La réforme de l’immobilier, ce sera aussi par ordonnances.

Finalement, les experts d'un secteur, fut-il immobilier, sont de peu d'importance pour Jupiter qui gouvernera encore par ordonnances.
Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

La réforme de l’immobilier, ce sera aussi par ordonnances.

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 18 septembre 2017
- A +

Un texte de Nafy-Nathalie et h16

Février 2010 : entre deux excitations périphériques, le président Sarkozy décide de faire des trucs pour le pays (peut-être) et de commissionner son ami Attali (sûrement) pour définir les principales mesures aptes à nous sauver.

Emmanuel Macron, alors brillant inspecteur des impôts, est nommé rapporteur de cette commission. De façon surprenante, le rapport pondu est intéressant : il prône de promulguer très vite ou – mieux encore – en même temps 316 mesures qui vont toucher tout le monde (pour éviter des sentiments de frustration ou d’injustice) et qui doivent redonner flexibilité et mobilité à un pays endormi.

Dans sa lucidité toute particulière, Sarkozy entreprend d’appliquer à peu près un tiers de ces mesures, non sans les dénaturer au passage. C’est bien sûr nettement insuffisant.

Quelques années plus tard, le président Hollande, entre deux bâillements, confie à Emmanuel Macron subrepticement devenu Ministre le soin de mettre en œuvre les mesures les plus essentielles de ce rapport. Elles ne sont plus qu’une vingtaine et elles seront, bien sûr, copieusement dénaturées aussi.

Mais Emmanuel Macron est jeune, dynamique et il a un idéal. Il voit une France endormie et rêve d’un pays au garde à vous, qui avancerait dans le sens du rapport Attali, quitte à ce qu’elle avance à marche forcée vers une remise sur les rails.

Le 10 juillet 2015, la loi « Macron » pour la croissance et la solidarité est adoptée par le Parlement sous les vivats de la foule en délire (ou quasiment). D’ailleurs, son auteur s’en auto-congratule vigoureusement durant l’été 2016 :

Cette loi porte une série de mesures très concrètes qui ont commencé à changer le quotidien des Français

… Et ce même si plusieurs économistes (dont celui de la banque Saxo) estiment que c’est surtout « une loi fourre-tout (…) les résultats sont assez minimes (…) », probablement parce qu’elle traite effectivement de tout et de n’importe quoi (depuis les détecteurs de fumée jusqu’aux prud’hommes, en passant par le travail du dimanche, les bus ou la flexibilité bancaire) et que ses résultats sont limités : elle n’impacte pas l’économie de plus de 0,5%.

La montagne a donc accouché d’une souris.

Si certaines mesures font débat, celles qui impactent beaucoup l’immobilier passent pourtant totalement inaperçues.

On se souviendra par exemple de la privatisation du droit de préemption : sous couvert de rendre le foncier flexible, elle limite le droit de propriété en retirant au particulier celui de disposer de son bien comme il l’entend ; il interdit en outre la démolition des biens construits de manière illégale, et le bridera encore plus tard en promulguant une loi sanctionnant les recours abusifs sur les permis de construire.

Plus généralement, il est nécessaire de remettre cette réforme dans le contexte de la loi ALUR, qui a pour objet officiel de lutter contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées… En réalité, elle impacte l’intégralité du patrimoine, ne distinguant pas le bon copropriétaire du mauvais, dans le cadre d’une politique interventionniste de l’État. L’exemple le plus criant est celui du fonds travaux avec lequel l’État éduque le copropriétaire, petit mammifère incapable de prendre des décisions sans son aide, à l’épargne et à l’entretien de ses biens.

C’est ainsi que, l’air de rien, une réforme profonde du fonctionnement des copropriétés a été amorcée sous les yeux des copropriétaires sans qu’ils s’en aperçoivent et sans qu’aucun avis ne leur soit demandé : les mesures qui l’accompagnent sont soit discrètement glissées dans des textes de loi abscons ou c’est par ordonnance que leur mise en place est opérée.

