Lettre aux parents sur Parcoursup : ne vous trompez pas de combat !

Derrière parcoursup, l’enjeu de la responsabilité des parents dans les études des enfants.

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Jean-Michel Blanquer by Institut des Amériques(CC BY-ND 2.0)

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Lettre aux parents sur Parcoursup : ne vous trompez pas de combat !

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 15 février 2018
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Par Matthieu Grimpret.

Chers parents d’élèves de terminale,

Dans moins d’un mois retentira la fameuse formule « Faites vos jeux ! Rien ne va plus! » Après le 13 mars, en effet, vos enfants ne pourront plus saisir leurs vœux sur la nouvelle plateforme d’accès aux études supérieures, Parcoursup.

Je comprends le stress que cette échéance peut engendrer. Il est double : administratif, bien sûr, car même si Parcoursup est beaucoup plus simple qu’Admission Post Bac, son devancier, il faut s’armer de courage, de patience et d’attention pour en maîtriser le fonctionnement ; psychologique, ensuite, car l’émission des vœux, pour être sereine, suppose d’avoir réalisé en amont une authentique réflexion sur ce qu’on veut faire et devenir.

Mais je voudrais quand même vous dire ceci : ne vous trompez pas de combat. Si c’est à l’occasion du corps-à-corps avec Parcoursup que vous découvrez la problématique de l’orientation de votre enfant, il est déjà presque trop tard. Parcoursup est à l’image du bac dont il est en quelque sorte l’appendice informatique : incontournable mais subsidiaire, indispensable mais contingent.

En réalité, l’habillage peut changer, souvent au rythme des ministres de l’Éducation nationale ; de toute façon, l’enjeu décisif est ailleurs. J’allais dire : doublement ailleurs. Il se situe d’abord au niveau de la collectivité, qui doit remettre à plat – ce que Jean-Michel Blanquer semble avoir l’intention de faire – la façon dont elle forme et éduque ses enfants. Il se situe ensuite, et c’est notre propos, au niveau des individus, au premier chef les enfants et leurs parents.

Quel est-il, cet enjeu décisif ? C’est un enjeu de fond. Osons le mot : un enjeu spirituel, au sens où l’on distingue la lettre et l’esprit, la forme et la matière, la procédure et le contenu. Le véritable enjeu est la manière dont vous contribuez à façonner le rapport de votre enfant à sa propre scolarité, ses propres études.

Je fais souvent l’exercice suivant avec certains des jeunes que je coache, qui ne trouvent pas, ou plus, la motivation de travailler à l’école, ou qui se sentent « perdus » dans leur réflexion sur leur avenir : je prends une figurine (jouet en forme de personnage, poupée, mannequin…), leur propose d’imaginer qu’il s’agit de la personnification de leur scolarité ou de leurs études, et leur demande quel(s) sentiment(s) ou émotion(s) ils éprouvent, ou quelle(s) idée(s) leur vien(nen)t, face à cette Persona Studia : indifférence, colère, peur, déception, sympathie, etc.

Cet exercice est très utile pour comprendre comment l’élève se situe par rapport à ses études, et notamment s’il se les est appropriées. Car telle est la condition n°1 de la performance scolaire : l’appropriation. Qu’est-ce que cela signifie ? L’élève doit (re)prendre le leadership sur sa scolarité.

Ainsi, cette dernière n’est plus un poids à porter, mais au contraire une responsabilité à assumer, qui lui donne de la densité, le consolide et l’aide à se positionner par rapport au monde qui l’entoure, à ce qu’il est lui-même et à ce qu’il a envie de devenir.

Ce n’est qu’une fois l’appropriation réalisée – et cela prend du temps ! – que l’élève peut entamer la deuxième étape : la direction. En effet, si l’école reste un élément étranger à son existence, à son environnement immédiat, il ne pourra la diriger, dans la double acception du terme : en être responsable et lui donner une orientation (on y vient !), tenir et le gouvernail, et le cap.

