SNCF : la belle assurance de Pépy

Pour Guillaume Pépy, les salariés de la SNCF sont suffisamment responsables pour ne pas saboter avec leur grève les examens de fin d'année pour des milliers d'étudiants. Est-ce vraiment raisonnable d'y croire ?
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SNCF : la belle assurance de Pépy

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 23 avril 2018
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Cela fait maintenant trois semaines que la SNCF et la France avec elle subissent la grève perlée mise en place par une minorité de salariés qui visent essentiellement à empêcher toute évolution de leur entreprise. Cependant, à mesure que les jours chômés s’accumulent, les effets collatéraux de cette action syndicale commencent à se faire sentir…

Et alors que, au 3 avril – date de début des hostilités syndicales envers le petit peuple travailleur – rares étaient les articles de presse qui relataient l’agacement pourtant sensible d’une partie croissante des Français lassés de payer toujours plus cher un service toujours plus médiocre, on voit à présent apparaître plus facilement quelques remontées d’information nettement moins unanimes sur le soutien des usagers à ces revendications cheminotes.

La grogne devient palpable : assez logiquement, de nombreux abonnés SNCF réclament un dédommagement pour les jours de grève et plusieurs pétitions à ce sujet circulent sur les réseaux sociaux. Parallèlement, le tourisme pâtit directement de l’absence de préavis de travail d’une certaine partie mécontente de salariés SNCF.

Eh oui : si la grève de 1995, habilement placée entre les vacances de novembre et celles de Noël, avait bien fonctionné grâce à une propagande assez consternante des médias subventionnés, il en va quelque peu différemment actuellement alors que les réseaux sociaux d’un côté et le calendrier de l’autre ne jouent guère en faveur des grévistes. De Facebook à Twitter, de pétitions en sites dédiés, certains clients de la compagnie nationale de trains ne se gênent pas pour faire connaître leur désaccord de plus en plus profond avec ce qui apparaît de plus en plus comme des revendications d’enfants gâtés, et ce d’autant plus que ce sont bel et bien les travailleurs les moins privilégiés qui subissent le plus fort préjudice de cette action syndicale particulière.

Ce mouvement finit par coûter très cher aux individus les plus pauvres dont le temps et les moyens sont les plus limités pour gérer les conséquences lourdes de cette grève sur leur vie quotidienne. Malgré l’affichage prétendument solidaire des grévistes, peut-être cette hypocrisie de plus en plus flagrante finit-elle par lasser certains cheminots ?

En tout cas, force est de constater un léger essoufflement du mouvement : au lieu de s’amplifier comme pourrait le faire croire une hypothétique convergence de luttes disparates avec Air France (elle aussi parcourue d’inévitables spasmes syndicaux), le trafic tend à s’améliorer malgré l’obstination de certains à vouloir bloquer le pays. Même Air France compte assurer 75% de ses vols.

Dans ce contexte, on ne sera cependant qu’à moitié surpris d’apprendre que la grève, destinée à s’étendre mollement jusqu’au début du mois de juin, soit à présent prolongée jusqu’en août : l’impact n’aurait finalement été que bien trop faible pour pouvoir décemment parler de rapport de force favorable aux organisations syndicales pour s’arrêter en juin. Le fait d’étendre ainsi les actions de nuisance permet essentiellement de continuer à montrer ses muscles à peu de frais. Après tout, on peut obtenir une paralysie décente ou des tracas notoires même si une minorité toujours plus petite de salariés s’arrête de travailler, à condition de choisir les postes clés.

Guillaume PepyDe son côté, et comme à son habitude, Guillaume Pépy, l’actuel patron de la société publique massivement endettée, s’est à la fois montré rassurant et parfaitement à côté de ses pompes : pour lui, les prochains jours de grève se passeront bien. La fin de l’année scolaire, avec ses semaines d’examens et d’étudiants en voyage pour passer leurs concours, sera largement prise en compte par la SNCF. Quant à l’été, il ne sera pas copieusement saboté par l’amicale syndicale de la SNCF.

Lors de l’émission Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI, le patron de la SNCF a ainsi sorti, avec son regard bien droit fermement planté dans l’oeil gauche de son interlocuteur que, je cite :

Il n’y aura pas de grève cet été car les cheminots sont des gens responsables. (…) Personne n’admettrait qu’un jeune qui se présente à un examen le rate parce qu’il est arrivé en retard

Ah, il n’y a pas à dire, lorsque le grand chef de la SNCF s’exprime sur la belle responsabilité des cheminots, c’est vraiment trop mignon.

Le plus intéressant est sans doute qu’il a globalement raison : la grosse majorité des salariés de cette entreprise sont bel et bien des gens tout ce qu’il y a de plus responsables et de parfaitement professionnels. À ce titre, Pépy ne fait pas réellement un pari risqué en imaginant que ces derniers, dévoués et travailleurs, feront tout ce qu’il faut pour qu’en effet, les étudiants parviennent à leurs examens et que l’été ne soit pas qu’une longue litanie de plaintes de touristes perdus en rase campagne.

