Par Vladimir Vodarevski.
Les mathématiques sont utilisées en économie notamment à travers les statistiques. L’idée est que l’outil mathématique est précis, permettant de démontrer des faits. Or, les statistiques sont largement sujettes à interprétation. Il faut prendre la peine de les lire, et non de passer directement aux conclusions de l’article. En voici un exemple à travers le jour de carence dans la fonction publique.
L’INSEE, principal fournisseur de statistiques en France, a publié le 10 novembre 2017 un article intitulé : « Le jour de carence dans la fonction publique de l’État : moins d’absences courtes, plus d’absences longues ». L’article explique donc que l’introduction d’un jour de carence dans la fonction publique a diminué les absences courtes et augmenté les absences longues. La plupart du temps ces conclusions sont reprises sans analyse par les médias. Allons plus loin.
Ce qui est étudié
Qu’est-ce qui est étudié ici ? Ce sont d’abord les absences pour raison de santé. Ce ne sont pas les arrêts maladie. La différence est peut-être faible. Mais cela signifie que l’étude n’est pas très appropriée pour étudier l’impact en termes de coût, étant donné que ce sont les arrêts maladie qui représentent un coût supplémentaire pour l’État.
Ensuite, la population choisie est la fonction publique d’État. Il y a trois fonctions publique : d’État, hospitalière, et territoriale. L’étude est donc limitée et ne permet pas de généraliser à l’ensemble de la fonction publique. Ce qui en réduit donc la portée.
Les absences de courte durée
Passons aux statistiques maintenant. Voici les données concernant les absences de courte durée.
Les données sont ici assez claires, et ne prêtent guère à discussion. Il y a une très nette rupture de comportement dans la fonction publique d’État, qui ne se retrouve pas dans le privé, et qui correspond exactement à la période de suppression du jour de carence.
Les absences de longue durée
Passons maintenant aux absences longues. Voici les données.
On remarque un pic des absences longues dans la fonction publique d’État en 2007 et en 2013. Seule cette dernière année couvre la période d’application du jour de carence. Il n’y a pas de pic en 2012. Il n’y a pas de rupture de comportement, puisqu’il semble que les pics se produisaient avant l’instauration du jour de carence. Il peut y avoir des causes diverses, comme une épidémie de grippe un peu forte.
On remarque également une légère augmentation des absences longues dans le privé. Il n’est pas évident de conclure à une corrélation entre le jour de carence et une augmentation des absences de longue durée dans la fonction publique d’État. Pourtant, c’est la conclusion de l’INSEE, sur la base du pic de 2013. Une question d’interprétation.
Ce petit exemple montre à nouveau que la statistique n’est pas une science exacte, et qu’elle est sujette à interprétation. Il faut regarder ce qui est observé, et les résultats eux-mêmes.
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Bonjour
C’est en effet une enquête déclarative qui n’étudie pas l’impact économique:
” Ces différences de définition des absences (principalement la première mentionnée) par rapport à une source administrative empêchent d’évaluer l’impact financier de la mesure. Par exemple, lorsqu’un agent déclare à l’enquêteur une absence de deux jours pour raison de santé, il peut avoir fourni un avis d’arrêt de travail pour congé maladie à son employeur. Mais il pourrait avoir préféré poser des journées de congés (congés annuels, RTT…), surtout en présence d’un jour de carence. Il n’est donc pas possible de savoir si une journée de rémunération a été déduite de la paie de l’agent.(page 4)”
Je suis surpris aussi de voir les salariés du privés avec plus d’absences 3.7% vs 2.9%.
D’apres la DARES; ” sur la période 2003-2011, la proportion de salariés absents est de 3,9 % parmi les titulaires de la fonction publique, 3,7 % parmi les salariés disposant d’un CDI depuis plus d’un an, mais de seulement 2,6 % parmi les salariés en contrat précaire”
Un arrêt maladie long ou court, ce n’est pas la même chose quand même… Il est plus simple de justifier un arrêt court qu’un arrêt long… Donc il est normal que ce dernier soit plus “cohérent”.