La parenthèse libérale, de Jean-Baptiste Noé

Dans son dernier essai historique, Jean-Baptiste Noé évoque Louis-Philippe, ce roi naturellement partisan d’une société ouverte fondée sur l’ordre spontané et la liberté des personnes.

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La parenthèse libérale, de Jean-Baptiste Noé

Publié le 17 avril 2018
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Par Jean-Philippe Delsol.
Un article de l’Iref Europe

Jean-Baptiste Noé est chercheur associé en histoire économique à la Sorbonne et chroniqueur à Contrepoints et à L’Opinion. Il publie en ce début 2018 chez Calmann Lévy, sous le titre La parenthèse libérale, un petit ouvrage pétillant consacré au règne de Louis-Philippe.

Celui-ci fut plus avisé et pertinent que les caricatures de Daumier pourraient le laisser croire. « Louis-Philippe était plus attaché à des idées qu’à une réforme de régime » écrit Jean-Baptiste Noé. Il a réussi à rétablir une grande entente avec l’Angleterre et maintenir la paix avec tous. Il était globalement libéral et partisan d’une démocratie tempérée par le cens que Guizot voulait élargir par le haut en lançant sa formule si souvent décriée à tort : « Enrichissez-vous ».

Ce règne a été celui du progrès en tout. Il a participé au décollage économique de la France et au rattrapage de l’Angleterre. « Les grandes banques voient le jour, la sidérurgie, le textile, les activités minières se développent, créant un grand essor pur l’industrie. Le pays se dote du chemin de fer qui commence à parcourir les provinces… » note l’auteur, qui souligne combien Louis-Philippe a voulu aussi faire grandir la France bien au-delà de l’industrie.

 

Louis-Philippe roi moderne

Ce roi moderne s’est longtemps entouré de ministres fort cultivés autant que globalement libéraux, comme Thiers, Broglie et Guizot. La loi de celui-ci en 1833 avait obligé chaque commune de plus de 500 habitants à avoir une école, publique ou privée, et rétabli la liberté de création des écoles contre le monopole et la tutelle de l’Université que Montalembert désignait comme le « communisme intellectuel ».

La société a alors bénéficié d’une profusion culturelle que la liberté a permise dans les arts, avec Delacroix, Ingres, Chassériau, Corot, Rossini, Auber, Scribe, Chopin et Liszt, aidés par le constructeur de pianos Pleyel, et tant d’autres, comme dans les lettres avec Balzac, Hugo, Lamartine, Dumas, Sand… servis par des éditeurs comme Hachette et Calmann Lévy qui sont nés en cette période de créativité littéraire. Il en allait encore de même en architecture tandis que Prosper Mérimée et Eugène Viollet- le-Duc initiaient la réhabilitation des monuments historiques de France.

 

La liberté c’est le vol

Cette époque fût une fourmilière de la pensée libérale avec Tocqueville et tant d’économistes comme Bastiat, Jean-Baptiste Say, Adolphe Blanqui… Il y eut aussi bien sûr des militants de gauche comme Auguste Blanqui, le frère du précédent, et beaucoup de réfugiés, de Marx à Engels, qui cherchèrent à tirer parti des révoltes des Canuts de 1831 et 1834 pour aboutir à la révolution de 1848 et au renversement du roi libéral.

Il y avait Proudhon aussi, mais son amitié toute provisoire avec Marx ne saurait l’assimiler à celui-ci, et il faut regretter que Jean-Baptiste Noé n’en retienne que sa formule assassine de 1840, « la liberté c’est le vol », qui relève plus d’un péché de jeunesse de la part de celui qui fut plus tard un ardent défenseur d’une propriété méritée contre la puissance de l’État. Il avait d’ailleurs été préservé de poursuites pénales lors de son premier essai sur la propriété par l’intervention d’Adolphe Blanqui, le libéral.

 

Un régime dédié aux sciences

Louis-Philippe était sans doute profondément libéral, dans l’esprit anglais qu’il avait longtemps côtoyé et adopté « par principe, par opinions et par toutes mes habitudes » disait-il. Il voulait d’ailleurs inculquer à ses enfants « those liberal principles and institutions wich may have so much distinguished this country » aurait-il dit dans la langue de Shakespeare.

Jean-Baptiste Noé qui est lui-même authentiquement libéral épouse volontiers ce régime qui croyait aux sciences, à la technique et à la promotion sociale par le travail, l’effort et le profit plutôt que de s’adonner à « la redistribution sociale…inefficace…, injuste puisqu’elle se fonde sur la spoliation des biens légitimement acquis et gagnés par ceux qui travaillent et investissent » note-t-il.

Louis- Philippe était naturellement partisan d’une société ouverte fondée sur l’ordre spontané et la liberté des personnes. Mais ne s’est-il pas perdu dans ses certitudes et un défaut d’engagement confinant au marais à force de vouloir se « tenir… également éloigné des excès du pouvoir populaire et des abus du pouvoir royal » ainsi qu’il l’écrivait en réponse à une adresse de la ville de Gaillac, le 29 janvier 1831.

Comme l’évoque discrètement Jean-Baptiste Noé, il y a peut-être un rapprochement avec M. Macron que sa politique du « en même temps » pourrait perdre par défaut de saveur et excès d’étatisme. Par petites touches et avec beaucoup d’élégance, cet ouvrage retrace une époque trop souvent ignorée.

Jean-Baptiste Noé, La parenthèse libérale, Calmann-Lévy, mars 2018, 176 pages.

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  • Peut-être l’article aurait-il été plus intéressant encore s’il avait ouvert sur la suite… si on réhabilite Louis-Philippe, trop souvent présenté sans doute comme le roi bourgeois (avec tout ce que ce mot a de péjoratif en France), ne faut-il pas alors également procéder à une analyse des causes (et conséquences) de la révolution de 1848? Si le régime était bon, pourquoi alors une révolution? Ou ne l’était-il pas assez sur certains points? Etc.

  • Il faudrait ajouter le Second Empire, avec notamment le traité Cobden-Chevalier en 1860 (libre-échange entre la France et l’Angleterre), les grands magasins et la libération de la création de sociétés anonymes, et aussi la Troisième république dans les années 1880-1910 avec l’effervescence innovatrice de la deuxième révolution industrielle et la floraison de multiples start-up de l’époque (automobile, aviation, électricité, chimie, pharmacie, cinéma, etc.).

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