Malheureusement, il en va autrement de ceux qui font effectivement la grève. Il y a en effet comme un léger écart entre ceux qui font vivre (ou survivre) la SNCF au jour le jour et ceux, nettement moins nombreux mais bien présents, qui sabotent consciencieusement tous les efforts faits par les autres pour ramener l’entreprise à proximité de la rentabilité et d’un service décent.

Il suffit pour s’en convaincre de regarder la proportion réelle de grévistes sur l’ensemble du personnel pour bien comprendre les rapports de force en présence :

Comme on peut le constater, quel que soit le jour de grève, ceux qui ont décidé de rester chez eux sont toujours minoritaires par rapport au total des salariés de l’entreprise (on ne dépasse jamais les 40%). Le bilan reste cependant sans appel : bien qu’une très grande majorité de Français se prononce régulièrement en défaveur de ces mouvements sociaux à répétition, bien qu’une majorité même des salariés de l’entreprise refuse d’entrer en grève, l’entreprise se retrouve régulièrement presque totalement paralysée.

Dès lors, l’assurance de Pépy semble extrêmement fragile, d’autant que ceux qui refuseront de travailler sont aussi connus pour ne pas se contenter de regarder les autres faire, mais aussi pour activement empêcher leurs collègues d’exercer leur mission. D’intimidations en pressions plus ou moins fortes, on sait que le gréviste syndiqué saura se faire comprendre de ses camarades pas forcément d’accord mais finalement eux aussi grévistes, par la force des choses.

Dans ce contexte, difficile d’imaginer que les services de la SNCF seront correctement rendus, même pendant la période d’examen, même lors des ponts de mai, même pendant les vacances, même si l’intérêt collectif (dont se gargarisent pourtant ces syndicalistes hypocrites) commanderait une autre attitude.

Combien d’étudiants devront subir un échec à cause de ce noyau dur de grévistes jusqu’au-boutistes ? Combien d’entreprises, dépendantes d’une façon ou d’une autre des services du rail français, devront mettre la clé sous la porte suite à ces grèves de 2018, générant combien de chômeurs ? Combien de touristes ne reviendront plus en France y dépenser leur argent après avoir été abandonnés au milieu de nulle part avec une petite bouteille d’eau ou un sandwich ridicule en guise de seul dédommagement ?

De la même façon, et alors que chaque jour de grève coûte 20 millions d’euros à l’entreprise publique (donc au contribuable, qui éponge toujours au final), on pourra encore une fois se demander si l’assurance de Pépy au sujet du non-paiement des jours chômés se maintiendra à mesure que le mouvement perdurera.

Devant ces constats, on en vient à espérer que Macron et son gouvernement jouissent, pour une fois, d’un contexte différent et retrouvent une paire de gonades qui a trop souvent manqué à tous les précédents dirigeants. Pari éminemment risqué qui vaut bien celui de Pépy.


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  • des gonades , ils en ont….mais au sens propre….quand au sens figuré c’est une autre paire de manches…..

  • En attendant les gonades, ils nous foutent les boules…

  • Pepy le bienheureux…….bercé trop près du mur.

  • Je dois avouer du bout des lèvres une certaine considération pour Pépy. Dix ans tout de même qu’il est à la tête d’une entreprise complètement sclérosée, et qu’il est coincé entre des syndicats néanderthaliens d’un côté et, de l’autre, un gouvernement à la veulerie sans limite.

    La plupart des gens auraient pété les plombs depuis belle lurette.

  • Je suis très curieux d’ une chose dans cette histoire. Combien coûtera un billet de train en 2nde classe pour faire Marseille Paris en TGV, avec une SNCF dite « rentable ». Combien coûtera un aller simple en TER sur la ligne la plus longue existante sans subvention régionale. Personne pour nous le dire. Quelqu’ un doit tout de même bien savoir combien ça coûte réellement. Etonnant non?

    • @Stéphane
      Bonsoir,
      Sans les subventions, la S.N.C.F coule. Les subventions et son statut d’entreprise d’Etat lui donnent un scaphandre pour respirer sous la mer de dettes qu’elle a accumulée. Sans ces deux « atouts » la S.N.C.F met la clé sous la porte, comme n’importe quelle autre entreprise en faillite.
      Les syndicats veulent continuer à sucer le sang d’un mammouth déjà exsangue.

    • Une SNCF rentable, ça n’existe pas. Avec une exploitation privée bien organisée, visant à satisfaire les besoins des voyageurs plutôt que les désirs des cheminots, on peut viser 80% du total actuel (prix du billet+subventions diverses).

