Alur : L’envol de la surélévation en copropriété

Le manque de place dans les villes a toujours conduit à rechercher la hauteur. Seulement, la loi ALUR a amplifié le phénomène. Quelles en sont les conséquences pratiques et juridiques ?

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Alur : L’envol de la surélévation en copropriété

Publié le 21 février 2018
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Par Nafy-Nathalie et Gilles Frémont.

La surélévation d’immeuble est en vogue, et de nouveaux métiers font leur apparition, comme celui des promoteurs aériens. À Paris, la Mairie a d’ailleurs pour ambition de surélever plus de 11000 immeubles, soit entre 8 et 10% des bâtiments de la ville. Mais bien que le sujet soit d’actualité, il n’est pas nouveau.

La surélévation est une pratique ancienne

Le manque de place dans les villes a, en effet, toujours conduit à rechercher la hauteur. Le commerçant crée son appartement sur sa boutique, le particulier surélève sa maison quand la famille s’agrandit et ainsi de suite.

Pour résoudre le problème de l’insuffisance de logements à Paris, les premières surélévations apparaissent au début du XVIIème siècle et deviennent une spécificité parisienne. Mais le phénomène ralentit nettement au milieu du XXe siècle suite aux nouvelles lois favorisant la démolition et la reconstruction des immeubles.

1784 : on peut construire jusqu’à 22,40 m.

1884 : on peut construire jusqu’à 28,5 m, soit un gain de 6,1 m en 100 ans

Le phénomène s’accélère ensuite à cause de la surpopulation parisienne. Surélever est moins cher et plus rapide que démolir pour reconstruire.

1902 : on peut construire jusqu’à 31 m.

1929 : ralentissement de la surélévation induit par la crise économique.

Le Plan d’Urbanisme Directeur en 1960 stoppe quasi net le phénomène en promouvant la démolition des anciennes bâtisses en faveur des bâtiments plus modernes et plus hauts.

Les règles des POS (Plan d’Occupation des Sols) permettent peu, voire pas du tout, la surélévation des bâtiments entre les années 80 et 90.

De 1990 à 2011, on compte à peine 1200 bâtiments surélevés principalement dans les 14e, 15e, 16e et 20e arrondissements, dont 15% dans le 20e arrondissement.

Au final, le nombre total de bâtiments surélevés représente actuellement 34 % des bâtiments à Paris.

Une pratique remise au goût du jour

La loi Alur du 24 mars 2014 et la fin du COS (coefficient d’occupation du sol) arrivent dans un contexte de densification urbaine, et où  le prix moyen du mètre carré à l’achat à Paris dépasse les 8700 euros. La loi Alur supprime ainsi les règles antérieures et relance la surélévation des bâtiments en donnant l’opportunité de créer des logements neufs sans terrain, tout en conservant les mêmes caractéristiques de l’immeuble accueillant le projet. Elle favorise surtout l’augmentation de l’offre en logements sociaux pour une mixité sociale.

La surélévation présente de multiples avantages :

  1. Créer de nouveaux logements malgré la pression foncière.
  2. Dégager des ressources pour financer des travaux de rénovation y compris thermiques.
  3. Valoriser le patrimoine puisque les surélévations se réalisent par l’accroissement des volumes des combles ou l’élévation des étages carrés (les dents creuses). Les travaux incluent souvent la réhabilitation de tout le bâtiment et lui confèrent une durée de vie prolongée.

Le cadre juridique de la surélévation en copropriété

En copropriété le dispositif est prévu à l’article 35 de la loi du 10 juillet 1965. Rappelons qu’il y a juridiquement surélévation dès lors qu’il y a « exhaussement de la panne faîtière centrale », ou si l’on préfère la ligne de faîtage du toit (Cour de cassation 6 mars 1991). À défaut on est en présence d’un simple « redressement de combles » avec aménagement de ceux-ci et s’applique alors le régime de l’article 25b de la loi de 1965 (travaux privatifs affectant les parties communes) à savoir :

L’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.

