,1%

Petit supplément « Spécial cinquantenaire de mai 68 » : cette année-là, le taux de réussite au bac passa soudainement à 81,3 % après 59,6 % l’année précédente et avant 66 % l’année suivante !

De même, l’octroi des mentions a connu une inflation extraordinaire. Par exemple, de 1967 à 2017, la mention Très Bien du bac général est passée de 0,3 % à 13 %.

Autrement dit, plus la réussite est assurée, plus l’échec apparaît comme intolérable, plus les pétitions pour rehausser les notes sont nombreuses et plus elles recueillent de signatures.

De là à en déduire que la facilité réelle d’obtention du bac, consécutive à la baisse de niveau opérée de fait pour amener « 80 % d’une classe d’âge au niveau du bac » (selon le vœu de Jean-Pierre Chevènement en 1985), a transformé cet examen en un simple bulletin de fin de scolarité, en une simple formalité administrative de sortie dans l’esprit des familles, il n’y a qu’un pas.

L’échec en devient d’autant plus stigmatisant qu’il concerne proportionnellement de moins en moins d’élèves. Il est alors considéré comme une forme d’exclusion insupportable qui ne peut résulter que de la volonté maligne des autorités éducatives de procéder à une sélection (encore elle) aussi aveugle qu’indigne. Il en résulte que 88 %, c’est encore trop faible et que seul un taux de réussite de 100 % serait acceptable dans un pays où le bac apparaît comme la réalisation la plus aboutie de tous les fantasmes égalitaristes.

Folklore et peurs bien inutiles également quand on sait comment les notes sont systématiquement « harmonisées » à la hausse. Comme l’explique le professeur de maths cité plus haut :

Les commissions d’harmonisation servent justement à ajuster les barèmes lorsque les professeurs s’aperçoivent qu’un sujet est plus dur qu’un autre.

Mais concrètement, l’harmonisation va souvent beaucoup plus loin. Nombreux sont les témoignages de correcteurs priés – à l’oral, pas par circulaire officielle – de relever les notes de toutes leur copies d’un point ou plus pour se mettre au moins au niveau de la moyenne académique de l’année précédente. Nombreux sont les professeurs priés de « valoriser » des copies sans queue ni tête pour peu qu’on y trouve un nom d’auteur ou un semblant de plan. Et nombreux aussi sont les profs interdits de correction au bac car ils se sont montrés trop exigeants envers les devoirs des candidats et trop récalcitrants vis-à-vis des consignes de notation « bienveillantes » lors d’une précédente session.

Toutes ces considérations sur la profonde décrépitude de l’évaluation du bac sont d’autant plus désolantes que pour la plupart, nos enfants ne sont probablement pas plus idiots et paresseux que ceux des générations précédentes. Oui, certes, les écrans ont pris le pas sur les livres, et ça peut expliquer certaines choses.

Mais auraient-ils été confrontés à un enseignement plus exigeant, à une discipline scolaire plus ferme et au sentiment que rien n’est acquis d’avance si ce n’est par leur travail assidu, leur aurait-on épargné l’idée que la réussite leur est due au nom de l’égalité et du droit aux études, peut-être n’en serions nous pas là aujourd’hui, c’est-à-dire à la traîne de la plupart des pays développés en matière éducative malgré nos presque 80 % d’une génération au bac.

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  • La France est tombée bien bas !!!

    Le bac les élèves ne le passent plus comme à l’époque, on leurs donne (rajout de points et Cie)….

    Le nivellement par le bas a savamment été calculé : plus un peuple est inculte plus il est manipulable : le voeux des socialoppes est exaucé ….
    1981 = début de la fin pour la France

    • Le but est d’envoyer beaucoup de lycéens en études « universitaires » … même si le niveau n’est pas suffisant et que le futur étudiant se cassera les dents, beaucoup ont intérêts à ce mouvement. Notamment les investisseurs en logement étudiants (défiscalisés en partie), les professeurs, la grande distribution pour ses travailleurs du dimanche, … la liste est longue. Au final l’État maximise ses rentrées d’argent en chouchoutant ces pauvres lyécens, quite à s’asseoir sur de futurs chomeurs.

  • « Il en résulte que 88 %, c’est encore trop faible et que seul un taux de réussite de 100 % serait acceptable. »

    En fait on en est déjà là. La statistique la plus intéressante à regarder n’est pas le taux de réussite au bac d’une année donnée, mais le taux de réussite d’une classe d’âge qui se présente au bac : 98%.
    En clair, les 12% d’élèves qui n’auront pas obtenu le bac cette année le repasseront l’année prochaine et l’obtiendront. Dit autrement, toute personne qui se présente au bac finit par l’avoir. Il n’y a guère que ceux qui abandonnent ou refusent de redoubler qui ne l’obtiennent pas.

  • La seule vraie démocratie aux yeux de ceux qui polluent l’éducation nationale depuis des décennies serait que les candidats notent eux mêmes leurs copies avant de les remettre aux examinateurs .