La suppression de la Commission relative à la copropriété par décret du 17 février 2014, dans l’indifférence générale, ne fait bien que confirmer cette tendance. Cette Commission permettait aux organisations professionnelles, copropriétaires, notaires et avocats de débattre sur les textes réglementaires voire législatifs avant leurs consultations. Ses recommandations étaient suivies pour la mise en pratique des mesures votées. Mais voilà : l’usage pris par les ministres de contacter directement les organisations professionnelles qui en était membre l’a rendue inutile tout en supprimant son principal intérêt, apporter à l’État un avis consensuel obtenu en tenant compte de tous les points de vue.

En pratique, la loi ALUR la remplace par le CNTGI, peu consultée, et dont les avis – lorsqu’ils sont demandés – ne sont de toute façon pas suivis.

Et ils le sont d’autant moins que parallèlement au CNTGI, le gouvernement a confié fin 2015 et après appel d’offres la refonte du droit de la copropriété au Grecco, un groupe de « sachants ». Comme l’indique lui-même son Président, Monsieur Perinet-Marquet, le « GRECCO est un groupe de travail pluridisciplinaire composé d’avocats, d’experts, de géomètres, de notaires et d’universitaires, qui s’est donné pour premier but une réécriture de la loi de 1965. »

La lecture de l’appel d’offres n’est pas inintéressante, surtout concernant le point 2.2 qui touche à l’évolution de la gouvernance : le syndic ne serait plus le représentant légal de la copropriété mais un professionnel à consulter. Le représentant légal serait le Président du Conseil Syndical et tout ceci pour « (…) assurer la réactivité indispensable de la gouvernance en matière de grosses réparations comme de travaux d’économie d’énergie et la prise de conscience de la nécessité de préserver le bien commun par les copropriétaires. »

En somme, et sous couvert de rendre la copropriété plus flexible, il est question de donner à un petit groupe de copropriétaires le pouvoir de décider et engager des travaux importants sans l’aval des autres copropriétaires.

L’État est persuadé que si les travaux qu’il a décidés comme indispensables ne sont pas engagés, ce n’est pas parce que les obligations coûteuses de diagnostics ou de travaux se multiplient, que les normes changent constamment, que la bourse des copropriétaires n’est pas extensible ou que les copropriétaires n’en peuvent plus (on a vu le cas avec les ascenseurs) par exemple. Que nenni.

Pour l’État, c’est uniquement parce que le syndic est mauvais et/ou que les copropriétaires sont inconscients et dilapident leur argent. Forcément, puisqu’il ne décide pas à leur place, pardi !

Il ne juge donc pas utile de les consulter l’un et/ou l’autre et n’envisage même pas de consulter le peuple par l’intermédiaire de ses représentants puisqu’il décide de promulguer le tout par ordonnances.

Ordonnances par ci, ordonnances par là, on finirait presque par déceler comme une sorte de mépris à l’idée de démocratie ou, plus prosaïquement, à l’idée encore plus saugrenue que les individus, entre eux, sont finalement aptes à régler la plupart de leurs problèmes. Devant cette attitude de plus en plus présente au sein des institutions de l’État, difficile de s’étonner ensuite de la chute du taux de participation aux élections et de la désaffection grandissante des citoyens envers la politique.

Cependant, alors que les particuliers sont peu conscients des changements en cours, leurs associations ainsi que l’ANGC, l’association des gestionnaires de copropriété et celle des professionnels de l’immobilier commencent à montrer les dents : cet été, certains d’entre eux expliquaient vouloir faire plier Macron arguant que ce dernier avançait sans écouter ceux qui, en définitive, sont pourtant sur le terrain.

