Faut-il « brider » le dragon nucléaire chinois ?

Le dynamisme industriel dans tous les domaines du nucléaire a attiré en Chine plus d’une centaine d’entreprises françaises dont 70% ont une présence permanente, et dont la moitié produit déjà sur place.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Faut-il « brider » le dragon nucléaire chinois ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 12 janvier 2018
- A +

Par Michel Gay.

Le développement dynamique du nucléaire chinois fascine les entreprises françaises désireuses de trouver de nouvelles opportunités commerciales à l’étranger tandis que la France semble vouloir bouder le nucléaire. Le pays du sourire pourrait devenir leur nouvel Eldorado.

Mais peut-on dîner avec le Dragon, même avec une grande cuillère ?

Le nucléaire chinois accélère

La Chine est le nouveau géant du développement nucléaire. Depuis l’été 2017, EDF a perdu sa première place sur le podium mondial des électriciens au profit de CEIC (China Energie Investment Corporation), nouveau géant de l’énergie issu de la fusion de deux sociétés publiques chinoises. D’autres fusions sont prévues.

L’un des événements attendu en 2018 sera la connexion au réseau du premier EPR opérationnel, Taishan-1, conçu par Areva. Pourtant, sa construction a démarré en novembre 2009, deux ans… après celle de l’EPR de Flamanville.

La Chine produit près du quart de l’électricité mondiale, principalement (70%) grâce au charbon. Elle va pourtant disposer du plus grand nombre de réacteurs nucléaires en activité au monde (devant les États-Unis) dans une trentaine d’années.

Aux 38 réacteurs en exploitation, vont rapidement s’ajouter 19 réacteurs en construction, soit en quelques années presque autant que les 58 réacteurs d’EDF en France pour une puissance de 63 gigawatts (GW).

Le gouvernement chinois vise environ 150 à 200 GW de puissance nucléaire installée en 2030. Et cette évolution devrait se poursuivre au-delà.

Cet immense parc correspondra seulement à environ 10% de la production électrique du pays (contre un peu moins de 4% aujourd’hui). La marge de progression sera donc encore importante dans le but de décarboner une électricité issue majoritairement du charbon et  provoquant une pollution urbaine désastreuse.

Vers 2050, la Chine pourrait donc exploiter au moins 100 réacteurs nucléaires…, voire plus si elle souhaite obtenir une électricité vraiment moins carbonée.

La Chine vise le long terme et… le made in China

Sa stratégie est inspirée du modèle français : retraitement du combustible usé, réutilisation du plutonium dans du combustible MOX (mélangeant plutonium et uranium appauvri), et développement de réacteurs dits « rapides » dans la perspective lointaine d’une raréfaction de l’uranium naturel. Et ce parc de réacteurs sera… chinois.

Pour se doter rapidement des technologies nucléaires, la Chine a fait son marché en Russie, au Canada, aux États-Unis et en France. EDF et Areva ont pris une part importante dans cet essor. Les deux EPR en construction à Taishan sont la propriété d’une co-entreprise entre le chinois CGNPC (70 %) et EDF (30 %). Les Chinois adaptent leurs achats afin de les « siniser », comme EDF l’a fait avec les réacteurs à eau pressurisée construits en France, et dont la technologie est d’origine américaine (Westinghouse).

Cette « sinisation » débouche sur la fabrication en Chine de la plupart des composants.

Alors que le premier EPR de Taishan va utiliser des éléments fabriqués au Japon et en France, le second sera équipé « made in China ».

Pour les deux réacteurs Hualong (« Dragon chinois… ») en construction, dit de « génération 3 » (comme l’EPR), la majorité des composants lourds sont fabriqués en Chine. Le projet de construire deux réacteurs Hualong… en Grande-Bretagne indique la rapidité avec laquelle la Chine passe d’importateur à exportateur de cette technologie.

Autonomie et retraitement

Prévoir un tel parc de production nucléaire suppose de garantir l’approvisionnement en combustible et de gérer le combustible usé. Jusqu’à présent, la Chine a assuré son autonomie sur la partie amont du cycle du combustible : mines d’uranium, enrichissement de l’uranium, fabrication des combustibles nucléaires. Dans une vision de long terme, elle souhaite désormais une gestion intégrée de l’aval.

La Chine a adopté le modèle français : les combustibles usés seront retraités et les produits de fissions seront vitrifiés, comme à La Hague, dans la perspective d’un stockage géologique.