  • a Manchot bonjour…un jour ce Mr Pepy,il faut reiventer là SNCF,un autre jour ce sont des privilégiés,et non, la dette ce n’est pas les cheminots,ce pauvre, la girouette dans sa splendeur !!!chiche pour la concurrence et que cette entreprise fonctionne sans sudventions et qu’elle devienne rentable …là…vous rêvez !!!! plus personne prend le train….les investissements à des prix démesurée pas prêt d’être remboursé !!!

  • S N C F : ‪Ne pas respecter ses clients est une faute grave dans un monde concurrentiel !‬
    La sanction justifiée est généralement la fuite des clients et la faillite…
    Vive la concurrence et la fin des monopoles.
    Fin des régimes spéciaux

  • la vrai réforme sociale est simple :une seule caisse de sécurité sociale et une seule caisse de retraite…et que L’ÉTAT verse ses cotisations à celle-ci…a l’heure actuelle cela fait partie du budget de L’ÉTAT. …malheureusement aucun politique ne veux prendre une décision …trop d’enjeux électoraux. L’ÉTAT supprime les guichet à la préfecture,est- ce pour autant ,il y aura moins de personnels ???

  • Il faut tirer la leçon de ces grèves du transport public.
    A Air Franc, c’est facile, il suffit d’attendre que le syndicat des pilotes ait tué la compagnie, il disparaitra avec elle. Et nous prendrons les avions d’autres compagnies, avec d’autres pilotes qui n’ont pas besoin eux, des avantages exorbitants des pilotes d’ Air France. Leur leader syndical est probablement tombé sur la tête.
    Pour la SNCF, c’est un peu plus compliqué, car cette organisation est le socle sur lequel se bâtit la politique urbaine, en faveur des transports en commun. Il apparaît clairement qu’à ce mode d’organisation centralisé, dit de service public, détourné au profit des cheminots, il faut préférer les modes de transport privé, voiture, autobus, une organisation différente de la ville dans laquelle on puisse disposer de parkings, et très certainement un transport ferroviaire dans lequel sera instauré la concurrence, pour éviter la confiscation de ce mode de transport par quelque organisation syndicale déterminée à renforcer les privilèges de la retraite et des conditions de travail d’une catégorie de français et dont le financement continuerait d’être imposé aux contribuables plutôt qu’aux clients. Oui, il faut de la concurrence dans le transport ferroviaire, cette concurrence doit être aménagée de telle sorte que sur une même ligne puissent cohabiter plusieurs compagnies. Le réseau doit être entretenu par l’état ( et donc la dette à ce sujet reprise par ce dernier) et le service de sécurité, aiguillage, trafic… garanti par un service minimum permettant d’assurer au moins 50% du trafic, ou assuré en alternance par des compagnies privées permettant d’éviter la prise de pouvoir par une minorité.
    Si l’on veut des transports en commun, il faut qu’ils ne soient plus public, de telle sorte que le droit de grève des uns ne soit pas l’atteinte à la liberté de travail et de circulation d’aujourd’hui.

    • Air France devrait à chaque grève de navigants (sur payés) revendre d’occasion un ou plusieurs avions (ainsi que les créneaux de vols) à la concurence pour compenser les pertes occasionnées et mettre le personnel associé sur le carreau !

  • Avec les grèves, l’État ne perds pas d’argent mais en gagne !

    Parce que les gens prennent leurs voitures a la place du train, et il y a déjà 85% de taxe sur un litre de carburant, + l’entretien, + les PV, +la fourrière … finalement l’État gagne plus. Au lieu d’aller au restaurant et payer une TVA 5%. les gens mettent l’argent dans une industrie beaucoup plus taxée que n’importe qu’elle autre.

    • Sauf que l’Etat, c’est le contribuable, qui continue à payer pour des trains qui ne roulent pas et qui paie encore plus pour utiliser sa bagnole, sans que cette « rentrée » supplémentaire d’argent public se traduise par le moindre progrès dans ses conditions de vie.

  • Hier, les grévistes ont bloqué le passage des camions à la frontière de Biriatou en disant que « les camions prennent le boulot du Fret SNCF ».
    Mais si la SNCF était un peu plus fiable (moins de grève, par exemple), le fret pourrait peut-être fonctionner un peu mieux !
    Ceux qui se disent défendre le Service Public sont devenus des Emm.rd.urs du Public !

  • Curieux !!!
    Quand il s’agit de mettre tout le fret sur les camions: c’est « rentable »
    Quand il y a une grève et que la route prend le relai: « ça coûte trop cher »
    Gag ???

  • la prochaine étape nous aurons un impôt où une taxe pour rembourser la dette de la SNCF…les décideurs eux aucune responsabilité penale et financière. ..le peuple paiera et surtout doit fermer sa gueule ..dramatique ce pays …

  • Les commentaires sont fermés.

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