Or, lorsqu’on voit les dernières révélations de l’ARC, difficile de leur donner tort : on apprend ainsi qu’« un discret article du projet de loi sur le « droit à l’erreur et à la simplification », qui sera prochainement examiné par le Parlement, prévoit de donner habilitation au gouvernement pour retoucher le Code de la copropriété, en légiférant par ordonnances » dans un délai de 2 ans.

Oh, surprise ! Un nouvel article essentiel noyé dans une loi fourre-tout et voté en catimini ! En voilà, une vraie nouvelle façon de faire de la politique, comme promis par notre sémillant Président ! Bien sûr, le Ministre, interrogé, refuse pudiquement de confirmer ou d’infirmer. On devra donc se contenter de considérer avec attention l’annonce de l’ARC et s’inquiéter des travaux en cours du Grecco…

Tout ceci laisse pensif.

Lors de la création des Observatoires des loyers et la mise en application de l’encadrement des loyers, on se souvient des retards provoqués par la grève du zèle dans la transmission des données sur les loyers par les professionnels de l’immobilier. De là à imaginer la frustration monter chez ces professionnels, à nouveau laissés sur le banc de touche de ces « innovations » et ces grandes « réformes », il n’y a qu’un pas qu’on pourra franchir sans prendre trop de risques. Sabre au clair et verbe haut, Macron sur son petit poney dopé aux amphétamines suivi de sa clique obséquieuse se lance donc dans un nouveau chantier sans s’occuper des leçons du passé.

Forcément, cela va bien se passer.


—-
Sur le web

Voir les commentaires (2)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (2)
  • Les petits propriétaires ne seront bientôt plus que des fonctionnaires non payés (ils disposent déjà de leurs loyers) au service du tout puissant Ministère du Logement.
    Macron au pays des Soviets.

  • @GN effectivement un pas de plus dans la soviétisation !
    Étant moi même un petit propriétaire ayant acheter un petit appartement pour faire du locatif de manière à compenser mon ( hypothétique) petite retraite de merde , ça me fout les boules cette énième perte de droits .

    J’ai un autre projet dans les cartons ( j’espère 2018 ) et je peux vous assurer qu’il ne sera pas en france .

    Ce pays dégoûte d’avoir la moindre initiative, désolant ?

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

À la rentrée scolaire, l’état du marché immobilier ne cesse de se dégrader : 15 % de biens à louer en moins par rapport à l’année dernière, 17 % de demandes supplémentaires, une chute de 40 % des réservations de logements au deuxième trimestre 2023. La remontée des taux d’intérêt est souvent présentée comme la cause principale de la raréfaction de l’offre immobilière.

D’autres raisons mériteraient d’être davantage mises en avant : le poids de la fiscalité (taxe foncière, IFI, TVA à la construction), la surprotection des locataires au n... Poursuivre la lecture

Comme prévu, la mairie de Paris annonce une augmentation de la taxe sur les propriétaires.

Selon la loi, la taxe foncière grimpe de 7 % partout en France. Certaines localités, dont la ville de Paris, optent pour un surcroît de taxe. Dans la capitale, la taxe augmente de moitié, pour passer de 13,5 % à 20,5 %. Meudon et Grenoble pratiquent des hausses du même ordre de grandeur. Lyon, Mulhouse, ou Limoges, augmentent la taxe d’environ 17 %.

Après augmentation, la taxe foncière arrive en moyenne à 665 euros par an pour 50 m2 à Pari... Poursuivre la lecture

Eh oui, j'ai connu la France des années 1950 - je suis né en 1951 -, celle de mon enfance parisienne. Guillaume Tion, l'auteur d'un article paru dans Libération, fait partie de ces jeunes (pour moi) qui ne le savent pas, et ne cherchent pas à le savoir.

Le titre de son article méprisant, consacré à la Cérémonie d'ouverture de la Coupe du monde de rugby, au Stade de France, le 8 décembre 2023, se termine par « Allez la Rance. » censé rimer avec « Allez la France », mais en fait ça ne rime à rien.

Le zinneke[1. En Belgique, sobriq... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles