Par James Njenga.
Un article de Libre Afrique
Lorsque l’on analyse les défis liés à l’apprentissage en ligne, on a tendance à se focaliser sur la question de l’accès : difficulté d’accès aux ressources financières pour acquérir des équipements ; difficulté d’accès géographique, puisque certaines régions sont trop enclavées et sous-équipées pour être correctement connectées au réseau Internet ou même au réseau électrique, nécessaires à l’instauration de systèmes d’apprentissage en ligne. Mais ce ne sont pourtant pas les seuls problèmes à prendre en compte !
Culture africaine en danger ?
Il existe également des défis socioculturels. En effet, des critiques affirment que l’utilisation de l’apprentissage en ligne dans l’enseignement supérieur africain pourrait éroder la culture et l’identité africaines. Ils craignent que les plateformes d’apprentissage en ligne ne privilégient que la culture occidentale. Ces critiques craignent que l’utilisation de l’apprentissage électronique déstabilise d’une manière ou d’une autre les modèles et comportements existants dans l’enseignement supérieur africain.
Pourtant, les nouvelles technologies offrent une chance d’intensifier la communication dans le processus d’apprentissage et d’étendre les offres éducatives à travers les frontières. L’apprentissage en ligne peut également permettre aux universitaires de construire de nouveaux réseaux au-delà de leurs frontières. Alors que le savoir occidental peut se répandre en Afrique, l’inverse est également vrai : le savoir propre au continent peut se diffuser beaucoup plus loin grâce à l’apprentissage en ligne. Ensuite, l’Afrique devrait être encouragée à investir dans l’apprentissage en ligne, à l’instar de l’Amérique latine et de l’Inde.
Une innovation sociale importante
La plupart des pays africains ont des politiques progressistes liées à l’apprentissage en ligne et l’ont adopté en théorie. Cependant, en pratique, il reste beaucoup à faire, surtout par ceux qui doivent partager cette information : les éducateurs. En même temps, des mécanismes doivent être mis en place pour s’assurer qu’il est utilisé sans être perçu comme sapant les efforts, les connaissances et les cultures des peuples africains. Ceux qui critiquent le e-learning en raison de la menace qu’il représente pour les identités culturelles africaines voient clairement la mondialisation – et la diffusion de la technologie et de l’innovation qui en résulte – comme un danger qui aggrave les disparités entre le monde occidental et les pays africains.
Cependant, l’e-learning est à la fois une innovation technologique et sociale qui peut résoudre les problèmes dans un contexte social particulier. Par exemple, mes collègues et moi-même avons utilisé l’apprentissage en ligne pour compléter notre enseignement dans le cadre d’un programme de maîtrise en gestion de l’information sur la santé au Kenya, en Tanzanie et en Afrique du Sud.
Cela a permis d’économiser de l’argent, puisque les étudiants et le personnel n’avaient pas à voyager. Ce fut aussi l’occasion d’un apprentissage interculturel inestimable. Les identités culturelles africaines ne seront pas érodées par l’apprentissage en ligne. Au contraire, ce genre d’expérience interculturelle aide à renforcer la propre identité du continent. En même temps, c’est un moyen de mieux comprendre et d’accommoder la diversité.
Apaiser les peurs
Les critiques disent également que l’apprentissage en ligne est une manière d’imposer la technologie aux populations africaines. Cette idée découle du déséquilibre du pouvoir et des disparités économiques entre l’Occident et l’Afrique. Malheureusement, il manque une bonne compréhension des problèmes que ces technologies sont susceptibles de résoudre.
Par exemple, de grandes parties de l’Afrique sont éloignées. Les habitants de ces régions veulent continuer à apprendre, mais ils peinent à le faire parce qu’ils sont loin des villes ou des grands centres. L’apprentissage en ligne est un moyen de répondre de manière appropriée à cette demande, rapidement et à moindre coût.
Une partie du problème en Afrique est que les gens ne font pas la distinction entre l’occidentalisation et la modernité. L’occidentalisation est l’émulation culturelle de l’Occident, qui conduit à l’adoption aveugle et systématique des idéologies, technologies et contenus occidentaux. La modernisation est l’acceptation de changements compatibles avec la science, la technologie et leurs exigences fonctionnelles dans la vie des gens. Une résistance à la modernité, en l’occurrence l’apprentissage en ligne, pourrait en fait entraver le développement socio-économique de l’Afrique.
L’apprentissage en ligne est une innovation qui présente de nombreux avantages et peut répondre à certains des défis éducatifs de l’enseignement supérieur en Afrique. Les critiques doivent être entendues et analysées afin que les craintes puissent être levées. Ceux d’entre nous qui travaillent dans le domaine de l’apprentissage en ligne, ainsi que ceux qui fournissent les plateformes d’enseignement, devront aider les gens à faire la distinction entre l’origine de la technologie – souvent les nations ou organisations occidentales – et les avantages qu’elle apporte.
Enfin, il sera également important de préparer les éducateurs africains à cette avancée technologique. Ils doivent savoir comment l’utiliser, comment la diffuser avec un contenu local, pertinent, contextualisé, et comment offrir aux apprenants un enseignement authentique.
—
L’Association for Computing Machinery (ACM) fait beaucoup pour développer l’informatique en Afrique. https://www.acm.org/search#stq=africa&stp=1