Pour diriger ses études, l’élève doit choisir et décider – pas tout seul, bien sûr, mais de la manière la plus prudente, la plus raisonnable, la plus vertueuse : comme « le prince en son conseil », qui s’entoure, écoute, dialogue, reçoit les avis et les recommandations, mais assume pleinement ce qu’il commande in fine. Diriger ses études, c’est pour ainsi dire en être le « prince » – un « prince » dont vous, parents, êtes, avec les professeurs, les éducateurs, les professionnels de l’entreprise, le conseil.

Diriger ses études, nous venons de l’évoquer, c’est leur donner un cap, un objectif. Cela suppose que le navire soit en bon état, autrement dit que des moyens aient été identifiés, sélectionnés, acquis, qu’on se soit formé à leur utilisation et qu’on se soucie, le cas échéant, de les garder au sec, prêts à être mobilisés. C’est d’ailleurs parce qu’un élève se sera donné les moyens d’arriver à bon port qu’il pourra, au cours de sa navigation, avec sérénité, ajuster le cap si besoin est, en fonction des surprises que l’existence réserve toujours.

Ces moyens, quels sont-ils ? D’abord le matériau, c’est-à-dire le savoir, ce qu’on appelle dans l’Éducation nationale les connaissances et les compétences. Il en faut beaucoup, qu’on se le dise ! Mais le matériau ne suffit pas ; il faut l’employer convenablement – blé mal engrangé pourrit sans être mangé ! Ici intervient le deuxième moyen : la discipline. Discipline dans le travail personnel à accomplir pour apprendre et comprendre ; discipline dans la restitution et l’utilisation des connaissances.

En somme, chers parents, Parcoursup, dont je ne minore pas, je le répète, l’importance à court et moyen terme, n’est que la partie émergée d’un iceberg dont il est crucial d’identifier les contours le plus tôt possible, avec les instruments les plus efficaces possibles, sauf à finir comme l’orchestre qui joue pendant le naufrage…

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  • L’important dans un choix, c’est la facilité avec laquelle on peut revenir en arrière si on s’est trompé. Cette facilité n’a jamais été aussi grande qu’aujourd’hui, et pourtant les futurs étudiants font exactement le contraire de ce qu’il faudrait : ils veulent remettre le choix au plus tard possible, ce qui aboutit à rendre le retour en arrière d’autant plus difficile. Le lycée, c’est le moment où l’on apprend à faire ses choix, l’université celui où l’on comprend pratiquement l’importance que cela avait au lycée, et où on peut (et on doit) très vite corriger le tir. La passivité, ou le manque de compréhension de la nécessité et des implications des choix de vie me sidèrent chez les lycéens d’aujourd’hui.

  • Excellente leçon de coaching… Question : comment aider l’enfant de « milieu défavorisé » ? Les conseillers d’orientation peuvent-ils se substituer à l’ensemble de l’environnement défaillant et consacrer le temps nécessaire à chaque enfant ? La question appelle la réponse…
    Et je suis aussi sidéré que Michelo sur la passivité et l’ignorance des lycéens de mon environnement…

  • – J’ai dégoté cet article sur Politis… mais vraiment je ne sais pas trop quoi en penser ?!
    Je cite : Révolution symbolique (Pierre Bourdieu) les « experts », favorables au néolibéralisme, fournissent des recettes de bonne « gouvernance », apte à éclairer l’opinion publique des démocraties, libérales ou en voie de le devenir…Au cours de cette « transition démocratique », ces thinks tank, « indépendants » et « objectifs », ont pour charge politique d’éviter aux peuples de ces démocraties libérales, ou en cours de « libéralisation », la nostalgie d’idées socialistes ou souverainistes. (sic).
    https://www.politis.fr/articles/2018/02/les-think-tanks-sinstallent-au-coeur-de-letat-38308/

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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