Napoléon III : l’ombre du bonapartisme

Le 9 janvier 1873, il y a 150 ans, disparaissait Napoléon III, le dernier monarque de l’histoire de notre pays.

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Napoléon III : l’ombre du bonapartisme

Publié le 9 janvier 2023
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Le 9 janvier 1873, il y a 150 ans, disparaissait Napoléon III, le dernier monarque de l’histoire de notre pays. Longtemps honni, voué aux gémonies, affligé d’une triste réputation qui devait beaucoup à la hargne délirante de Victor Hugo et au souci de la IIIe république d’entretenir cette « légende noire », il a connu un certain retour en grâce ces dernières années. Les programmes d’histoire de lycée, par exemple, après l’avoir longtemps banni, lui donnent même aujourd’hui une place importante.

 

L’empereur de la prison à l’exil

Fait prisonnier à Sedan dans des circonstances que j’ai évoquées par ailleurs, l’Empereur avait un temps vécu prisonnier au château de Wilhelmshöhe, en Westphalie, l’ancien royaume de son oncle Jérôme. Napoléon III découvrit d’ailleurs, au hasard d’une déambulation dans le château, un portrait de sa mère, la reine Hortense. Il fut rejoint par Eugénie le 30 octobre 1870, les malheurs réunissant les deux époux qui n’étaient plus en très bons termes. Libéré le 19 mars 1871 par des Allemands qui ne pouvaient plus espérer l’utiliser, il rejoignit l’impératrice en Angleterre, terre d’asile des exilés au XIXe siècle.

La famille impériale trouva un havre de paix dans le Kent, au petit village de Chislehurst, un notable francophile louant pour une somme symbolique son manoir. Comme Napoléon III était « fier de tomber du trône sans avoir placé de l’argent à l’étranger », c’est son épouse prévoyante qui fit vivre la petite cour d’une soixantaine de personnes n’hésitant pas à vendre ses bijoux et des propriétés en Espagne. Victoria, le prince de Galles et Gladstone firent des visites privées à l’Empereur déchu. Vivant en gentleman farmer, il entretenait des relations très cordiales avec la société locale.

 

Napoléon III rêve d’un coup d’état

Quand il ne travaillait pas à son ouvrage sur La France et la campagne de 1870, il rêvait à une brochure sur le droit international et la mise en place d’une cour d’arbitrage chargée de maintenir la paix dans le monde. Toujours soucieux des couches populaires, il réalisa le prototype d’un calorifère économique et reprenait un projet de retraite pour les travailleurs de plus de soixante-cinq ans. Il se reprochait de n’avoir pas supprimé les octrois, ces douanes municipales qui entravaient la circulation des marchandises et devaient subsister jusqu’à l’occupation.

Tout Napoléon III est là, esprit chimérique, jamais à court d’idées ni de projets mais aussi indécis dans la réalisation que lumineux dans le conception. Surtout, Napoléon III, aventurier jusqu’au bout, rêvait d’un nouveau coup d’État pour placer son fils sur le trône. Il s’agissait de rééditer le vol de l’aigle de 1815. « Ce qui peut m’arriver de pis, c’est d’être fusillé comme ce pauvre empereur Maximilien ». Mais une opération s’imposait, un Bonaparte ne pouvait se montrer impotent : il devait pouvoir tenir à cheval.

 

La mort douloureuse du dernier empereur

Les praticiens se proposaient de broyer la pierre directement dans la vessie. Il fallait opérer sans tarder car le calcul avait la taille d’un Å“uf de pigeon. Le médecin personnel de la reine Victoria s’étonna que Napoléon III ait pu tenir à cheval cinq heures à Sedan. Une première tentative le 2 janvier 1873 échoua. Le médecin, sir Henry Thompson, se montra pessimiste car l’Empereur était très affaibli. Une nouvelle opération le 6 réussit davantage mais laissait le patient prostré. Comme il restait de gros débris dans la vessie, Thompson se proposait de réaliser une troisième opération le 9 janvier à midi.

Souffrant terriblement, le malade reconnut son vieil ami, le docteur Conneau, qui était avec lui à Sedan : « N’est-ce pas que nous n’avons pas été lâches ? » Au matin du 9, l’opération paraissait impossible à réaliser et on envoya chercher le curé de Chislehurst. À dix heures quarante-cinq, Napoléon III était mort. Il avait soixante-cinq ans.

Ce décès fit forte impression en Angleterre : selon le Times, il fallait remonter à la mort du prince Albert en 1861 pour retrouver une telle émotion. La cour prit le deuil pendant douze jours et fut imitée par la plupart des cours européennes. En France, le ton fut plus âcre. Le Journal des Débats s’en fit l’écho : « Il a été, cet homme, la grande illusion de notre pays que les illusions ont perdu. »

Plusieurs dizaines milliers de personnes firent le pèlerinage et les funérailles dans la modeste église furent émouvantes.

 

Une figure d’homme providentiel embarrassante

Aujourd’hui encore, 150 ans plus tard, les restes de Napoléon III, de l’impératrice Eugénie et du Prince impérial reposent à l’abbaye Saint-Michel de Farnborough. Au-delà des arguments puérils avancés pour justifier cet exil mortuaire, il faut constater que le personnage de Napoléon III embarrasse beaucoup.

Figure de l’homme providentiel, dénoncé par les uns ou exalté par les autres, il permet pourtant de mieux comprendre le curieux régime républicain dans lequel nous vivons depuis 1958. N’a-t-il pas été le premier président de la République, élu de surcroit directement par les citoyens ? L’ombre du bonapartisme, ce mélange d’autoritarisme démocratique, d’esprit d’innovation et de préoccupations sociales, n’a pas fini de planer sur la vie politique de notre pays.

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