La Chine négocie actuellement avec Areva le transfert des technologies pour le retraitement des combustibles usés (avec une usine similaire à celle de La Hague), et pour la fabrication de combustible MOX (avec une usine similaire à celle de Marcoule).

L’accord de principe est déjà acté. La négociation porte sur le calendrier, les détails techniques… et le prix. La négociation pourrait se conclure en 2018 pour une réalisation vers 2030.

La recherche sur les « rapides »

Les réacteurs dits « rapides » allongent la durée des ressources en uranium de plusieurs siècles (et même de plusieurs millénaires) en multipliant par 100 la quantité d’électricité produite à partir de l’uranium naturel dans les réacteurs actuels.

Aujourd’hui, les Chinois ne produisent sur leur sol que le tiers de l’uranium qu’ils utilisent. Un autre tiers provient de mines contrôlées par des industriels chinois à l’étranger, le dernier tiers étant acheté sur le marché mondial (dont Areva).

La Chine a déjà mis en service en 2011 un petit réacteur « rapide » expérimental au sodium de 20 MW, construit avec l’aide de la Russie. Mais, elle vient surtout, fin décembre 2017, de couler le premier béton d’un réacteur rapide de 600 MW.

Ce réacteur de conception chinoise est similaire dans son principe aux réacteurs rapides Phénix et Superphénix qui ont fonctionné à Marcoule et Creys-Malville pendant plusieurs années avant leur arrêt décidé par Lionel Jospin pour des raisons de politique intérieure.

Cette filière « sodium » fait partie des pistes privilégiées par la coopération internationale sur les réacteurs du futur, dont le déploiement industriel n’est pas envisagé avant 2050.

La Chine teste également d’autres technologies pour le futur comme le réacteur HTR (High Temperature Reactor) refroidi à l’hélium et qui fonctionne à très haute température (750°C).

Ce dynamisme industriel dans tous les domaines du nucléaire a attiré en Chine plus d’une centaine d’entreprises françaises dont 70% ont une présence permanente, et dont la moitié produit déjà sur place. AREVA et EDF ont chacun également plus de 800 collaborateurs dans ce pays…

Faut-il brider la Chine ? Certainement pas !

Autant tirer de ce volontarisme dans le nucléaire un avantage pour notre industrie. Accompagner ce grand pays dans sa conquête d’une production massive d’électricité décarbonée pour améliorer le niveau de vie de ses citoyens, et l’aider dans son combat contre la pauvreté et… le réchauffement climatique, constituent aussi des engagements dans l’esprit de la France !

Voir les commentaires (14)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (14)
  • oui, sauf qu’il n’existe aucun « réchauffement climatique » avéré. pourquoi ne pas rester sur les seuls arguments techniques, scientifiques ou économiques valables ?

    • d’autant plus qu’en Chine ils sont légion, avec des villes qui meurent dans le smog en hiver, causé par le chauffage au charbon et, en partie aussi, par la production d’électricité. Ce sont des pollutions largement visibles par le peuple, donc les autorités sont obligées d’agir.
      Que dire à ceux qui regrettent une « opportunité manquée » en pensant que les chinois devraient se développer dans le solaire ou l’éolien ? Peut-être qu’à force de vivre dans le confort où tout est acquis ils ne savent pas de quoi ils parlent. D’une, parce-que les chinois n’ont pas attendu qu’on vienne leur dire de passer au solaire pour le faire, on trouve là-bas des chauffe-eau solaires moins chers que les chauffe-eau électriques d’ici. De deux parce-que quand les conditions sont mauvaises la Chine peine à produire suffisamment d’électricité pour tout le monde.
      En fait, ce qui nous manque en France, ce sont quelques grosses coupures, ça nous aiderait à réaliser que la construction et la maintenance d’un réseau électrique n’a rien de simple…

      • Au premier coup de grand froid on risque bien d’avoir des problèmes a déjà prévenu EDF. Ils vont bientôt s’en apercevoir et constater à quel point c’est incapacitant de manquer d’électricité!

  • Enfin un autre article ( après celui intitulé « personne n’a gagné un sous en Chine ) vantant les mérites du développement des échanges entre l’Europe et la Chine

  • La France serait autrement bien inspirée de développer le nucléaire en France-même, n’en déplaise aux écolos-gauchistes anti-nucléaires.