L’exhaussement d’un toit-terrasse constitue également une surélévation. Les immeubles en « dent creuse » s’y prêtent idéalement.

Le droit de surélévation aux fins de créer de nouveaux locaux à usage privatif appartient au Syndicat des Copropriétaires. C’est un « droit accessoire aux parties communes » au sens de l’article 3 de la loi de 1965.

Le syndicat des copropriétaires peut céder son droit. Les copropriétaires de l’étage supérieur du bâtiment surélevé bénéficient alors d’un droit de priorité à l’occasion de la vente par le syndicat des locaux privatifs créés, ainsi qu’à l’occasion de la cession du droit de surélévation.

La décision de surélever ou de céder le droit de surélever se vote en Assemblée Générale à la majorité de l’article 26 (majorité des 1/2 à savoir 50%+1 des copropriétaires et 2/3 des tantièmes), ou, depuis la loi Boutin du 25 mars 2009, à la majorité de l’article 25  (majorité simple à savoir 50% + 1 des tantièmes) si l’immeuble est situé dans un périmètre sur lequel est institué un droit de préemption urbain.

La mise en application pratique en copropriété

Le géomètre-expert va élaborer un volume fictif affecté de tantièmes de copropriété correspondant au volume à créer puis à céder. Certaines décisions connexes doivent être prises : prolongement de de l’ascenseur ? Raccordement au chauffage collectif ? Augmentation des UV du contrat de travail du gardien ? Pénalités en cas de non réalisation ? Mise en place d’un local vélos ? etc.

Généralement, le syndicat des copropriétaires préférera céder son droit entier. Si le copropriétaire du dernier étage ne se porte pas acquéreur, le syndicat peut le vendre à une personne extérieure à l’immeuble, type promoteur, qui se chargera alors de toutes les démarches juridiques (création des nouveaux volumes à construire et modification du Règlement de Copropriété), administratives (permis de construire), et techniques (études structurelles et travaux). Le promoteur vendra ensuite les nouveaux locaux, sur plans ou achevés.

L’avantage de cette formule pour le syndicat est de bénéficier d’un montage clé en main, de ne pas avoir à supporter le lourd financement des travaux, ni la responsabilité juridique de la maîtrise d’ouvrage. Au contraire, il perçoit, dès que le permis de construire devient définitif, l’argent de la cession du droit à construire.

La surélévation peut donc être mise en œuvre soit par le syndicat des copropriétaires directement, soit, en cas de cession du droit, par le copropriétaire du dernier étage ou par un promoteur aérien.

Un avenir radieux pour la copropriété

Brûle de t’élever.” grondait le Duc de Richelieu. Mais à monter trop haut, on risque de faire fondre ses ailes. Surélever certains immeubles est une bonne chose mais il faut faire attention à ce que l’esthétique de la ville n’en pâtisse pas. Les projets de surélévation récents en matériaux légers présentent quelques intérêts architecturaux lorsque la combinaison de l’ancien et du neuf est particulièrement réussie (ce qui n’est pas toujours le cas).

Enfin remarquons que le projet de réécriture de la loi du 10 juillet 1965 par le GRECCO prévoit une section entière dédiée à la surélévation, c’est dire son avenir radieux.

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  • Au lieu d’entasser les gens dans les villes dans des immeubles surélevés, comme des poules dans des batteries, ne serait-il pas plus judicieux de les mettre dans des zones non construites qui sont pléthore en France?

    • Ouh la la ! Autoriser, de but en blanc, à construire là où personne ne l’a encore jamais fait ? Quelle responsabilité administrative !

    • Vous voudriez que des français, propriétaires de friches en zones non constructibles puissent gagner de l’argent en les rendant constructibles ? Allons, allons, vous n’y pensez pas 🙂

  • Les commentaires sont fermés.

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