  • Le bon sens impose le remplacement de cet examen dépensier par un contrôle sur les 3 ans de lycée. Respect des élèves qui travaillent, des enseignants qui enseignent et se font respecter

    • La manière dont on utilise les connaissances dans la vie n’est pas un contrôle continu, mais des portes à franchir et des marches à gravir. Subir un examen couperet et savoir s’y préparer font partie de l’éducation, c’en est même un des aspects les plus utiles pour réussir.

      • Avec 80% d’une génération équipée du merveilleux sésame, le couperet n’est plus tranchant et relève plutôt de la pénible formalité. On pourrait demander aux élèves de remplir un Cerfa en quatre exemplaires que cela reviendrait au même.

        De pétitions ridicules en notations trafiquées, on se dirige mollement vers la suppression du bac, sans regret.

        Le bac sera avantageusement remplacé par des examens sélectifs à l’entrée des universités privatisées.

    • Le contrôle continu a certainement ses avantages. Il a aussi ses inconvénients, par exemple la tentation de bien noter ses élèves pour avoir de bon taux de réussite; la tentation pour un prof rancunier de saquer certains élèves… Le bac sous sa forme actuelle ne présente pas ce risque grâce aux corrections anonymes et à la double correction.

      Par ailleurs il ne faut pas négliger la dimension de « rite initiatique » de l’examen. C’est un peu comme le permis de conduire, le symbole du passage à l’âge adulte.

      • Le bac actuel forme surtout des adulescents, pas vraiment des adultes. Le rite initiatique, symbole du passage à l’âge adulte, doit relever des universités privatisées au titre d’une sélection à l’entrée, université soumises à concurrence dont la réputation ne pourra plus s’encombrer d’ados mal dégrossis dont certains ne possèdent même pas les rudiments d’une éducation et d’une instruction correctes.

  • « « Nul ne soutiendrait que l’on peut devenir un bon skieur en se contentant de s’inscrire à une école de ski, sans effort musculaire dans l’application des instructions du moniteur. Mais l’effort intellectuel n’est plus considéré comme indispensable pour devenir un bon étudiant. Déplorer cette omission est devenu « réactionnaire ». La « société » porterait seule la responsabilité du résultat des études. D’ailleurs on ne dit plus qu’un élève est paresseux, on dit qu’il est « en échec scolaire », fléau anonyme qui s’abat sur le malheureux comme la pluie ou la rougeole. »
    JF Revel.

  • Cela en dit long sue cette génération et la mentalité française. Ignorants, illettrés, et complètement gâtés, passant leur temps à taper des futilités sur leur téléphone!

  • La sélection, ce n’est pas le bac mais le pourcentage d’étudiants recalés en premiere année d’université.

    Que le bac soit réussi à 100%, à la limite on s’en fout, on sait que c’est biaisé depuis de longues années. Par contre qu’il fasse croire aux étudiants que c’était facile, qu’ils peuvent donc s’inscrire à l’université et réussir c’est immonde car cela génère des pertes financières, de temps ou de confiance importants.

    • Tout à fait. Mais ne pensez vous pas que nos politiciens ne soient pas assez tordus pour que les choses en soient ainsi!

    • Très juste. La sélection fait partie de la vie. Si un élève n’est pas capable de franchir l’épreuve du bac à 18 ans, et qu’in lui donne quand même, il va se fracasser un peu plus tard contre d’autres obstacles. Et plus ils se fracassera tard plus il sera difficile de recoller les morceaux.

  • Le BAC est mort, la véritable sélection c’est parcoursup.
    Le reste est gaspillage et démagogie. On est habitué à la démagogie macroniste.

  • Dommage que vous fassiez l’amalgame entre tous les bacs. Le 88% de réussite est une moyenne qui fait plaisir aux politiques et aux profs, mais en observant les candidats en révision, il faut bien reconnaître que le bac S est le plus difficile (et effectivement le plus prestigieux) et le taux de 88% ne s’y applique sûrement pas.

  • Le bac remplace maintenant le certificat d’étude. Un bac ça prouve juste qu’un bonhomme sait à peu près lire et écrire. C’est tout.

  • Ce qui est dit sur les corrections semble vrai en tout lieu de France, avec cependant des exagérations de bienveillance dans les académies « sous développées » comme Créteil et le Nord.
    Ce qui reste désolant, c’est que des enseignants acceptent de modifier d’eux-mêmes leur note alors qu’il leur suffirait de demander une consigne écrite de leur autorité pour ne pas avoir à le faire… (ne pas être invité à revenir pour corriger suite à un manque de bienveillance semble aussi vrai, mais avec des limites car l n’y a pas pléthore de correcteurs au final).

  • Très beau (??) tableau de réussite aux bacs !
    Mais j’aimerais bien connaître le nombre de candidats par type de bac, et en particulier le bac général…..
    Plus il y a de candidats au bac plus le taux de réussite s’améliore. Y a un truc ?
    Sans compter les cartons en note, les notes supérieures à 20/20 et l’explosion du nombre de mentions.

  • On n’a que ce que l’on mérite…. A force de donner de la bouillie à manger à tout le monde pendant des années pour être sur que 100% des moutons avalent et fournissent de bêêêles statistiques, plus personne ne sait mâcher, même un morceau de filet :o)

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