  • Je ne comprends pas le titre, quelqu’un quelque part a émis l’idée de « brider » le nucléaire chinois ?
    L’auteur dit « Faut-il brider la Chine ? » comme si c’était un choix donné à d’autres qu’aux instances de l’état chinois ?

  • Juste un point sur le dernier alinéa qui se réfère au réchauffement climatique.
    Quand le milieu du nucléaire va-t-il enfin se rendre compte que le réchauffement climatique dû à l’activité humaine est une énorme arnaque intellectuelle et scientifique ?
    Il faut avoir l’honnêteté de cesser de se raccrocher au wagon du « le nucléaire n’émet pas de CO2 », le CO2 humain n’y est pour rien dans le climat.
    Je peux vous envoyer 1000 lignes sur le sujet.
    Ce n’est pas à notre honneur. Je dis « notre » car j’ai fait une grande partie de ma carrière dans le milieu nucléaire.
    Il va bientôt faire froid et on va avoir l’air très con. Il faut prendre les devants.

    • On est d’accord sur la stupidité du réchauffement anthropique.
      Cependant, on peut parfois s’amuser un peu.
      Je ne me lasse pas de voir la tête d’un écolo quand on lui prouve par A+B que le moyen le plus efficace de lutter contre le CO2 est l’énergie nucléaire. Chose dont il a constitutionnellement horreur. La cerise sur le gâteau c’est quand il finit par convenir lui-même qu’il faudra quand même garder une partie de production électrique d’origine nucléaire…

      • Surtout quand pour lutter contre le réchauffement provoqué par le CO2 il recommande d’augmenter l’émission de CO2 causé par l’intermittence de l’éolien et du solaire!

  • Ils vont faire avec le nucléaire ce qu’ils font avec toute technologie avancée, la copier, puis la lancer sur le marché. Ils ont déjà copié l’Airbus, imprudemment livré par Airbus compagnie!

  • « … Avant leur arrêt décidé par Lionel Jospin pour des raisons de politique intérieure ». Que diplomatiquement cette chose là est dite. Cela veut dire, en langage non diplomatique : « … … avant leur arrêt décidé par Lionel Jospin pour des raisons de basse politique électorale ».

  • Je ne vois pas pour quelle raison la promotion de nucléaire nécessiterait de mettre en exergue son caractère vertueux en bilan carbone. Les caractéristiques du nucléaire, notamment celles de la génération IV, suffisent à elles seules à justifier son déploiement. D’autant que le dogme du réchauffement anthropique ne repose que sur la pseudo-science du GIEC et donc il est avéré que le CO2 n’a aucun effet mesurable sur la température. Ce dogme du RCA est le plus grand scandale planétaire de ce siècle et ses conséquences économiques sont catastrophiques, sauf pour ceux qui ont su en profiter sans vergogne.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
7
Sauvegarder cet article

Notre nouveau et brillant Premier ministre se trouve propulsé à la tête d’un gouvernement chargé de gérer un pays qui s’est habitué à vivre au-dessus de ses moyens. Depuis une quarantaine d’années notre économie est à la peine et elle ne produit pas suffisamment de richesses pour satisfaire les besoins de la population : le pays, en conséquence, vit à crédit. Aussi, notre dette extérieure ne cesse-t-elle de croître et elle atteint maintenant un niveau qui inquiète les agences de notation. La tâche de notre Premier ministre est donc loin d’êtr... Poursuivre la lecture

Ce vendredi 2 février, les États membres ont unanimement approuvé le AI Act ou Loi sur l’IA, après une procédure longue et mouvementée. En tant que tout premier cadre législatif international et contraignant sur l’IA, le texte fait beaucoup parler de lui.

La commercialisation de l’IA générative a apporté son lot d’inquiétudes, notamment en matière d’atteintes aux droits fondamentaux.

Ainsi, une course à la règlementation de l’IA, dont l’issue pourrait réajuster certains rapports de force, fait rage. Parfois critiquée pour son ap... Poursuivre la lecture

7
Sauvegarder cet article

Les milieux financiers découvrent tardivement les faiblesses du modèle chinois, pourtant perceptibles depuis une décennie. C’était prévisible pour tout observateur de la démographie, des mécanismes de développement et du communisme.

On peut penser notamment aux dettes souscrites en contrepartie de faux actifs, par exemple pour la construction de logements, alors qu’il y a de moins en moins de jeunes pour les occuper ou d’infrastructures redondantes, faisant momentanément la joie des bâtisseurs. Je me doutais bien que ces dettes sortira... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles